Figure imminente de la pensée arabe, le grand intellectuel Mohamed Arkoun a tiré sa révérence mardi soir à Paris. Né en 1928 dans le village de Taourit en Kabylie, Arkoun a consacré tout son cursus académique à défendre une nouvelle forme de savoir. Loin de tout discours religieux fanatique, voire obsolète, cet illustre chercheur prône une nouvelle approche herméneutique. Pour lui, toute lecture objective des textes religieux (Coran et Sunna) devrait se faire hors du siège dogmatique. Dans la plupart de ses conférences académiques, il ne cessait de plaider pour une démarche exégétique innovante qui pourrait faire sortir le monde musulman de son marasme intellectuel, et marquer une rupture épistémologique avec les exégètes orthodoxes. Seule une utilisation des méthodologies scientifiques, notamment l'anthropologie historique, la linguistique, les concepts des sciences de l'histoire pourraient nous rapprocher du vrai sens du Coran, insiste-t-il. Son fameux ouvrage « Critique de la raison islamique » dans lequel il développe une vision originale de la laïcité, a fait un tabac dans les milieux académiques. « Rien ne se fera sans une subversion des systèmes de pensée religieuse anciens et des idéologies de combats qui les confortent… » Tel est le crédo d'Arkoun pour réconcilier les musulmans à la modernité. Malheureusement, la pensée moderne et ses acquis scientifiques n'ont pas encore la place qu'ils méritent comme il le souligne dans son livre. L'orthodoxie fondamentaliste a toujours constitué une barrière aux valeurs de la modernité.