Nabil EL BOUSAADI La dictature franquiste (1939-1977) continue de susciter bien des remous au sein de la société espagnole alors même que près d'un demi-siècle s'est écoulé depuis la mort du Caudillo Francisco Franco le 20 Novembre 1975. C'est à ce titre qu'en emboitant le pas au Premier ministre Pedro Sanchez qui a déclaré, ce mardi 12 juillet, que « l'Histoire ne peut pas se construire sur la base de l'oubli et du silence des vaincus de la Guerre civile », les députés espagnols, désireux de solder symboliquement la dette avec le passé et d'aider les familles victimes du franquisme à retrouver les restes de leurs ancêtres disparus pendant la dictature, donc à faire leur deuil, ont voté, jeudi 14 juillet, en première lecture, un projet de loi dit de « mémoire démocratique ». Ainsi, après la loi de « mémoire historique » de 2007 qui avait déclaré « illégitimes » les tribunaux franquistes, le Parlement espagnol a approuvé, ce jeudi 14 juillet, par 166 voix pour, 153 contre et 14 abstentions, un projet de loi dit de « mémoire démocratique » ayant pour effet de remplacer et de combler les lacunes que contenait la loi approuvée précédemment par le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero. Pour rappel, en Octobre 2019 et dans le cadre de la loi de 2007, il avait été procédé au transfert du cercueil de Franco du mausolée du « Valle de los Caidos » (la vallée de ceux qui sont tombés), – une immense basilique construite à la gloire du dictateur par des milliers de prisonniers politiques et renfermant les ossements de plus de 33.000 victimes des deux camps de la guerre civile – vers un petit cimetière municipal. En considérant que « l'hommage public » qui avait été ainsi rendu au dictateur « était plus qu'un anachronisme ou une anomalie » ; à savoir, « un affront à la démocratie espagnole » et qu'il devient impératif, en ce cas, de panser les blessures héritées de la dictature, le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez continue d'œuvrer au titre de la restauration de la mémoire des victimes de la guerre civile (1936/1939) et de la dictature (1939/1975). Ainsi, alors que la loi de 2007 déclarait « illégitimes » les tribunaux franquistes, ce nouveau texte déclare non seulement comme étant « illégal » le régime instauré par Franco mais annule, par la même occasion, toutes les sentences prononcées par ses tribunaux pour des délits « politiques » ou « de conscience », rend l'Etat espagnol responsable de la recherche, l'identification et l'exhumation des restes des disparus de la guerre civile et de la dictature et prévoit la création d'une liste de victimes, d'une carte nationale des fosses communes et d'une banque ADN centralisée de même que l'élaboration de plans pluriannuels visant à accélérer l'ouverture desdites fosses. Force est de reconnaître, tout de même, que cette nouvelle loi ne s'arrête pas en si bon chemin car si elle reconnaît publiquement le rôle des femmes dans la lutte contre le franquisme, la « répression » des langues régionales catalane, basque et galicienne et le « droit à la vérité » des victimes républicaines, elle élimine, également, trente-trois titres nobiliaires concédés par le dictateur aux plus proches collaborateurs du régime, pénalise l'exaltation du franquisme, lève la chape de plomb qui pesait sur les archives de l'Etat et impose, enfin, l'étude de la répression franquiste dans les programmes scolaires. Est-ce à dire qu'en Espagne, le franquisme est, désormais, définitivement mort et enterré ? Tout plaide en ce sens mais attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI