Mustapha El Mrabet, président de l'Association des travailleurs marocains en Espagne (ATIME), exhorte la communauté marocaine à ne pas répondre aux provocations des extrémistes espagnols qui ont haussé le ton et multiplié les gesticulations xénophobes. Il appelle à lutter contre les préjugés et à nourrir l'espoir d'une entente entre les deux parties. ALM : Qu'est-ce qui a changé pour la communauté marocaine travaillant en Espagne, après les attentats de Madrid ? Mustapha El Mrabet : Il serait utopique de penser que rien ne va changer pour la communauté marocaine. Notre vie en tant que collectif va s'en ressentir. Il y aura sans doute un avant et un après 11 mars. Ce que je peux assurer, c'est que des inquiétudes existent. La communauté marocaine appréhende des réactions, mais elle n'a pas pour autant cédé à la peur et encore moins modifié ses habitudes. Les travailleurs se rendent tous les jours à leur emploi. Leurs enfants vont à l'école. Ce qui change, c'est le regard que posent certaines personnes sur cette communauté marocaine. Ceux qui la regardaient avant le 11 mars avec les yeux du rejet vont redoubler de gestes de provocations à son égard. Qui sont ces personnes ? Les groupes extrémistes. Ils sont minoritaires, mais réussissent à faire beaucoup de bruit. Et quand ils frappent, ils font généralement très mal. Ils ont déjà inscrit des graffitis aux murs de certaines villes : “Moros assessinos“. Il ne faut pas toutefois oublier que ces groupes étaient xénophobes avant le 11 mars. Ils profitent d'une situation qui est propice à leurs thèses racistes. Leurs provocations ne devraient pas nous faire oublier que la majorité de la société civile espagnole n'adhère pas à leurs gesticulations haineuses. Que faites-vous pour contrer les provocations de cette minorité ? Nous nous mobilisons d'abord pour que ce groupe minoritaire demeure minoritaire. Il ne faudrait pas qu'il augmente ses rangs par de nouvelles recrues. La société espagnole n'est pas raciste, de même que les Marocains ne sont pas des terroristes. Nous oeuvrons pour mieux communiquer avec la société espagnole. Pour lui montrer que l'Islam, tel qu'il est exercé au Maroc, est une religion de tolérance et de paix. Nous lui présentons également les réformes entreprises au pays. Le nouveau Code de la famille est extrêmement vendeur ! Vous semblez optimiste. L'après 11 mars ne serait-il pas aussi terrible qu'on ne le croirait de prime abord ? Bien au contraire : la tâche est considérable. Nous sommes aux premières lignes. Des Marocains sont impliqués dans les attentats. Cela va laisser des traces. Mais nous travaillons avec les institutions espagnoles pour qu'il n'y ait pas d'amalgame et pour que la forte communauté de Marocains mène une vie paisible. Une forte présence de policiers espagnols a été signalée dans les quartiers marocains de Madrid. Ces policiers suspectent-ils les Marocains ? Non ! La présence des policiers espagnols dans quelques quartiers de Madrid fait partie d'une politique préventive. Les policiers sont là pour protéger les Marocains contre d'éventuels débordements des extrémistes minoritaires dont je parlais. Je répète que nous travaillons de concert avec les institutions espagnoles. Les consignes données aux Marocains sont claires : être vigilants et ne pas répondre aux provocations. Il faut qu'on réussisse à transmettre l'image d'une communauté sereine. Nous travaillons aussi avec l'ambassade du Maroc en Espagne. Notre objectif est commun: rester tranquilles et ne pas tomber dans le piège des provocations xénophobes. Comment voyez-vous les rapports des immigrés marocains et des Espagnols après le 11 mars ? Nous gardons l'espoir d'une meilleure convivialité entre les deux parties. Nous avons des préjugés envers les Espagnols et ils en ont à notre à égard. Pour effacer cela, il faut communiquer. Tout passe par la communication. Si chacun campe sur ses positions, nous passerons à côté de l'essentiel : une communauté de destins, fondée sur une Histoire commune.