Conflits d'intérêts, accès à l'information, protection des témoins..le débat sur la corruption semble être aussi interminable que l'ampleur de ce phénomène au Maroc. Lors d'une conférence tenue mardi 19 décembre à l'Université internationale de Casablanca (UIC), Abdeslam Aboudrar, président de l'Instance centrale de lutte contre la corruption (ICPC) et Azzedine Akesbi, ex-secrétaire général de Transparency Maroc, ont tenté de faire le diagnostic de la situation. Pas très heureux le bilan dressé par ces deux experts pour ce qui est de l'évolution des efforts du Maroc en matière de lutte contre la corruption. Si l'on se base sur l'Indice de perception de la corruption (IPC), entre 2002 et 2012, le Maroc n'aurait fait que du sur place. En effet, cet indice a démarré à 3,7 pour revenir à ce même niveau en 2012. Pour Azzedine Akesbi, «ce classement ne signifierait pas grand-chose dans la mesure où il est question de perception. La base sur laquelle on calcule ceci n'est pas stable. D'ailleurs, aussi absurde que cela puisse paraître, les paradis fiscaux sont les meilleurs élèves en termes d'IPC». Aboudrar le rejoint sur cette même idée et estime que ce ne serait pas le meilleur des indices, «il ne mesure que l'ampleur de la petite corruption. Au Qatar à titre d'exemple, il n'a jamais eu de distinction entre argent public et privé. C'est une corruption institutionnalisée et pourtant, il est en tête des pays arabes où la corruption est la mieux perçue». Une chose demeure sûre, crédible ou pas, le pessimisme enveloppe la perception de la population pour ce phénomène. Ici, les premiers à blâmer seraient les pouvoirs publics. «Ce sont les principaux responsables. Il n'a jamais été annoncé au Maroc une stratégie claire de lutte contre la corruption. Nous n'avons ni des objectifs précis ni des délais. Encore moins des indicateurs de progrès et des ressources», s'indigne le président de l'ICPC. Pour lui, la dernière campagne menée par les autorités sur la question aurait été «beaucoup plus crédible si elle était animée par une stratégie bien définie et non par la pression de l'opinion publique». Depuis sa création, l'ICPC est sujet à plusieurs critiques. Entre pouvoirs limités, fragilité de positionnement institutionnel et budget déplorable, l'efficacité de cette instance est mise en jeu. Elle ne peut être assurée qu'en présence d'un cadre juridique lui permettant des prérogatives plus larges. Aujourd'hui, cette instance s'effacera au profit d'une autre appelée «Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption» (INPLC). La mise en place de cette instance, comme l'explique Aboudrar, est «question de temps». «La nouvelle constitution nous permet de créer une instance de probité (art 36, ndlr). Nous n'avons fait que saisir cette occasion et les lois de mise en place de l'INPLC sont en préparation». Telle présentée, cette nouvelle instance promet gros. Elle est dotée de capacité juridique, d'autonomie financière et pour une première, d'un pouvoir d'auto-saisine lui permettant de mener des enquêtes et inspections. Encore faut-il que ces promesses se traduisent sur le terrain. Une chose que Azzedine Akesbi n'a pas manqué de remettre en cause.