Les événements de la révolution de Jasmin en Tunisie ont donné lieu à des réactions différenciées à tous les niveaux : politique, culturel et médiatique. Le départ du président déchu est venu fouetter la scène arabe, particulièrement, qui semblait ronronner dans une statique sans égal. Tout d'un coup le syndrome tunisien a pris valeur de modèle. La réappropriation d'un pouvoir, confisqué pendant plus de deux décennies, par le peuple emmené par la fougue d'une jeunesse désespérée. A partir de ce tableau idyllique, du point de vue des révolutionnaires purs et durs, nombre de médias dans le monde arabe se sont vite placés en défenseurs par procuration du peuple tunisien et se sont même offerts le luxe de décortiquer les événements sous toutes les coutures. La chaîne satellitaire Qatarie Al Jazeera, par exemple, devrait obtenir la palme d'or dans l'art et la manière de parler par procuration au nom des peuples. Les frontières entre le devoir d'informer et celui de tripoter la réalité, à partir d'une grille de lecture auto -centrique et une vision du monde crypto-révolutionnaire, sont franchies sans vergogne. Les médias français et la société politique française, du moins dans sa partie institutionnelle, ont tout fait, à leur manière, pour rattraper des bourdes d'appréciation de la conjoncture politique en Tunisie. Dans ce sens, nous avons assisté à la profusion de spécialistes dans tous les domaines, qui n'ont point lésiné sur les moyens pour se positionner en tant que force de proposition pour une Tunisie en devenir. Ces « spécialistes cathodiques » ont poussé l'outrecuidance jusqu'à vouloir interférer dans les choix futurs de la rue tunisienne. Deux semaines durant, le « feuilleton » de la révolution de jasmin a donc tenu en haleine des milliers de téléspectateurs qui se sont laissés, durant ces soirées hivernales, happer par les rebondissements de ce feuilleton virtuel. La manipulation médiatique de ce genre d'événement a eu pour effet d'extraire cette réalité concrète de son contexte afin d'en faire un vrai business dans le domaine de la course à l'audimat. Les faits montrent aujourd'hui que le peuple tunisien, et toutes les composantes de sa société civile, ont suffisamment de souffle pour conduire à bon port leur révolution et leur marche vers l'émancipation démocratique. Comment peut-on alors lire, après coup, ces agitations politico-médiatiques de ces «révolutionnaires» de salon ? La réponse est toute simple, elle nous est donnée par la pugnacité des Tunisiennes et Tunisiens qui crient à la face du monde leur désir de quitter le mal vivre et de retrouver les sentiers d'une société rénovée grâce à un processus démocratique qui s'annonce long et valorisant pour ses acteurs.