« Toute chair, et même celle du monde, rayonne hors d'elle même », Maurice Merleau-Ponty. À Salé, au chapiteau Mawsim, à la Kasbah des Gnaouas, le spectacle « Boujloud (l'homme aux peaux) », organisé par l'Institut français du Maroc et le pôle gouvernance de l'Ambassade de France au Maroc, en partenariat avec ONU Femmes et l'Ecole Nationale de Cirque Shems'y, a été présenté, mardi soir, au public et aux amoureux du théâtre dans le cadre d'une tournée à Rabat, à Fès et à Marrakech. Solo sur scène, la brillante comédienne Kenza Berrada a mis les mots sur les maux en abordant par le biais du théâtre une question, voire des questions à la fois complexes et taboues: le consentement, le viol, l'abus et le rapport de la société à la femme et à son corps. Ce corps qui était depuis toujours un champ de bataille, de polémique, de désirs et de non-dits. « Le corps est la grande raison », disait Nietzsche dans son Zarathoustra. Or, cette chair, voire ce corps dont parle la comédienne est un corps qui a une mémoire souffrante et une conscience malheureuse. Ce corps ayant une histoire douloureuse d'une jeune femme de 36 ans victime d'un abus par un proche. En racontant, les images saignantes lui revenaient à l'esprit. Et puis, c'est à travers la métaphore du personnage populaire de Boujloud, homme-animal, que la comédienne nous livre des récits, des témoignages poignants, bouleversants et brûlants. Derrière le mythe de ce monstre, métamorphosé et profané se cache des zones d'ombres, des non-dits. Or, le théâtre est un lieu d'aveu, de révélation, d'extériorisation. En effet, la comédienne a dénoncé par la force de la parole, le langage puissant du corps et la profondeur du symbole l' »abus dans la chair ». On a entendu la voix des femmes victimes du consentement grâce à l'audace de Houria et ses révélations terrifiantes. Pourtant, « il faut mettre la hache dans le doute »...et en parler. Un clin d'œil à ce « viol doux » et » silence social » que Pattie O'Green dénoncent dans son livre « Mettre la hache » (éditions du remue-ménage, 2015.) Incontestablement, la parole est libératrice, mais aussi un remède pour une éventuelle guérison. À vrai dire, briser le silence est un pas important pour éveiller et réveiller les consciences et faire entendre la voix des sans voix. Par ailleurs, la pièce dénonce également l'anesthésie, le doute systématique.., mais aussi la convenance et la prudence imposées parfois aux victimes du viol. « Boujloud est un monstre, à la fois craint et adoré. Boujloud est une mascarade. Qui met en scène l'abus. », a révélé Kenza Berrada.