«Fenêtre en clair-obscur» de Meriem Hadj Hamou Mohamed Nait Youssef «Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort.», écrivait Friedrich Nietzsche dans «le Crépuscule des Idoles». On la connaissait poétesse «En Filigrane» (Orion Editions), «Se dissoudre dans le néant» (Marsam Edition), Meriem Hadj Hamou explore cette fois-ci un nouveau genre littéraire en signant un recueil de nouvelles singulier «Fenêtre en clair-obscur» chez La croisée des chemins. Au bord d'une fenêtre, l'auteure, par le truchement de sa plume poétique, son économie de langage jouant sur le rythme et la narration, nous invite à un long périple, tourmenté, plein d'histoires où les émotions et destinées se croisent, cohabitent. De la ville ocre, Marrakech en passant par la cité des vents et des arts Essaouira, puis la colombe blanche Tétouan, les personnages, entre absurdité, tourments intérieurs, échecs, angoisse, trahison, amour, mélancolie, livrent des trajectoires et des visions différentes de la vie et du vécu. À Essaouira, l'histoire d'Erika, une passionnée d'art et de peinture, quitte sa vie monotone, fade, machinale et répétitive à Amsterdam pour conquérir un nouveau territoire. Sous le ciel de la cité des vents et des mouettes, le hasard va bien arranger les choses : elle rencontre son prétendu amoureux qui deviendra par la suite son soi-disant nègre, Mahmoud, un peintre discret et méconnu du grand public. Erika tombe sous le charme de ses toiles lumineuses aux couleurs chaudes. Mais cette union tourne mal à la fin pour les deux amoureux qui se quittent. Histoire dans une histoire, «Fenêtre en clair-obscur» est un tissu de destinées des femmes et des hommes parfois à la marge, oubliés et discrets. Or, l'autrice s'insinue dans leurs univers et intimités. Badra a laissé, quant à elle, tout un beau passé derrière pour accepter de bon gré un mariage arrangé. Hélas, son grand amour et ses projets rêvés avec son compagnon de partager un petit bout de chemin tombent au final à l'eau. Sa nouvelle vie commence alors après ce mariage traditionnel et suffocant. Depuis, la dépression la pousse à mettre fin à sa vie. Dans les ruelles étroites de l'ancienne médina de la ville rouge, Meriem Hadj Hamou plonge le lecteur dans le quotidien de Fatma, une femme brave défiant les aléas de la vie. Authentique. Elle vivait dans sa vieille demeure où gardait ses souvenirs, son passé, ses rêves et ses nostalgies. Et c'est à travers les yeux de ces personnages et leurs récits qu'on y voit la complexité et l'absurdité de certaines situations vécues. Et si, évidement, la réalité était claire, l'écriture ne serait pas. Bien au contraire. Ipso facto, la réalité se dévoile certes par le biais de l'écriture, mais l'autrice offre aux lecteurs de larges plages d'interprétation et d'imagination. Une fin ouverte. Or, dans chaque nouvelle, l'art est un « fil d'ariane » de chaque personnage. Natacha, la photographe professionnelle connue dans le monde de la mode, ou encore Maria, amoureuse de livres et de musique classique, ont trouvé dans l'art une issue, une échappatoire. «Ecrire, il ne faisait que cela. Lire surtout. Une vie à lire celle des autres. Ce livre-là pouvait attendre. C'était préciser les contours de l'ombre. Un tissage pour circonscrire le monde. Son monde, qui s'était effrité, et dont il se sentait vidé. Il le rédigeait mentalement et le corrigeait chaque jour. À chaque fois qu'il y songeait. C'était sa manière de décompresser, de chercher un sens à son histoire. », la pleine lune et Bach. Par ailleurs, la métaphore de la «Fenêtre en clair-obscur» est à la fois une ouverture, une issue sur un avenir lumineux, un espoir tant attendu. La vie, à vrai dire, n'est pas un long fleuve tranquille.