Prélude à une offensive terrestre redoutée L'armée israëlienne d'occupation a annoncé jeudi être entré avec des chars dans la bande de Gaza, pour « préparer le champ de bataille » d'une offensive terrestre, au 20e jour de son agression barbare contre les Palestiniens qui a fait plus de 7.000 morts à Gaza. Cette probable opération, évoquée à maintes reprises depuis l'attaque de la résistance le 7 octobre, inquiète une grande partie de la communauté internationale. Celle-ci redoute un nombre important de victimes civiles dans ce petit territoire densément peuplé où s'entassent quelque 2,4 millions d'habitants. L'agression de l'armée sioniste dans la bande de Gaza a fait jusqu'ici plus de 1.400 morts en Israël, selon les autorités, et plus de 7.000, dont près de 3.000 enfants, dans le territoire palestinien. « Durant la nuit, l'armée a mené un raid avec des chars dans le nord de la bande de Gaza, dans le cadre de ses préparatifs pour les prochaines étapes du combat », a indiqué jeudi matin un communiqué du porte-parole militaire de l'entité sioniste. Les soldats de l'occupation « ont quitté la zone » à la fin de l'opération, a-t-il assuré. Des images en noir et blanc rendues publiques par l'armée israélienne montrent des véhicules blindés et des bulldozers passant au travers d'un grillage de protection, similaire à celui séparant Israël de la bande de Gaza. Selon l'armée sioniste, durant leur incursion nocturne, les soldats « ont localisé et assassiné de nombreux civils, leurs infrastructures et des positions de lancement de roquettes antichars, et opéré pour préparer le champ de l'agression » avant une offensive terrestre confirmée la veille par le Premier ministre sioniste Benjamin Netanyahu. Et en prélude à cette opération, l'armée israélienne bombarde sans relâche depuis le 7 octobre la bande de Gaza, soumise à « un siège total » qui la prive d'eau, de nourriture et d'électricité. Des images satellite publiées jeudi montrent l'ampleur des destructions à Gaza où des quartiers entiers ont été rasés par les bombes. Une offensive terrestre s'annonce difficile dans ce territoire très densément peuplé, truffé de tunnels où se cache armes et forces de la résistance, et en présence de plus de 200 otages parmi les colons et militaires sionistes. Le président français Emmanuel Macron a jugé mercredi, au Caire, qu'une telle opération, si elle devait être « massive », serait une « erreur ». Son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi a, lui, appelé à éviter une « invasion terrestre de Gaza ». Aux Etats-Unis, le président Joe Biden a affirmé mercredi qu'Israël avait « le droit » et « la responsabilité » de se défendre, mais qu'il devait faire tout son possible « pour protéger les civils innocents ». Lors de sa visite en Israël le 18 octobre, M. Biden avait également averti son allié de ne pas répéter les « erreurs » commises par les Etats-Unis au lendemain du 11 Septembre. « Quand la crise sera derrière nous, il faut qu'il y ait une vision de ce qui vient après. Et pour nous, cela doit passer par une solution à deux Etats », un Palestinien et un Israélien, a affirmé mercredi le président américain. Emmanuel Macron avait lui aussi appelé mercredi depuis Le Caire à « parvenir enfin à la solution de deux Etats ». M. Biden a toutefois assuré ne pas avoir « exigé » auprès de M. Netanyahu qu'il retarde son éventuelle offensive jusqu'à la libération des otages. Quelque 224 otages, des soldats et des colons, ont été emmenés à Gaza par les combattants palestiniens, selon les derniers chiffres des autorités israéliennes rendus publics jeudi. Quatre femmes ont été libérées depuis vendredi soir. « Nous sommes malades d'angoisse, malades d'angoisse », répète à Paris, en France, Moran Betzer Tayar, une femme de 54 ans dont le neveu et son épouse ont été pris en otages au kibboutz Nirim, exhortant le Hamas à « faire preuve d'humanité ». Pour les Etats-Unis, un cessez-le-feu « à ce stade ne bénéficierait » à l'agresseur sioniste. La Maison Blanche a suggéré plutôt des « pauses » pour faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire. Réunis en sommet jeudi à Bruxelles, les 27 pays de l'Union européenne vont débattre de cet appel à une pause humanitaire. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, avait appelé mardi à un « cessez-le-feu humanitaire immédiat » et condamné les « violations claires du droit humanitaire » dans le territoire palestinien, provoquant la colère d'Israël. Seuls quelques dizaines de camions d'aide humanitaire sont arrivés à Gaza depuis le 21 octobre via l'Egypte, alors qu'au moins cent camions par jour seraient nécessaires, estime l'ONU. Cette dernière réclame d'urgence la livraison de carburant pour faire fonctionner les générateurs dans les hôpitaux, pomper et purifier l'eau. Ce qu'Israël exclut, affirmant que cela profiterait au Hamas. Selon Mohammed Abu Selmeya, le directeur de l'hôpital Shifa dans la ville de Gaza, le plus grand du territoire, « dix hôpitaux sont déjà hors service » et « plus de 90% des médicaments et des produits sont épuisés ». Le 7 octobre, en plein shabbat, le repos juif hebdomadaire, des centaines de combattants du Hamas avaient infiltré Israël depuis la bande de Gaza, semant la terreur lors de cette attaque d'une violence et d'une ampleur sans précédent depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948. Le Premier ministre israélien a reconnu mercredi qu'il devrait lui aussi « rendre des comptes », après cette attaque qui a sidéré le pays, mais « plus tard » après la guerre. Depuis le 15 octobre, l'armée israélienne appelle la population du nord de la bande de Gaza, où les bombardements sont les plus intenses, à évacuer vers le sud, et au moins 1,4 million de Palestiniens ont fui leur foyer depuis le début de la guerre, selon l'ONU. Toutefois, les frappes continuent aussi de toucher le sud, où sont massés plusieurs centaines de milliers de civils. Jeudi, une adolescente a été sortie des décombres d'un immeuble de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. Elle a été transportée à l'hôpital après 35 heures passées sous les décombres. « Aucun endroit n'est sûr à Gaza », a affirmé jeudi la coordinatrice des affaires humanitaires de l'ONU pour les territoires palestiniens, Lynn Hastings. « J'ai survécu à cinq guerres et un million d'escalades », déclare Jawaher al-Aqraa, professeure d'anglais réfugiée chez son frère dans le camp de Deir el-Balah (centre). « Mais avec cette guerre, j'ai l'impression de ne faire qu'attendre mon tour pour mourir ». Alors qu'une partie de la communauté internationale redoute un embrasement régional, l'armée israélienne a annoncé mercredi soir des frappes contre le Liban en réponse à un tir de missile sol-air. Plus tôt, elle avait dit avoir frappé des infrastructures militaires en Syrie après des tirs vers son territoire. La tension est très vive aussi en Cisjordanie occupée où plus de cent Palestiniens ont été tués dans des violences depuis le 7 octobre, selon le ministère palestinien de la Santé.