'effondrement du système Ben Ali, pour inattendu qu'il l'était, impressionne par l'allure vertigineuse de l'écroulement. Ce système tant vanté pour sa solidité, en particulier face aux islamistes, a fondu comme du plomb au contact du feu de la première, spontanée, sans guide mais réelle jacquerie que connaîtra le pays en 23 ans de règne d'une main de fer dans un gant d'acier. Le système Ben Ali semblait reposait sur quatre piliers : un parti-Etat ubiquiste, une police féroce, un syndicat complaisant et une armée petite et discrète. Lâché par le syndicat et l'armée, le système devenait bancal et intenable. Si les Français, premiers partenaires de la Tunisie, ont proposé de l'aide sécuritaire, les Américains ont réagi plus dans la logique de l'accompagnement du mouvement de contestation. Des informations font état de contacts entre les militaires américains, qui contribuent entre autres à la formation de l'armée tunisienne, et d'échanges avec leurs homologues tunisiens, incitant ceux-ci à ne pas aggraver le bourbier. Les Américains auraient, par ailleurs, prié Ben Ali, Ceausescu de Carthage, de quitter dare-dare le territoire. Tout laisse croire que les Américains suivent avec intérêt ce qui se passe en Tunisie. Après avoir échoué à «exporter la démocratie», cette lubie des faucons de Bush, notamment en Irak où l'Administration américaine a payé très cher le démantèlement simultané de l'armée et du Baath. Sous la férule de Barack Obama, l'expérience tunisienne peut se présenter comme pour les Américains comme un cas d'école de renforcement de la démocratie par un développement à la base. C'est-à-dire une évolution locale de la pratique démocratique avec comme garant la pression décisive du peuple. Ce n'est pas la pauvreté qui a provoqué la vague de colère tunisienne. C'est la faim de justice. Ce n'est pas l'inégalité qui a exacerbé cette houle de courroux, c'est l'absence d'équité. Le système pour coriace qu'il était n'a pas explosé. Il a implosé sous les coups de butoir du ressentiment indomptable servi par une cyber-résistance désormais irrépressible. Maintenant, le peuple tunisien a le devoir de réussir ce qui est qualifié de révolution du jasmin. Et pour cela, il faut raison garder. La surenchère. Voilà l'ennemi. La menace peut provenir du désir de vengeance. Vouloir éradiquer tout et tout de suite pourrait être une erreur fatale. L'avenir de l'idée de la révolution de jasmin peut être radieux comme il peut déboucher, si on n'y prend pas garde, sur une guerre civile à la somalienne. Or, réussir cette démocratie ne concerne plus simplement ce petit peuple. Il intéresse désormais tous les peuples arabes.