Nabil El Bousaadi Haïti, ce petit pays des Caraïbes, qui vit, désormais, dans une situation intérimaire sans chef d'Etat et avec un gouvernement fonctionnel, est, encore une fois, à feu et à sang car le Premier ministre Ariel Henry qui avait été désigné, en Juillet 2021, par l'ancien président Jovenel Moïse, 24 heures avant son assassinat, n'a pas respecté l'accord qu'il avait conclu, en décembre 2022, avec plusieurs partis politiques et organisations de la société civile, et qui avait trait à l'organisation d'élections dans un délai d'une année. La raison invoquée par le Premier ministre pour justifier ce report étant que l'aggravation de la violence des gangs rendrait impossible la garantie d'élections libres et équitables n'ayant pas été du goût de la population, de nombreux groupes armés se sont alors ligués contre le gouvernement « intérimaire » et ont décidé de mener des attaques contre des infrastructures et des sites stratégiques. Mais, en voyant qu'après avoir pris d'assaut les deux plus importantes prisons de la capitale, les insurgés sont parvenus à libérer les milliers de détenus qui y étaient emprisonnés, Michel Patrick Boisvert, le ministre haïtien de l'Economie et des Finances, qui assure l'intérim du Premier ministre contesté, pendant son déplacement à l'étranger, s'est trouvé contraint de décréter l'Etat d'urgence et d'instaurer un couvre-feu de 18h à 5h. Il n'en fallait pas plus pour soulever l'ire des groupes armés qui contrôlent, désormais, de larges pans du pays mais, surtout, pour pousser Jimmy Chérizier, alias « Barbecue », un influent chef de gang, à déclarer, ce mardi, à la presse, que « si Ariel Henry ne démissionne pas, si la communauté internationale continue de le soutenir, nous allons tout droit vers une guerre civile qui conduira à un génocide ». Difficile de croire que « Barbecue », cet ancien policier de 46 ans, devenu chef d'une coalition de gangs connue sous le nom de G9 et visée par des sanctions de l'ONU, exagère lorsqu'il déclare que « soit Haïti devient un paradis pour nous tous, soit [elle devient] un enfer pour nous tous » car après s'être trouvé dans l'impossibilité d'atterrir, ce mardi, à l'aéroport de Port-au-Prince, entièrement contrôlé par des groupes armés, le Premier ministre contesté, Ariel Henry, a été contraint de rebrousser chemin et de se diriger vers Porto-Rico. Le jour-même, après que les gangs armés qui avaient essayé d'attaquer l'académie de police de Port-au-Prince, où plus de 800 personnes sont en formation, ont été repoussés par des agents déployés en renfort, plusieurs personnes armées ont attaqué et incendié un commissariat de police près de l'aéroport poussant, ainsi, de nombreuses compagnies aériennes internationales à annuler tous les vols à destination de la capitale haïtienne. Sachant, enfin, que, d'après le porte-parole du Secrétaire général de l'ONU, Stéphane Dujarric, cette nouvelle « escalade » de la violence aurait forcé quelques 15.000 personnes à quitter leurs domiciles à Port-au-Prince et que les organisations humanitaires ont commencé à distribuer de la nourriture et d'autres produits de première nécessité dans trois nouveaux sites de déplacés, c'est donc que « Barbecue », cet ancien policier devenu chef de gang, a bien raison de tirer la sonnette d'alarme mais attendons pour voir...