Nabil EL BOUSAADI Si près de dix mois après les législatives d'Octobre 2021, l'Irak est toujours dans une impasse politique totale en dépit des tractations menées, depuis lors, par les ténors de la politique irakienne pour la formation d'un nouveau gouvernement, la crise politique que traverse le pays est montée d'un cran, mercredi dernier, lorsque les partisans du puissant leader chiite Moqtada Sadr, vainqueur desdites élections, ont envahi la « Zone verte », un quartier fortifié de la capitale irakienne abritant les bâtiments officiels de l'Etat (ministères, Parlement...) et les missions étrangères en étant bien décidés à envahir le Parlement pour protester contre la candidature de Mohamed Shia al-Sudani, au poste de Premier ministre présentée par le Cadre de coordination, une alliance favorable à l'Iran comprenant des députés du parti de l'ancien premier ministre Nouri al-Maliki et du mouvement pro-iranien Fatah. Et même si, pour entraver leur progression en direction du Parlement, la police avait bombardé les assaillants de grenades lacrymogènes dès leur entrée dans la fameuse « zone verte », ces derniers étaient quand même parvenus à accéder au Parlement et à déambuler dans ses couloirs en brandissant des drapeaux irakiens. Mais s'ils ont quitté les lieux quelques heures plus tard, les partisans de Moqtada Sadr ont réussi, samedi, à faire tomber les murs en béton érigés sur la place Tahrir au centre de Baghdad pour les empêcher d'accéder, de nouveau, à ladite Zone et à investir, encore une fois, le Parlement, en étant encore plus déterminés qu'auparavant. Ayant exigé soit l'organisation de nouvelles élections soit la désignation d'un nouveau Premier ministre « indépendant », les assaillants ont été rejoints, dimanche soir, par des centaines d'autres qui ont répondu à l'appel du dirigeant chiite les enjoignant à saisir « l'opportunité d'un changement radical du système politique ». Face à cela, le groupe rival du « Cadre de coordination », une alliance formée essentiellement de partis-milices proches de l'Iran et constituant la première force au sein de l'Assemblée, a dénoncé cette « escalade continue » qui s'apparente à l'appel à un « coup d'Etat » contre les institutions étatiques dont s'est rendu responsable Moqtada Sadr et appelé, à ce titre, à des contre-manifestations sans, toutefois, fermer la porte au dialogue. Autant dire qu'en engageant ce bras-de-fer, Moqtada Sadr n'a fait que précipiter la bataille qui l'oppose à ses rivaux pour la direction du camp chiite après qu'il ait claqué la porte du Parlement faute d'avoir pu former un gouvernement majoritaire avec ses seuls alliés sunnites et kurdes ; ce qui avait donné lieu à la démission de ses 73 députés et laissé, ainsi, le soin à ses adversaire du camp chiite de former un nouveau gouvernement en exigeant, toutefois, que celui-ci soit « incorruptible » et exempt de toute influence étrangère. Mais en mettant en garde les deux protagonistes contre cette « atmosphère d'escalade médiatique provoquée par des communiqués et des contre-communiqués appelant aux mobilisations des masses qui peut déraper et mener à des violences », Hadi al-Ameri, qui dirige une faction du Hachd al-Chaabi, une coalition hétéroclite dominée par des milices chiites, a réitéré, ce lundi, son appel pour « un dialogue constructif ». Va-t-il être entendu ? Attendons pour voir...