Nabil El Bousaadi Près de 50.000 espagnols ont manifesté, ce dimanche, sur le Paseo de Gracia à Barcelone, à l'appel de la plate-forme anti-indépendantiste de la Société Civile Catalane sous le mot d'ordre « Pas en mon nom : Ni amnistie, ni autodétermination ! » et en scandant, à l'unisson, « Non à l'amnistie ! » et « Puigdemont en prison ! ». En cause, la loi d'amnistie que le PSOE est en train de négocier avec les représentants des deux partis indépendantistes catalans, ERC à gauche et Junts per Catalunya, à droite, pour en finir avec les procédures judiciaires concernant les faits liés à la tentative de sécession de 2017 et obtenir l'indispensable appui des formations précitées à l'investiture de Pedro Sanchez, au poste de chef du gouvernement. Mais s'il s'agit, pour la gauche, de « retrouvailles », de « générosité » voire même de « courage » pour « essayer de dépasser les conséquences judiciaires de la situation qu'a subie l'Espagne, avec l'une des pires crises territoriales de son histoire », la droite espagnole, pour sa part, n'y voit rien d'autre qu'une tentative destinée à minimiser et à passer sous silence les méfaits de ceux qui ont voulu rompre l'unité du pays, à permettre à l'ex-président catalan réfugié en Belgique, Carles Puigdemont, d'échapper à la justice espagnole et à amnistier près de 1.400 personnes poursuivies pour leur implication, à différents degrés, dans l'organisation, en 2017, du référendum d'autodétermination. Etaient présents à ce rassemblement, même s'ils avaient convenu de ne pas défiler côte-à-côte, Alberto Nunez Feijoo, le chef du Parti Populaire, conservateur, pour lequel il ne s'agit pas là d'une « amnistie qui vise à la réconciliation » mais l'obtention de la présidence du gouvernement et Santiago Abascal, le leader de Vox, extrême-droite. Ces deux formations sont fermement opposées à l'éventuel octroi d'une grâce aux séparatistes catalans poursuivis par la justice pour leur participation aux événements de 2017 tel que l'exigent les indépendantistes en contrepartie de leur soutien à l'investiture de Pedro Sanchez. Araceli Rodriguez, une professeure d'université de 53 ans qui manifestait, ce dimanche, en portant un chapeau aux couleurs du drapeau espagnol, conteste l'octroi d'une amnistie aux indépendantistes en avançant qu'en « légalisant » le comportement des sécessionnistes, cette disposition rendrait la Constitution espagnole « injuste » donc caduque. Or, cela est faux. D'ailleurs, dans les rangs des juristes, la question pose problème car s'il est vrai que, comme l'a rappelé le politologue Lluis Orriols, professeur à l'Université Carlos III de Madrid, « la loi d'amnistie s'inscrit dans la politique de réconciliation menée par Pedro Sanchez depuis son arrivée au pouvoir en 2018, avec les mesures de grâce et d'allègement pénal » qu'il a bien voulu mettre en oeuvre, il n'en demeure pas moins vrai, pour autant, que les espagnols ne sont pas prêts à voir Carles Puigdemont retourner aux « affaires de l'Etat » comme si de rien n'était. Aussi, serait-il important, selon le juriste Xavier Garcia Roca, de signaler aussi bien « dans le préambule » de cette loi que dans « l'exposé des motifs » y afférents que l'amnistie accordée ne vient ni corriger le Code pénal en vigueur, ni excuser les délits commis mais qu'il s'agit seulement « d'un effort pour surmonter un épisode conflictuel et affirmer la volonté de vouloir vivre ensemble ». Les espagnols vont-ils parvenir à tourner cette page de leur Histoire récente ? Attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI