Les arrestations menées actuellement en Espagne, et dont la cible sont des présumés terroristes appartenant au réseau d'Al Qaïda, dont trois marocains, sont loin d'être une première. Al Qaida dispose de relais de longue date en Espagne. Depuis 2001, plusieurs réseaux islamistes liés à la mouvance du Jihad ont été démantelés. Bien que le ministre espagnol de l'Intérieur, Angel Acebes, se soit gardé d'avancer l'appartenance de ces Marocains (Jamal Zougam, Mohamed Bekkali et Mohamed Chaoui), au réseau de Ben Laden, certaines craintes, notamment américaines, et des arrestations passées, font se profiler l'ombre de la présence de combattants d'Al Qaïda en recherche de nouvelles bases, dont l'Espagne. L'Espagne qui se retrouve, depuis son implication dans la guerre contre l'Irak, en huitième position sur la liste des «pays occidentaux les plus menacés par la mouvance du Jihad». Ce pays est une «cible légitime» pour la mouvance du Djihad : elle est étroitement alliée aux Etats-Unis, elle a soutenu la guerre en Irak et elle participe, avec les forces de la coalition, à la reconstruction de ce pays. A cela s'ajoute une certitude : Al Qaïda dispose de relais de longue date en Espagne. Depuis 2001, plusieurs réseaux islamistes liés à la mouvance du Jihad ont été démantelés en Espagne, ce qui témoigne d'une forte implantation locale. Mohammed Atta, le chef présumé des terroristes du 11 septembre, y a fait escale une semaine avant de mener à bien son funeste projet, sans que l'on puisse établir quels furent ses interlocuteurs. A cela s'ajoute l'inculpation, mercredi 17 septembre 2003, de 35 présumés dirigeants ou membres d'Al Qaïda, dont Oussama Ben Laden et le journaliste de la chaîne Al Jazira Tayssir Allouni. Le réseau terroriste était à cette date entré dans le collimateur de la justice espagnole. Baltasar Garzón, juge de l'Audience nationale, la plus haute instance pénale espagnole, avait exigé le maintien en détention provisoire de 11 personnes et avait émis un mandat d'arrêt international contre le reste des inculpés, dont Ben Laden. Les chefs d'inculpation allaient de « la participation ou la collaboration à une entreprise terroriste, à l'assassinat, la fraude fiscale pour une valeur de 2,6 millions d'euros, faux et usage de faux, escroquerie et détention illégale d'armes ». Selon le même Garzón, dont les propos ont été relayés par le Courrier international, Al Qaïda est implantée dans plusieurs pays et particulièrement en Espagne, qui a servi de base de repos, de préparation, d'endoctrinement, de soutien et de financement de personnes intégrées à l'organisation. Dans un acte d'inculpation de près de 700 pages, le magistrat avait détaillé toute l'histoire d'Al Qaïda depuis les organisations qui l'ont précédée jusqu'à aujourd'hui. Ainsi, il dégage trois niveaux au sein d'Al Qaïda : «Le premier est composé par Ben Laden et son lieutenant Ayman al-Zawahiri. Le second niveau serait formé par les responsables des opérations, de l'entraînement, des finances, des réseaux et de la doctrine. Enfin, le troisième niveau est celui des cellules, comme celle d'Espagne ou celle de Mohammed Atta». Selon le juge Garzón, c'est « en Espagne qu'ont été réglés les derniers détails des attentats du 11 septembre 2001 dans lesquels la cellule espagnole d'Al Qaïda, dirigée par Imad Eddine Barakat Yarkas (alias Abou Dahdah), a joué un rôle fondamental». La technique de «ciblage multiple» est une «marque de fabrique» des attentats islamistes. Les précédents sont connus : attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie le 7 août 1998, New York et Washington le 11 septembre 2001, Bali, Casablanca, Riyad, Istanbul, l'Irak: autant de lieux où cette technique a été utilisée avec succès. Un seul fait paraît nuancer la thèse d'une implication islamiste: l'absence de kamikazes. Les attentats-suicides, les voitures piégées sont la marque d'Al-Qaïda. Al-Zawahiri, l'adjoint de Ben Laden, a théorisé leur utilisation. Cette pièce-là manque au puzzle. Les récentes arrestations opérées en Espagne ont de surcroît affaibli les relais d'Al Qaïda. Mais, aux dires des services de renseignements occidentaux, le nombre de personnes suspectées d'appartenance aux réseaux d'Al Qaïda se situerait toujours autour de 300 agents «dormants», jugés extrêmement dangereux, circulant sous de fausses identités, organisés de manière très cloisonnée et faisant montre de mobilité, changeant d'adresse et de pays.