Je ne vais rien vous apprendre, mais le bac n'est plus ce qu'il était. Ah le bon vieux temps du «passe ton bac d'abord !». Traduction : si tu n'as pas ton bac, tu n'es rien. Aujourd'hui, c'est plutôt : « Qu'est-ce que tu vas faire avec ton bac ?». Autrement dit, ton bac ne vaut plus rien. C'est vrai qu'avant, avoir le bac, c'était presque aussi glorieux et aussi prestigieux que d'arriver premier à la course des 1500 m aux Jeux Olympiques. Oui, Aouita n'avait pas son bac, mais ça n'a rien à voir ! Et puis, lui, il n'en avait pas besoin parce que, lui, il utilisait sa tête pour faire marcher ses pieds. Pas comme d'autres chez nous qui marchent sur leurs têtes et pensent avec leurs pieds… Non, je ne vous donnerai pas de noms ! Non, non, ce ne sont pas forcément des ministres… Justement, il paraît qu'un de nos ministres actuels n'a pas le bac… Et alors ? Et même si c'était vrai, vous croyez qu'il serait moins bien qu'un diplômé de Sciences-Po ou qu'un polytechnicien? D'ailleurs, je viens de me souvenir qu'il y a quelques années, on avait un ministre – paix à son âme - qui n'avait pas le bac, mais qui était syndicaliste, ce qui compensait largement. Je ne sais pas s'il était compétent dans son département, mais qu'est-ce qu'il nous faisait rigoler ! Avec son accent du terroir et sa candeur parfois angélique, il arrivait presque à nous faire aimer la politique. Ce n'est pas comme aujourd'hui… mais, passons. Au fait, je parlais de quoi ? Ah oui, du bac. Je disais que le bac avait beaucoup d'importance aussi bien aux yeux des candidats qu'aux yeux de leurs familles. Je me rappelle d'une blague qu'on se racontait à l'époque. Une femme et son mari sont partis un jour demander la main d'une fille pour un de leurs fils. Quand les parents de la dulcinée leur ont demandé ce que faisait leur éventuel futur gendre, la mère leur répondit : «Son frère a le bac». Et oui. Avant, quand on avait le bac, on était très bien vu. Et ça se comprenait. Vraiment ce n'était pas facile de le décrocher. Combien de jours de révision et que de nuits blanches pour le préparer ! La veille de l'examen, on avait un trac fou. On ne dormait pas et on rêvait de ce sésame qui ouvrait toutes les portes, y compris celle du bonheur et de la prospérité. Le bac se présentait dans nos rêves, selon les nuits, selon les gens, et selon ce qu'ils ont mangé au dîner, sous la forme d'une belle nana – ou d'un beau mec, c'est selon – d'une belle bagnole, d'un beau tracteur, d'un beau bureau, d'une belle villa, d'une belle ferme, bref, chacun rêvait de ce qu'il voulait. Moi, par exemple, devinez de quoi je rêvais? D'un revolver. Je venais de voir le film western «Le Bon, la brute et le truand ». A l'époque, j'étais amoureux dingue d'une copine de classe qui était canon, mais elle, préférait un copain prétentieux qui était nul en maths mais qui venait au lycée en Chevrolet corvette décapotable de couleur rouge. Beurk ! Bref, toutes les nuits qui avaient précédé le passage du bac, je me voyais en Clint Eastwood, avec son super chapeau et son beau maxi manteau. Mais, moi, ce qui m'intéressait, c'est surtout son magnifique revolver. Qu'est-ce que je voulais en faire ? Je peux l'avouer aujourd'hui car il y a prescription : bien sûr, flinguer le frimeur au mauvais goût. En tout cas, ma consolation, c'est que ni moi ni lui n'avons pu sortir avec la nana qui a été donnée en mariage à son cousin, un fils de nabab, avant qu'ils ne partent poursuivre leurs études ensemble à Paris. Revenons au bac. En fait, ce n'est ni pour le minimiser ni pour mépriser ceux et celles qui vont bientôt l'avoir, mais je ne comprends vraiment pas pourquoi on se fatigue autant pour ce truc ? Il paraît que pour tricher et pour le décrocher plus facilement, certains – et aussi certaines – vont jusqu'à utiliser des Smartphones, qu'on appelle curieusement en arabe des «téléphones intelligents»! Franchement, pourquoi déranger l'intelligence pour si peu ? En attendant les résultats du bac, je souhaite à tous les candidats et à toutes les candidates un très bon week-end et, bien sûr, bientôt, une très bonne nouvelle. Quant aux autres… Un dernier mot sous forme de devinette pour rigoler un peu : comment appelle-t-on la maladie de quelqu'un qui a un discours durant les jours de semaine et un autre, différent, le week-end ?