Quarante minutes d'un échange soutenu de coups de feu, puis une voix qui semble sortir de nulle part : « We've IDed Geronimo ». Traduction : l'identité de Geronimo est établie ! Telle était l'ambiance dans la fameuse « Situation Room » de la maison blanche où le président Barack Obama, le vice-président Joe Biden, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton, le ministre de la défense Robert Gates et une dizaine d'autres collaborateurs ont suivi par liaison satellitaire l'opération qui a mis fin à la cavale et à la vie d'Oussama Ben Laden, alias Geronimo ! Quelques heures après avoir annoncé la mort du leader d'Al-Qaida, Obama a déclaré que le monde était maintenant « plus sûr ». Mais au-delà de cette affirmation de circonstance, ce qui est encore plus sûr c'est que le Président américain vient de frapper un grand coup politique ! Un coup qui a considérablement boosté sa cote de popularité. Certains observateurs n'hésitent pas à conclure que l'élection présidentielle de 2012 se trouve ainsi pliée, surtout que dans le camp républicain aucun prétendant sérieux n'est encore sorti du lot ! Cependant, au pays du spectacle médiatique continu, les polémiques commencent déjà à surgir ! La dernière en date concerne « Geronimo » : nom de code attribué à Oussama Ben Laden ! Des voix se sont élevées pour dénoncer ce choix comme une insulte à la mémoire du grand guerrier Apache, qui a loyalement combattu les Américains et les Mexicains au 19-eme siècle. Certains vont plus loin en disant que l'utilisation de Geronimo est tout simplement « raciste », notamment sous le commandement du premier Président noir des Etats Unis. Mais il n'y a pas que Geronimo. La communication autour de la mort de Ben Laden a été plus que chaotique. On sait maintenant que le leader d'Al-Qaida n'était pas armé au moment de sa neutralisation, contrairement à ce qui a été avancé au départ. D'où la question « qui tue » : pourquoi ne l'a-t-on pas arrêté alors? La réponse officielle nous dit qu'il aurait résisté ! Beaucoup d'Américains lambda se demandent comment il aurait pu résister aux super limiers des Seals s'il n'était pas armé ? L'autre polémique concerne la photographie du cadavre de Ben Laden. Le président Obama a tranché : son administration ne diffusera pas une photo pareille. Pour lui, le cliché du cadavre risque de jeter de l'huile sur le feu des extrémistes, sans parler de l'effet dévastateur sur la réputation des Américains dans le monde musulman ! Mais là aussi, plusieurs analystes américains récusent cet argument et demandent à ce qu'une preuve photographique du cadavre ainsi que de la cérémonie d'inhumation en haute mer, soient mises à la disposition des medias. Ils semblent ainsi rejoindre plusieurs commentateurs arabes qui réclament ce genre de preuves avant – disent-ils – de croire au récit américain sur la mort de Ben Laden. La dernière – ou l'avant-dernière polémique – est soulevée par d'anciens agents de la CIA, qui ont servi comme « interrogateurs » du temps de l'administration de George W Bush. Ils prétendent que ce sont leurs « interrogatoires avancées », entendez musclées, de certains membres d'Al-Qaida qui ont permis de repérer la cache de l'inspirateur des attentats du 11 septembre 2001 ! A son arrivée à la maison blanche, Obama a décidé de bannir l'utilisation de ces techniques d'interrogatoire, dénoncées comme de la torture par les organisations des droits de l'homme et les défenseurs des droits civiques. Il avait également promis de fermer le camp de détention de Guantanamo ou croupissent les « combattants ennemis » arrêtés en Afghanistan et au Pakistan dans la foulée des attentats de New York. Sauf qu'il s'est rétracté. Car il aurait fallu qu'il ramène les détenus de ce camp extra-judiciaire situé à Cuba, sur le sol même des Etats Unis pour les poursuivre devant la justice américaine. Et comme on est dans un pays où la justice ne répond (presque ?) jamais aux injonctions des politiques, car elle est indépendante, la dernière chose dont aurait eu besoin et le président Obama et ses adversaires républicains, aurait été un procès médiatisé du leader d'Al-Qaida en plein Manhattan. Ahmed Abdelmouneim. Washington le 05/05/2011.