Procédure civile, le Code de la discorde M'Barek TAFSI Après son adoption vendredi dernier en commission, le projet de loi 02.23 portant nouveau Code de procédure civile a été examiné lors d'une séance plénière de la Chambre des représentants, tenue mardi 23 juillet, en prévision de son adoption. Intervenant au nom du groupe du progrès et du socialisme (GPS/PPS), Maître Nouha El Moussaoui a souligné que des dispositions dudit projet constituent sans détour une obstruction au principe constitutionnel qui garantit le droit d'accès à un procès équitable et partant à la justice et qu'il ne peut en aucun faire l'objet d'une quelconque restriction. L'article 120 de la Constitution, a-t-elle rappelé, dispose que «toute personne a droit à un procès équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnable ». Quant aux « droits de la défense, ils sont garantis devant toutes les juridictions ». Selon la députée, l'importance du présent texte réside dans la fait qu'il est le principal point d'entrée pour l'exercice du droit de justice, car il est invoqué pour résoudre les problèmes qui se posent à l'occasion de l'examen de certains cas régis par des lois spéciales, et du silence de ces lois parfois sur la procédure à suivre. C'est pourquoi, le Code de procédure civile est considéré comme la loi mère à laquelle on a recours en l'absence de dispositions spéciales réglementant un certain article juridique, a-t-elle rappelé. Etant donné que la justice procédurale est une condition préalable à l'obtention d'un procès équitable et au prononcé de peines équitables et de la qualité requise, la grande question qui se pose avec force est de savoir si le présent projet permettrait de répondre aux vœux des justiciables et de la plupart des acteurs et intervenants du processus judiciaire, et s'il répondrait aussi à l'esprit du discours de Sa Majesté le Roi du 20 août 2009. Il est également nécessaire, a-t-elle poursuivi, de se demander si le projet dans sa forme actuelle a réussi à maintenir des équilibres entre les acteurs, y compris les juges, les avocats, les greffiers et autres auxiliaires de justice. Ou si sa mise en œuvre sous sa forme actuelle porterait atteinte à l'indépendance de certains des acteurs susmentionnés et affecterait leur statut et leur symbolisme accumulés pendant des décennies, ce qui empêcherait la facilitation d'un accès éclairé à la justice et la réalisation de l'efficacité et de la qualité, en échange de la rapidité de la détermination des peines, et donc la volonté de créer un équilibre étroit entre la quantité et la qualité. Elle a ensuite abordé certains articles relatifs aux méthodes d'appel, dispersés dans le texte et qui n'ont pas été regroupés en sections distinctes, et qui comprendraient également certains avantages. Elle a fait savoir ensuite que plusieurs dispositions contenues dans le texte entravent explicitement les méthodes d'appel et les lient à la valeur du litige, car les jugements seront rendus définitifs et préliminaires dans les cas dont la valeur ne dépasse pas 30.000 dirhams, alors qu'il n'est plus possible d'exercer le droit de pourvoi en cassation définitive dans les affaires dont la valeur n'excède pas 80 000 dirhams. Outre la compromission du principe du contentieux à deux vitesses, le rôle de contrôle de la Cour de cassation a été réduit pour certains arrêts susceptibles de faire l'objet de violations, a-t-il dit. Pour ce qui est de l'article 502, a-t-elle ajouté, il est considéré comme un arbitraire législatif et une atteinte à la Constitution, en particulier son article 126, parce que le fait que l'Etat et toutes les personnes de droit public n'appliquent pas les décisions judiciaires est un déni manifeste des droits du citoyen sur l'Etat. Parce que les biens jugés ne sont pas la propriété de l'Etat, mais que l'Etat les détient, sans droit. Elle a ensuite fait savoir que l'importance des jugements ne se réduit pas à leur émission, mais plutôt à la recherche des moyens et des méthodes sur lesquels travailler pour leur exécution, car il ne sert à rien d'avoir une loi sans application, et il n'y a pas de valeur pour les décisions sans exécution. Sans exécution, les décisions judiciaires sont inutiles et inefficaces, et le fait que les décisions judiciaires ne soient pas appliquées contredit le principe de la légitimité des organismes publics de l'Etat. L'imposition automatique d'une amende par le tribunal qui a jugé la demande irrecevable ou qui a été rejetée, ainsi que l'indemnisation que la personne présumée lésée pouvait réclamer, est totalement injuste et n'a rien à voir avec les conditions d'un procès équitable, a affirmé Me El Moussaoui. C'est un déni de justice et de l'arbitraire. On est donc loin de l'autorité judiciaire indépendante, garante des droits et de l'application de la loi. Elle a rappelé dans le même ordre d'idées que nombre d'amendements du GPS n'ont pas été pris en compte, en particulier ceux ayant trait au problème de la reddition des comptes et des obstacles qui entravent l'accès à la justice (litige de mauvaise foi, entrave à la bonne administration de la justice et amendes, qui ont dominé la philosophie générale du projet de loi) Toutefois, cela n'empêche pas le GPS, par souci d'objectivité, de noter certains points positifs contenus dans le projet de loi, comme le renversement de ce qui était contenu dans le projet de loi, dans lequel la demande de déclaration d'invalidité des décisions dans lesquelles le pouvoir judiciaire a eu le dernier mot (article 17). Elle a également enregistré positivement l'interaction du ministère de la justice avec un certain nombre d'amendements du GPS avant de souligner que malgré ceci le projet de loi ne réponde pas dans son ensemble aux aspirations du groupe parlementaire du PPS. Le vœu du GPS a été et est toujours de moraliser la scène judiciaire, de réaliser la sécurité juridique et d'améliorer le rendement judiciaire, à travers la garantie des droits des justiciables, des règles de la marche de la justice, du procès équitable et l'Etat de droit. Et ce en garantissant aussi et surtout les droits de la défense et l'accès éclairé à la justice, la motivation des jugements rendus en dernier ressort par le pouvoir judiciaire et leur exécution sans discrimination, exception ou différenciation, et en passant d'un tribunal traditionnel à un tribunal électronique, ce qui contribuera à renforcer les valeurs d'intégrité et de transparence.