Bank Al-Maghrib (BAM) a marqué, au terme de son 2ème comité de politique monétaire de l'année, une pause dans son cycle de resserrement dans l'attente de la transmission des dernières décisions de hausses du taux directeur (TD) à l'économie réelle, indique Attijari Global Research (AGR). « Après trois relèvements successifs de 50 points de base (PBS) depuis septembre 2022, la banque centrale a décidé de maintenir inchangé son principal Taux directeur à 3% en juin 2023, soit à son plus haut depuis 2014 », souligne AGR dans son dernier « Research report Fixed income », notant que cette décision ressort en décalage avec le consensus du marché qui prévoyait un ralentissement du rythme de hausse du TD en juin 2023 à +25 PBS. Néanmoins, ce statu quo « peu attendu » demeure en cohérence avec l'inflexion baissière des prix à la consommation au Maroc et ce, depuis mars 2023. « Après avoir atteint un pic de près de 30 ans à 10,1% à fin février 2023, l'inflation au Maroc a ralenti pour le 3ème mois d'affilée pour atteindre les 7,1% en mai 2023. Toutefois, l'inflation alimentaire, principale composante du panier du consommateur marocain, demeure élevée à 15,6% en mai 2023 et l'inflation sous-jacente ressort à 6,4% durant la même période », explique AGR. Les deux principaux indicateurs qui nous permettent d'évaluer le degré de la transmission de la politique monétaire vers l'économie réelle demeurent l'évolution des crédits bancaires et les Taux débiteurs. Le TMP (temps moyen pondéré) n'intègre que partiellement la hausse cumulée du TD de BAM de +150 PBS. Celui-ci s'apprécie de +53 PBS au T1-23 à 5,03%. D'autre part, la prévision de croissance des crédits a été revue à la baisse en 2023E à 3,7% contre 4% initialement. Le coût de financement du Trésor intègre la normalisation des Taux et le rehaussement des exigences de rentabilité des investisseurs avec une hausse généralisée de la courbe primaire durant le S1-23. Par ailleurs, AGR identifie trois points de vigilance qui pourraient influer l'orientation future de la politique monétaire de BAM. « En dépit de la décélération des prix au Maroc, l'inflation sous-jacente demeure élevée. Si le pic inflationniste semble derrière nous en marge de la détente des cours des matières premières à l'international, le niveau de l'inflation sous-jacente demeure supérieur à ceux observés au sein de la Zone Euro et aux Etats-Unis », expliquent les analystes d'AGR. Concernant le deuxième point de vigilance, AGR fait remarquer que le TD de la Banque Centrale Européenne dépasse pour la 1ère fois celui de BAM depuis 2008, précisant que le creusement des spreads entre les Taux de rémunération des Etats-Unis et de l'Europe avec ceux du Maroc pourrait induire des tensions supplémentaires sur le dirham. En outre, AGR note que la progression continue du volume de liquidité au sein de l'économie marocaine a été alimentée par un long cycle de faible rémunération de l'épargne, rappelant que depuis le T4-22, les Taux réels au Maroc s'établissent toujours en territoire négatif. L'institut d'émission s'attend une nouvelle fois à une nette appréciation de la circulation fiduciaire en lien notamment avec le rebond du secteur touristique et des transferts MRE en 2023. Parallèlement, les Taux de rémunération de l'épargne demeurent relativement faibles. Les DAT (dépôts à terme) 6 mois et 12 mois s'établissent à fin avril 2023 à 2,43% et à 2,92% en hausse de +19 PBS et de +25 PBS respectivement. Cette évolution devrait porter les besoins en liquidité du système bancaire au-dessus des 118 MMDH en 2024. Face à ce besoin, la Banque Centrale continue de maintenir les TMP en ligne avec le TD en satisfaisant la totalité de la demande bancaire à travers ses injections de liquidité via les avances à 7 jours et ses instruments à plus LT. Hausse du crédit au secteur non financier de 6,2% à fin mars 2023 Le crédit au secteur non financier s'est accru de 6,2% au premier trimestre 2023, après 6,7% au T4-2022, selon Bank Al Maghrib (BAM). Cette évolution, qui recouvre un ralentissement de 9,8% à 6,7% du rythme de progression des prêts accordés aux entreprises privées, reflète notamment une décélération de la croissance des facilités de trésorerie de 14,7% à 8% et une accentuation de la baisse des prêts destinés à la promotion immobilière de 7,9% à 11,4%, précise BAM dans son rapport sur la politique monétaire, publié à l'issue de la deuxième réunion trimestrielle de son Conseil au titre de l'année 2023. En revanche, les prêts aux entreprises publiques se sont renforcés de 25,9% après une progression de 6,7% un trimestre auparavant, recouvrant une augmentation des prêts à l'équipement de 9,7%, après un repli de 5,7%. Quant aux crédits aux entrepreneurs individuels, ils ont vu leur rythme d'accroissement passer de 8,3% à 9%, reflétant en particulier les accélérations des croissances des facilités de trésorerie de 11,7% à 14,3% et des prêts immobiliers de 17% à 18,3%. Concernant les prêts aux particuliers, leur accroissement est resté stable à 3%, avec notamment un ralentissement de 3,2% à 2,9% pour les crédits à l'habitat et de 3,8% à 3,2% pour les crédits à la consommation. Par branche d'activité, les données relatives au T1-2023 indiquent une progression de 39,5% des crédits accordés aux « industries extractives », de 23,4% de ceux destinés aux « industries chimiques et para chimiques » et de 2,8% pour ceux aux « industries manufacturières diverses ». En revanche, les concours aux branches des « hôtels et restaurants » et du « bâtiment et travaux publics » ont accusé des replis de 2,5% et 1,1% respectivement.