La crise économique qui campe en Espagne depuis le deuxième semestre de 2007 a transformé le paysage social en créant de nouveaux profils de travailleurs. Ses conséquences les plus apparentes sont constatées particulièrement au niveau du comportement des entrepreneurs à l'égard de la main d'œuvre étrangère. L'aspect des travailleurs étrangers commence aussi à changer et du coup l'Espagne a cessé d'être la destination prioritaire de l'immigration économique de l'hémisphère sud. Les statistiques sur les mouvements migratoires à destination de ce pays attestent une nette diminution d'arrivées de la main d'œuvre peu qualifiée et le maintien (ou la progression) de celles de cadres hautement préparés. De manière que la proportion des étrangers dans les activités exigeant un haut niveau de qualification ne cesse de progresser alors que celle de l'immigration économique est la plus affectée par la crise et les affres du chômage. L'Espagne, attrapée dans une crise économique qui est devenue chronique au fil des années, a perdu son éclat de destination préférée des travailleurs du tiers-monde et de l'Europe de l'Est. Elle fait désormais partie du club des pays où l'immigration a chuté. Si les traditionnels pays de l'immigration ont dû supporter durant plusieurs décennies l'avalanche des flux migratoires, l'Espagne, par contre, s'est montrée, à l'issue de 15 ans de prospérité économique, incapable d'accueillir davantage de main d'œuvre étrangère. C'est la fin du cycle des portes ouvertes du fait que les autorités de Madrid n'ont pu mettre en marche un modèle migratoire propre. Selon le recensement provisoire de la population, rendu public en avril dernier, la population étrangère a baissé en 2010 pour la première fois durant les trois dernières décennies passant de 5.747.734 à 5.730.667 personnes, soit une baisse de 17.067 personnes (moins 0,3%). Dans un marché du travail qui se rétrécit chaque jour, la crise économique a eu pour conséquence un million de chômeurs parmi les immigrés. En relation avec la période allant de 2008 au premier semestre de 2009, le nombre de chômeurs étrangers a été supérieur à 700.000 personnes avant d'atteindre un million à fin décembre de 2010, soit 25% du total des sans - emploi en Espagne, dont 148.431 marocains (jusqu'au 15 juillet). Ce sont en général les travailleurs dans le secteur du bâtiment qui s'est écroulé comme un château de cartes en l'espace de quelques mois balayant sur son parcours des multinationales, entités financières et une infinité de corporations de travailleurs spécialisés. Dans ces circonstances, le profil de l'immigré en place ou ceux qui viendront dans l'avenir commence à évoluer. La réalité du marché du travail démontre que la crise a surtout touché les immigrés qui occupent des postes de travail de basse ou moyenne qualification. En 2009, le nombre d'autorisations accordées aux travailleurs étrangers hautement qualifiés était de 6.568 personnes soit une baisse de 32,9% par rapport à 2008 (9.792 autorisations). Par contre, ont été attribuées à la même année 16.292 autorisations à des travailleurs de basse qualification, chiffre qui représente une chute de 78,45% par rapport à 2008, année où furent concédées 378.107 autorisations. Le collectif des travailleurs saisonniers munis d'un contrat de travail et un visa spécial pour une durée déterminée, est passé de 82.844 en 2008 à 4.148 en 2009, soit une diminution de 94,99%. Dans ce chiffre, sont inclus les travailleurs marocains qui exerçaient dans les plantations de la fraise à Huelva. Il ressort de cet exercice comparatif que le marché du travail a opté pour une discrimination positive en période de crise privilégiant l'arrivée des cadres qualifiés étrangers au détriment de ceux de basse préparation professionnelle. La plupart de ces cadres proviennent d'autres pays de l'Union Européenne. Toutefois, certaines catégories de travailleurs immigrés comptant plusieurs années de résidence ont réussi à améliorer leur position professionnelle pour avoir acquis une formation adéquate. Le nombre de travailleurs hautement qualifiés maintient sa tendance en hausse avant et durant la crise, a observé une étude rendue publique récemment par le ministère espagnol du travail et de l'immigration. La crise économique a ainsi provoqué une rigoureuse sélection au sein du marché du travail excluant, en premier lieu, les étrangers de basse qualification. Bien que le nombre des immigrés qualifiés ne cesse d'accroître, les travaux les moins payés, les plus durs et de bas niveau de responsabilité leur sont réservés. Au début de 2010, les étrangers occupaient seulement 3,6% des postes d'emploi de haute qualification, 7,2% des emplois de qualification moyenne et 17,5% des emplois qui requièrent une basse préparation. L'Espagne sera ainsi confrontée, une fois vaincue la crise, au défi de captation d'immigrés hautement qualifiés pour pouvoir récupérer le niveau de la production et d'activité des entreprises, et de parer au déficit de travailleurs mieux préparés. Elle devra, dans ces conditions, entrer en concurrence avec d'autres puissances économiques qui jouissent d'une large expérience dans ce domaine, dont la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, le Canada et les Etats-Unis. Le Centre Européen pour le Développement de la Formation professionnelle (CODEFOP) a d'ailleurs mis en garde contre le fait que la demande des travailleurs hautement qualifiés va concerner 35% du total des emplois, face à 28% en 2000. Au cours de la prochaine décennie, le marché espagnol ne va sûrement pas avoir besoin d'immigrés pour couvrir des postes d'emplois de basse qualification.