Est-ce la fin des taxis blancs, ces fameux «requins» qui sillonnent les villes marocaines et les routes secondaires nationales ? A en croire le projet de décret qui vient d'être remis au gouvernement Abdelilah Benkirane, c'est sur la bonne voie. Ce projet qui fera bientôt l'objet d'un débat en Conseil de gouvernement a pour objectif de permettre au parc automobile marocain de faire peau neuve. Ou tout au moins se refaire un lifting pour se débarrasser de ces Mercedes 240 D qui n'ont plus d'âge, mais sont tellement robustes qu'elles semblent increvables. C'est simple, selon les données du gouvernement, les fameuses allemandes qui servent de taxis blancs ont une moyenne d'âge qui dépasse les 30 ans. C'est dire qu'elles ont amorti leur investissement. Les allemandes ont fait leur temps et assez joué les prolongations. Pour cette opération, le gouvernement s'est inspiré de la campagne de renouvellement du parc automobile pour les taxis rouges, lancée en 2010 et qui commence à donner ses fruits, puisque l'on voit, dans les rues des grandes villes marocaines, de nouvelles voitures, parfois de bonnes marques, font office de taxis, au grand bonheur des clients. Ce projet de décret prévoit également une prime à la casse. Le montant retenu est de 80000 DH. Mais pour avoir droit à cette prime, il faut remplir plusieurs conditions. Le véhicule en question doit avoir plus de 10 ans. Et ce à partir de la date du dépôt du dossier de renouvellement. Ensuite, le véhicule en question doit avoir servi de taxi blanc, durant les trois dernières années. Enfin, le propriétaire, qui change son véhicule, doit l'utiliser comme taxi au moins durant 48 mois, à partir de la date de son acquisition. Reste la dernière condition, qui est la clef de voûte de tout ce projet : le propriétaire est obligé de remettre son ancien véhicule à la casse. Cela permettrait, selon le gouvernement, de faire d'une pierre deux coups. D'abord, un effet écologique puisqu'un véhicule neuf avec un moteur neuf permet de réduire l'émission de CO2 et la consommation en gasoil. Ensuite, pour l'Etat, un parc nouveau, avec une consommation réduite, permet aussi de réduire la pression sur la Caisse de compensation, qui subventionne une partie du gasoil à la pompe. C'est donc tout le bénéfice pour le pays et pour les usagers des transports publics. Car, il faut le dire, les taxis blancs, les Mercedes 240 D, sont une réelle calamité. Que d'accidents graves, que d'anarchie et de manque de respect des lois et du code de la route. Pour la majorité des chauffeurs, qui font des lignes fixes reliant un point A à un point B, par exemple, Hay Mohammadi-centre-ville ou encore Mâarif-Oulfa, Bernoussi-Hyatt Regency, l'impératif pour le chauffeur est de faire la course en un temps record. Il dépose ses clients, recharge, refait le trajet dans le sens contraire et rebelote au maximum pour grossir la recette en fin de journée. Ce qui se fait au détriment du respect de la route, peut provoquer de graves accidents et décimer des vies. Des cas horribles ont fait les choux gras des médias sans qu'aucune mesure ne soit prise. Alors un tel décret qui entre en vigueur est synonyme pour une grande majorité des usagers des taxis blancs, d'une peur en moins et d'un regain de confiance en la route et en les véhicules utilisés. Un simple tour dans une station de taxis blancs nous donne une idée très précise de l'état de dégradation de ces voitures qui ont tapé la route durant plus de 30 ans sans discontinuer. Engins rafistolés, bricolés, remontés, avec des pièces de rechange agencées comme par miracle, un voyage dans un taxi blanc peut parfois devenir un sale jeu à la roulette russe. Cela passe. Ou cela casse. Sans parler des taxis qui font les liaisons rurales. Là, le danger est permanent. On roule à tombeaux ouverts, on brave les sacro-saints préceptes du respect du code de la route, et on joue avec la vie des gens. Résultat: des morts, des blessés, des handicapés à vie. Alors, changer le parc automobile des grands taxis est une très bonne nouvelle. En finir avec la Mercedes 240 D un défi, jusque-là impossible, mais enfin réalisable.