Nabil EL BOUSAADI L'Irak a plongé, une nouvelle fois, dans la violence, ce lundi, car dès l'annonce du retrait de la vie politique du pays du chef populiste chiite Moqtada Al-Sadr, ses partisans ont envahi des bâtiments gouvernementaux situés dans la zone verte à Baghdad si bien qu'à la tombée de la nuit, lorsque la capitale a été placée sous couvre-feu, les échauffourées entre les partisans du leader chiite et leurs rivaux des partis-milices affiliés à l'Iran se sont subitement transformées en des échanges nourris d'armes automatiques, de roquettes RPG et d'obus de mortier qui, d'après un bilan provisoire diffusé mardi matin, auraient fait 33 morts dans les rangs des sadristes et 380 blessés. Aussi, mardi matin les combats opposaient encore, dans la capitale, des membres de la puissante milice sadriste des « Brigades de la paix » (Saraya assalam) aux forces gouvernementales appuyées par des membres des unités de la « Mobilisation Populaire » (MP, milices pro-iraniennes) ainsi qu'à Bassora et dans d'autres villes du sud qui servent de bastion aux fractions armées chiites ; ce qui fait craindre le pire dans une région qui abrite les principaux sites pétroliers du pays. Au vu de l'importante quantité d'armes lourdes dont disposent les fractions chiites depuis qu'elles ont vaincu l'organisation Etat islamique, cette éruption de violence était redoutée et constitue l'épilogue du bras-de-fer qui oppose Moqtada Al-Sadr à l'ancien premier ministre Nouri Al-Maliki et aux partis-milices pro-itaniens, pour la domination du camp chiite et le contrôle de l'Etat. Pour rappel, après s'être trouvé dans l'incapacité de former un gouvernement nonobstant sa victoire aux législatives d'Octobre dernier, Moqtada Al-Sadr avait retiré, en Juin, tous ses députés de l'Assemblée et ordonné, en Juillet, à ses partisans d'occuper le Parlement pour «réformer » le système et « en finir avec la corruption » ; un coup de force qui n'a fait que renforcer l'impasse politique dans laquelle se trouve le pays alors qu'il est sans président et sans gouvernement depuis dix mois. En usant d'arguments pro-réformes à fort relent nationaliste dirigés, à la fois contre les Etats-Unis et contre l'Iran, Moqtada Al-Sadr est soutenu à bout-de-bras par les habitants des quartiers défavorisés de la capitale et du sud qui souffrent du chômage et de la déliquescence des services publics. Et même si les rivaux politiques du leader chiite se disent prêts à accéder à la demande de ce dernier afférente à l'organisation de nouvelles élections, ils exigent, en revanche, qu'un nouveau gouvernement soit nommé avant la dissolution du Parlement ; ce que ce dernier refuse. Pour comprendre d'où Moqtada Al-Sadr tire sa grande popularité, il faudrait d'abord savoir qu'il est le fils du Grand Ayatollah Mohamed Sadek Sadr, champion d'un chiisme militant, que Saddam Hussein avait fait assassiner en 1999 et qui, en étant fort des 73 sièges remportés lors des dernières législatives est parvenu à se maintenir comme première force politique du pays. C'est donc en étant sûr de lui qu'après avoir fait démissionner ses députés en Juin dernier et laissé à ses adversaires le soin de former un nouveau gouvernement, il appelle, désormais, à une dissolution du Parlement et à l'organisation d'élections anticipés et que, ce mercredi, il a donné une semaine, à la justice irakienne, pour prononcer la dissolution du Parlement. Aura-t-il gain de cause ? Tout plaide en sa faveur mais attendons pour voir...