Elisabeth Borne multiplie à partir de lundi les rencontres pour tenter d' »apaiser » les tensions, des consultations boycottées par une grande partie de la gauche et qui pourraient tourner au dialogue de sourd avec l'intersyndicale vu l'inflexibilité de l'exécutif sur les 64 ans. Après qu'Emmanuel Macron lui a confié pour mission d' »élargir la majorité », la Première ministre a invité à Matignon cette semaine et la semaine prochaine les chefs de partis et des groupes parlementaires. Elle doit recevoir les organisations patronales et syndicales mercredi, veille d'une nouvelle journée de mobilisation. Cette rencontre, la première depuis la présentation de la réforme des retraites le 10 janvier, pourrait être de courte durée tant les divergences sont fortes. L'exécutif reste intransigeant sur le report à 64 ans de l'âge légal de départ, refusant de mettre sur pause une réforme « nécessaire ». Ce texte « est essentiel pour nos comptes publics, pour le régime des retraites, pour les futures réformes dont notre pays a besoin », a martelé dans le Journal du dimanche le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Le gouvernement cherche aussi à gagner du temps dans l'attente des décisions du Conseil constitutionnel, le 14 avril, misant sur la lassitude des manifestants. Des blocages persistent dans certaines raffineries et quelques milliers de personnes ont manifesté samedi à Vire (Calvados), terre politique d'Elisabeth Borne, qui y avait été élue députée lors des dernières législatives. La Première ministre a effectué dimanche une visite surprise dans cette commune, d'après la presse locale. Du côté des syndicats, on menace de claquer la porte mercredi. Si la Première ministre refuse de parler des 64 ans, « on partira », a prévenu le leader de la CFDT Laurent Berger. « Ca peut durer cinq minutes », a abondé la nouvelle patronne de la CGT Sophie Binet. La réunion « est déjà écrite », estime un ministre de premier plan, qui table sur une impasse. Du côté des consultations avec les responsables politiques, la situation reste aussi très compliquée. Elisabeth Borne a fort à faire pour essayer de ramener le calme avec la droite après qu'un tiers des députés Les Républicains ont voté une motion de censure pour renverser son gouvernement. Et, si les représentants RN, LR et du groupe indépendant LIOT ont prévu de rencontrer la cheffe du gouvernement, l'invitation a été rejetée par une grande partie de la Nupes (EELV, PCF, LFI). « On ne rentrera pas dans cette concertation anachronique », a répété la patronne des écologistes, Marine Tondelier, invitée dimanche du Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro. Le leader des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, déçu que les partenaires sociaux aient accepté de se rendre à Matignon contrairement à son mouvement, a appelé sur France 3 à une meilleure « coordination » entre partis politiques et syndicats pour « jeter toutes nos forces » dans la bataille. A l'initiative des communistes, des parlementaires de gauche vont se rassembler mardi devant l'Elysée pour remettre un courrier à Emmanuel Macron. Quant aux socialistes, ils n'ont pas encore fait connaître leur position sur leur venue à Matignon. Si le gouvernement ne compte pas revenir sur le coeur de sa réforme, des discussions sont encore possibles sur ses modalités de mise en oeuvre, avant son entrée en vigueur prévue en septembre. « La mise en place opérationnelle planifiée de la loi » implique « énormément de points de discussion et d'échanges », a récemment rappelé le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. Dans les cartons de l'exécutif, figure aussi une nouvelle loi sur l'emploi, que le ministre du travail Olivier Dussopt veut voir débattue au Parlement au moins une fois « d'ici l'été ». Mais les opposants sont-ils prêts à aborder d'autres sujets que les retraites? A défaut d'une improbable censure totale du texte par le Conseil constitutionnel, les syndicats misent sur la demande de référendum d'initiative partagée faite par la gauche. Une ultime « porte de sortie par le haut » qui permettrait de prolonger le mouvement social, selon eux. Invité dimanche sur BFMTV, le président du RN Jordan Bardella qualifie, lui, cette procédure « d'enfumage », qui n'a quasiment aucune chance d'aboutir. Quant à Emmanuel Macron, dont l'interview télévisée du 22 mars avait servi de chiffon rouge aux manifestants, il ne sera pas en première ligne cette semaine pour défendre le projet phare de son second quinquennat. Lundi, il reçoit les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie avant de s'envoler, mercredi, en Chine.