Par Abdelhak Najib Suite aux déclarations de certains eurodéputés et suite à la résolution de l'Union européenne pointant du doigt les «droits de l'Homme» au Maroc, il convient de répondre avec recul et distanciation en dépassionnant la réflexion et en allant au fond des réalités d'un Occident gangréné de toutes parts, en proie à de graves et profondes crises, à la fois humaines, sociales, culturelles, religieuses et surtout financières. Il convient également de montrer à quel point cette Europe est illogique, manipulatrice, mensongère, ridicule et absurde, puisque c'est en Europe que les droits de l'Homme sont bafoués tous les jours, à tous les étages, par des Etats donneurs de leçons, par des Etats en fin de cycle, par des Etats en déshérence. Eclairage. L'Europe est aujourd'hui très malade. L'Europe souffre de plusieurs pathologies chroniques. L'Europe vit les derniers moments avant une chute dans le chaos, une débâcle déjà annoncée par le retour d'une véritable guerre qui, il ne faut pas s'y tromper, n'oppose pas deux Etats, à savoir la Russie et l'Ukraine, mais bel et bien Vladimir Poutine face à plus de 50 Etats qui financent la guerre en Ukraine en tentant de déboulonner l'homme fort du Kremlin. Une Europe aux abois à cause d'une grave récession qui la frappe depuis 2008 et qui s'est installée dans la durée faisant éclater tous les garde-fous d'un continent qui vit sous perfusion depuis plus de 20 ans. Une Europe qui se débat face à des crises sociales dangereuses, résultat d'une profonde culture ségrégationniste, une culture du racisme, de la xénophobie, du rejet de tous les autres, marquée par le retour des extrémismes de tous poils et par la percée forte des extrêmes droites, un peu partout dans cette Europe de plus en plus fragile et vulnérable. Une Europe où les communautarismes sont de plus en plus exacerbés, où les stigmatisations ont droit de cité, par médias interposés et par une certaine «intelligentsia» qui a renoué avec le fascisme intellectuel et avec des relents délétères de la haine et de l'hostilité à l'égard des différences rejetant tout ce qui n'est pas vieille Europe catholique et colonialiste comme au temps des croisades et des colonies que l'on a pillées, volées, détruites, spoliées, asservies, rendues à l'esclavage le plus inhumain, au nom des fameux «droits de l'Homme». La belle affaire quand on a tué des millions d'innocents dans ces colonies de la honte et de l'inhumanité la plus barbare. Et c'est cette même Europe qui donne encore des leçons à des pays comme le Maroc, à des Etats africains qui se sont affranchis et qui le revendiquent haut et fort, à tous ceux qui n'acceptent plus aucune forme de tutelle. C'est cette même Europe qui condamne les autres, aujourd'hui, pour faire illusion, pour détourner les regards sur ses propres réalités sociales et humaines, qui sont, bel et bien, plus graves et plus dégueulasses que ce qui se passe ailleurs dans le monde. Fin de partie Pour comprendre les dessous de cette carte européenne aujourd'hui, il faut remonter un peu dans le passé. Et là, on remarque très vite que c'en est fini de l'idée de l'Occident. Oui, l'Occident est un mythe moderne qui a fait son temps. Il a d'ailleurs duré plus longtemps que prévu. «Ils sont lents, les fleuves de l'histoire», disait à juste titre Alexandre Soljenitsyne. Fondé sur une idée religieuse, il a tenu tant que l'illusion a rempli son rôle, durant 21 siècles d'affilée. Plus de deux mille ans, émaillées de conflits continus pour asseoir l'idée de Dieu et du territoire qui lui est dû. La coupure géographique aurait pu être balayée durant les Croisades, mais le rêve ancien de réunir les germaniques, les français et les anglo-saxons au symbole incarné par Jérusalem, a fait long feu. Durant presque quatre-cents ans, de l'an 1095 à l'an 1492, toutes les tentatives d'étendre l'espace géographique de l'idée de l'Occident ont échoué. Un autre Dieu occupait déjà les lieux. Et les deux dieux ne s'aiment pas pour ainsi dire. Ils ne peuvent fondre un Un. Chacun revendique ses différences avec l'autre. Il est strictement impossible de cohabiter. Il est foncièrement impossible de s'entendre. L'unique forme de communication envisageable est le glaive et l'hostilité, de part et d'autre. Les chrétiens n'aiment pas les Juifs et les Musulmans. Ces derniers n'aiment ni les hébreux ni les croisés. Le judaïsme rejette les deux autres religions et porte un unique credo, celui de Yahvé. Et les trois dogmes font appel au monothéisme incarné par la volonté de Dieu. Chacun tire la couverture vers lui-même en découvrant les tares de l'autre, dans un jeu qui dure depuis plusieurs siècles. Cela a donné corps à des massacres et à des guerres interminables, pour accoucher au XXème siècle sur un conflit larvé, avec la création de l'Etat d'Israël, comme pivot de la discorde et monnaie de lutte entre Occident et Orient. Avec ce leitmotiv qui n'a rien perdu de sa teneur : mon Dieu est meilleur que le tien. Sur ce terrain de la croyance, le meurtre est admis comme remède moral aux dissensions. Tuer au nom de son dieu dispense de tout repentir. C'est pour cela que les trois religions dites monothéistes vont s'étriper encore et encore, durant des siècles, jusqu'à la fin de ce monde. Et même après l'effondrement annoncé de l'Occident, la vindicte confessionnelle au nom de Dieu trouvera de quoi alimenter sa haine et son goût du sang. Comme si le sang religieux avait pouvoir de pérennité dans un monde agonisant. Il faut croire qu'une idée qui dure 30 siècles en accouchant de son ennemi intérieur, il y a 20 siècles, le tout remis en cause avec l'avènement de l'Islam, il y a 15 siècles, oui il faut croire que ce dogme a toutes les chances de survivre à toutes les catastrophes. Ratages historiques Cela veut dire, que, déjà il y a plus d'un siècle, le socle religieux, incarné par le Dieu européen, s'effrite en morceaux qui sont des régions bien définies dans ce continent. Autrement dit, le vent des républiques naissantes s'accompagnait aussi par des relents nationalistes pour qui la confession commune n'est pas le gage premier du rapprochement et de la cohabitation. Cela a conduit aux guerres entre les Germaniques et les Français, puis à la révolution de 1917, avec l'arrière-fond marxiste qui fait éclater en mille morceaux le confessionnal catholique, avant de donner corps à deux guerres mondiales qui ont fait plus de 80 millions de morts et des dizaines de millions de blessés, avec les spectres des fascismes qui ont la peau dure et qui s'incarnent aujourd'hui, dans les mouvances d'extrême droite dont l'Europe regorge encore. Ces mouvements se positionnent déjà comme les remplaçants desdites démocraties affaiblies par l'usure de la politique, par une récession économique qui s'est installée dans la durée, et par ces vieux démons européens que sont le racisme et la xénophobie. Le vœu pieux de Victor Hugo vole en éclats et se fracasse sur le mur des réalités : «Soyons la même république, soyons les Etats-Unis d'Europe, soyons la fédération continentale, soyons la liberté européenne, soyons la paix universelle.» Le Dieu est mort du philosophe allemand sonne alors comme un couperet qui prend aujourd'hui tout son sens, dans la mesure où les Européens ont perdu du même coup la foi, supplantée par l'idée de la modernité, les privilèges économiques qui ont atteint leurs limites finales, à cause d'une situation économique mondiale globalisée qui prend l'eau de tous les côtés, traversant crise après crise, avec le spectre d'un chaos économique, financier et politique pour les 20 prochaines années. C'est dire toute la fragilité d'une Union européenne qui n'a plus d'unité que le nom, déjà écornée, à coups de conflits régionaux entre une Europe du Nord qui ne se reconnaît pas dans celle du Sud, qui, lui, de son côté, n'arrive plus à s'en sortir vivant sous perfusion par des Etats comme l'Allemagne, qui se dégage de ce marasme, comme la locomotive fatiguée d'une Europe finissante.