La conférence donnée, jeudi à Rabat, par Gilles Kepel à propos des crises du Moyen-Orient et leurs conséquences en Europe et au Maghreb, ne pouvait se passer sans évoquer les décapitations par Daech. Selon le politologue français et spécialiste de l'Islam et du monde arabe contemporain, ce thème d'actualité brûlante est «difficilement mis en perspective» de par les commentaires qu'il nourrit. A propos de la qualification de Daech d'Etat islamique, Kepel répond: «J'en sais rien!». Par contre le discours de Daech est devenu, aux yeux du politologue, « polarisant ». Quant au business model de Daech, il a accumulé des armes en Syrie lui ayant permis de procéder à une offensive victorieuse. Le politologue explique qu'il s'agit là d'un «système de réseau réticulaire consistant à former militairement et réinjecter dans la société d'origine, donc l'effet est délétère mais pas spectaculaire bien qu'il pénètre dans les couches sociales». C'est donc un «ensauvagement» consistant à faire exploser les sociétés par le biais des citoyens du monde musulman. Dans ce sens, le conférencier a relevé une dimension d'ombre de Daech qui cause un problème dans la société. «Comment se fait-il que les jeunes ayant passé par l'école française se convertissent à une vision extrémiste de l'Islam?», a-t-il formulé, en rappelant que la France comporte une importante population originaire du Maghreb dont deux millions de Marocains. D'autant plus que des enfants de résidents prennent part au processus électoral. Le passage de Gilles Kepel à Rabat était une occasion pour évoquer la guerre civile en Libye. Celle-ci n'oppose pas seulement les tribus mais aussi les Emirats Arabes Unis, l'Arabie Saoudite et l'Egypte qui soutiennent les milices alors que le Qatar soutient un parti local qui se reconstruit. A propos du Moyen-Orient, le politologue français a rappelé qu'il est «en pleine mutation» tout en faisant allusion à la victoire symbolique du Hamas. «Aujourd'hui il est difficile de raisonner en termes de frontières», a-t-il enchaîné. Il a également été question de l'Islam dans l'allocution de Gilles Kepel. L'Iran comment gère-t-il ses conflits ? «Par personnes interposées», répond-il. Le Hezbollah, Hamas et Damas exerçant une pression sur Israël, la rétorsion demeure possible. S'agissant du Sahel, le politologue a conclu que «c'est une zone de transbordement».