Etrange ballet que celui que nous présente ce premier recueil de nouvelles de Ahmed Laaroussi Chater- Le passé intérieur, Editions Marsam. C'est un véritable capharnaüm. A l'image de la vie. Cette vie où se côtoient les êtres les plus singuliers, se heurtant aux choses les plus hétéroclites ; puisqu'aussi bien cheque vie est unique et chaque chose n'est semblable à son identique qu'en apparence. Il y a donc dans ce recueil de nouvelles des êtres surnaturels tout à fait ordinaires – Aicha Kandicha-, des êtres communs si extraordinaires qu'ils entendent ce qu'aboyer veut dire-Le chien-, des hommes déracinés par les remous de la ville, des marginaux charriés par les tonneaux de la vie et qui retrouvent la voie, et par dessus tout, des animaux qui nous ressemblent tant qu'ils ne nous sont pas supérieurs. Et tous ces êtres, hommes et femmes, chiens et chats, choses et ombres, vivent en communauté Parfois en agissant les uns avec les autres, et d'autre fois, en se retranchant sur des positions subliminales, de manière à laisser parler l'ombre des mots, ces non-dits qui font parfois la lumière sur l'obscur et qui donnent la parole au silence.. Si bien que quand l'auteur développe ses « petites histoires » - pour parler comme Guy de Maupassant-, on ne sait plus s'il narre ou s'il nargue. S'il dit ce qui est ou a été, ou s'il annonce ce qui a failli être. Les histoires de ce recueil peuvent en effet avoir un air d'entendu, qu'elles rendent néanmoins un son nouveau. Ils sont en cela comme sont les remakes, quand, comme cela lui arrive souvent, l'histoire se décline en spirale et présente le même spectacle à des hauteurs différentes. Ce n'en est que tant mieux, car l'auteur y met la forme. Ses récits sont conduits comme ceux que les conteurs des places publiques d'antan servaient aux cercles des badauds – Halka –, peu avant que le muezzin n'invite à la prière du soir. L'entrée en matière y est longuement aménagée de manière à fomenter et à exacerber la curiosité. Jusqu'au dénouement final où « la chute » est avouée brusquement ; car la prière n'attend pas. Mais on ne se guérit pas d'une déformation professionnelle vieille de plus d'un quart de siècle. De ce journalisme dont la pratique a occupé sa vie active, il est resté à Ahmed Laaroussi Chater ce regard éveillé et fureteur qu'il promène sans complaisance sur notre société pour nous en offrir de l'intérieur, une image dont les couleurs ne semblent passées qu'en apparence. Car rien n'est plus actuel, plus pertinent, plus incisif que les textes qui composent ce recueil. Quoi de plus normal puisqu'ils disent la condition humaine. A paraître du même auteur : Le présent du subjectif.