– Laghrouss : un projet anticonstitutionnel et anti-démocratique – El Ouafi : Un projet liberticide – Miskine : Un complot législatif M'Barek TAFSI Réunis autour d'une table ronde organisée, mardi 10 juin le Parti du Progrès et du Socialisme autour de la thématique : « le projet de création d'une commission provisoire pour la gestion du secteur de la presse et de l'édition une entorse à la démocratie et un recul par rapport aux acquis en matière de droits humains », les représentants du secteur ont été unanimes à rejeter le projet gouvernemental, qui constitue plus qu'une entorse à la démocratie. Qualifié de liberticide et d'anticonstitutionnel, le projet représente en soi un grand scandale et met à nu un complot législatif, selon eux. Ont pris part à cette rencontre, dont la modération a été assurée par Karim Tej, membre du Bureau Politique du PPS, Mohamed Laghrous , directeur de publication du site Al Omk et membre du bureau exécutif de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux, Younes Miskine, chercheur en sciences politiques et Mohamed El Ouafi, coordonnateur national de la Fédération nationale de la presse, des médias et de la communication de l'UMT ainsi que des parlementaires, des représentants de partis politiques et de syndicats et plusieurs autres acteurs. Karim Tej : un recul catastrophique par rapport aux acquis réalisés L'initiative d'organiser cette rencontre s'inscrit dans le cadre du rôle du PPS de plaidoyer et de défense des intérêts des professionnels du secteur, a souligné Tej, tout en rappelant que le parti n'a pas cessé depuis l'investiture de ce gouvernement d'attirer son attention sur sa gestion défaillante voir catastrophique de nombreux dossiers dont celui de la hausse des prix des carburants et de la cherté de la vie en général. Il l'a toujours appelé à cesser d'occulter les réformes à entreprendre pour renforcer le processus démocratique dans le pays. Pour ce qui est de l'actuel projet de création d'une commission provisoire pour la gestion du secteur de la presse et de l'édiction, il représente un recul catastrophique par rapport aux acquis réalisés dans ce secteur, a-t-il dit. Il ne s'agit pas d'une décision isolée, dont l'impact se limite à la presse, mais d'une initiative politique aux conséquences gravissimes sur les choix démocratiques du Maroc, tel que consacré par la Constitution de 2011, a-t-il expliqué. Au-delà de cette table ronde, a-t-il dit, le PPS aspire à mobiliser toutes les forces démocratiques dans le but de faire pression sur le gouvernement pour qu'il renonce à ce projet aux conséquences catastrophiques sur la démocratie dans le pays, selon Tej. Benabdallah : Ce projet est le plus grand scandale de ce gouvernement depuis son investiture Prenant la parole, le Secrétaire Général du PPS, Mohammed Nabil Benabdallah a souligné que ce gouvernement, qui s'est toujours refusé à traiter des dossiers à caractère politique, a provoqué un grand scandale en traitant sa première affaire d'ordre politique qu'est la gestion des affaires du secteur de la presse et de l'édition. Selon lui, ce qui se trame est gravissime et constitue à tous points de vue un scandale et une catastrophe, comme je l'avais souligné dans une précédente réaction, a-t-il dit, rappelant qu'il ne s'agit pas d'une simple entorse à la démocratie. A travers son projet, le gouvernement cherche à contrôler la presse et exercer par la même un pouvoir de censure sur tout ce qui tout circule dans le pays comme informations. Ce projet ne concerne pas seulement le secteur de la presse et de l'édition, mais toute l'option démocratique au Maroc, a-t-il précisé. Mais pourquoi donc une telle volte-face de ce gouvernement qui ne cesse d'affirmer qu'il tire sa force de son homogénéité et de l'harmonie entre ses trois composantes. Depuis son investiture, ce gouvernement n'a jamais pris d'initiatives politiques, à part ce sinistre projet en attendant évidemment les projets à débattre (code pénal et code de la famille). C'est la première initiative politique de ce gouvernement et c'est son premier grand scandale gravissime. Mais de quoi a-t-il peur ? s'est-il interrogé, rappelant que le gouvernement n'avait pas à intervenir pour procéder dans un premier temps à la prorogation exceptionnelle du mandat du Conseil National de la Presse, pour une durée de six mois, par décret-loi. S'il était de bonne foi, il aurait dû trouver un compromis pour pouvoir organiser des élections à l'issue de cette première prorogation, au lieu de créer une commission provisoire pour la gestion du secteur de la presse et de l'édition pendant une durée de deux (2) ans. En soutenant une partie à qui il compte confier la gestion du secteur contre une autre, le gouvernement choisit donc de porter atteinte au pluralisme qui fait la force de l'option démocratique du pays, a-t-il noté. En agissant de la sorte, il viole l'éthique de la profession au lieu de la protéger et encourage la division syndicale au lieu de laisser les journalistes gérer leurs affaires, a encore expliqué le Secrétaire Général du PPS, qui condamne et dénonce encore une fois dans les termes les plus forts cette dérive hautement préjudiciable à l'option démocratique du pays. Et Benabdallah de rappeler que la mise en place de ce conseil, dont l'idée de sa création avait circulé pour la première quand il était en charge de la gestion du secteur de la communication, avait pour objectif de veiller au respect de la déontologie de la profession de la presse et de mettre en place les règles de son autorégulation et de son indépendance, en tant que secteur vital pour l'espace démocratique. A travers ce sinistre projet, ce n'est pas uniquement le secteur de la presse et de l'édition et la liberté de la presse qui sont visés, mais c'est tout le chantier de la démocratie avec son pluralisme et toutes ses valeurs et tous ses principes qui sont en jeu, a-t-il déploré, appelant toutes les forces démocratiques et progressistes à intensifier le combat pour faire face à cette dérive. Laghrouss : Un projet anticonstitutionnel et anti-démocratique Prenant la parole, Mohamed Laghrous, directeur de publication du site Al Omk et membre du bureau exécutif de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux a indiqué que le projet du gouvernement constitue une violation des dispositions démocratiques de la Constitution et des règles d'autorégulation du secteur de la presse et de l'édition qui font du Maroc un modèle dans la région MENA et en Afrique. Au terme de ce projet, le gouvernement ne cherche plus à protéger ce qui a été réalisé en matière de liberté de la presse et de l'édition et d'autorégulation, mais à orienter le secteur vers une gestion, qu'il contrôle et maitrise dans son propre intérêt. Il veut devenir juge et partie. Après une prorogation de six mois, il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'organisation des élections. Il s'est créé par la même les conditions propices qui justifient sa proposition d'une commission provisoire de gestion pendant une durée de deux ans. Selon lui, c'est une fuite en avant qui prouve le mensonge du gouvernement qui a failli à toutes ses promesses, a-t-il estimé. En décidant d'écarter une partie et de favoriser une autre, le gouvernement veut réduire les journalistes en cireurs de ses chaussures et vider la démocratie pluraliste de sa substance, a-t-il ajouté, rappelant que nombreux sont ceux qui ont été dès le début contre toute élection au sein du Syndicat national de la presse marocaine. C'est malheureusement le cas d'un parti politique non membre du gouvernement qui continue à rejeter tout ce que les composantes de l'opposition proposent pour lutter contre cette dérive gouvernementale qui vise aujourd'hui la liberté de la presse et demain d'autres libertés, a-t-il dit. El Ouafi : Un projet liberticide Pour Mohamed El Ouafi, coordonnateur national de la Fédération nationale de la presse, des médias et de la communication affiliée à l'UMT, il est nonchalant de qualifier une telle initiative du gouvernement d'entorse à la démocratie, alors qu'il s'agit d'un projet liberticide, anticonstitutionnel et antidémocratique. Mais ce qui est paradoxal, c'est que les trois partis qui composent un tel gouvernement prétendent être progressistes comme ils le soutenaient dans leurs promesses électorales. Par sa nature, le projet qu'ils défendent aujourd'hui pour la gestion du secteur de la presse et de l'édition constitue une offense aux professionnels, aux intellectuels, aux artistes et à toute l'élite, qui nourrissaient de grands espoirs sur ce gouvernement. Il menace non seulement la démocratie et la liberté, mais il met en péril aussi la vie d'institutions démocratiques, mises en place au terme de grands sacrifices et de lutte. C'est le cas des règles d'autorégulation du secteur de la presse et de l'édition sont le résultat de ce processus et de ces combats des professionnels et des acteurs de la société, a-t-il dit, ajoutant qu'après avoir failli à leurs promesses électorales et violé les dispositions de la Constitution de 2011, les trois partis au gouvernement illustrent la preuve que la classe politique qu'ils représentent est en crise. C'est la raison peut être qui explique pourquoi ils s'en prennent aux journalistes et au système d'autorégulation de leurs affaires. Ou peut parce qu'ils ont peur de la liberté. Et pourtant, personne d'entre eux ne peut contester le rôle de la presse nationale dans la libération du pays et le parachèvement de son intégrité territoriale, a-t-il encore expliqué. Revenant sur le rendement des personnes choisies par le gouvernement pour former cette commission, il a rappelé qu'elles n'ont pas respecté leurs engagements dont celui d'élaborer un rapport annuel du syndicat à publier au BO. Elles ont également failli à leur devoir en matière de formation des jeunes journalistes, a-t-il relevé, déplorant ce glissement réactionnaire du gouvernement. Miskine : C'est un complot législatif Compte tenu de le gravité de ce qui se trame contre la liberté et la démocratie au Maroc à travers ce projet de loi, Younes Miskine, chercheur en sciences politiques, a qualifié le projet gouvernemental en question de complot législatif contre la presse, la liberté d'expression et la société marocaine toute entière ainsi que contre tous les acquis arrachés de haute lutte depuis l'époque du protectorat. Jamais le Maroc n'a connu une tentative pareille durant l'époque du protectorat, a-t-il martelé, expliquant que le but de l'Administration est de contrôler tout ce qui est diffusé. Et c'est une première au Maroc, a-t-il dit, rappelant que l'Etat détenait certes le monopole du secteur audiovisuel, mais la presse écrite était le monopole des partis politiques d'opposition. Toute la société, visée par ce complot législatif est donc appelée à agir pour préserver les droits et les libertés que lui reconnait la Constitution de 2011 (art 25, 27, 28, 42), a-t-il noté. Outre la constitution, l'actuel cadre de gestion du secteur de la presse et de l'édition est l'aboutissement de tout un processus qui remonte au début des années 2016 et qui avait été sanctionné en 2018 par l'adoption de la charte de déontologie et la loi portant élection du syndicat national de la presse marocaine. Mais ce qui est déroutant c'est que rien ne justifie ce coup d'Etat contre une institution constitutionnelle, dont la création repose sur la nécessité d'autorégulation du secteur et le respect de la déontologie de la profession. Mais ce qui est encore aberrant, c'est que le gouvernement invoque un quelconque état d'exception imaginaire pour justifier son acte, qui représente une offense à la profession et une véritable insulte à la société et à la Constitution, a-t-il conclu. Pour sa part, l'assistance parle dans ses diverses réactions de mauvaise foi, de contournement et de manipulation de l'opinion publique de la part du gouvernement, qui a réussi jusqu'à présent à impliquer le Secrétariat général du gouvernement dans son projet.