Gouvernement et rebelles au Yémen se sont accusés mutuellement mardi d'avoir violé l'accord de cessez-le-feu, trois jours après l'entrée en vigueur d'une trêve de deux mois dans un pays ravagé par plus de sept ans d'une guerre dévastatrice. Le conflit oppose depuis 2014 les forces loyales au gouvernement, appuyées depuis 2015 par une coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite voisine, aux Houthis, des rebelles soutenus eux par l'Iran qui nie leur fournir des armes. Cette trêve arrachée par les Nations unies est entrée en vigueur samedi — au premier jour du ramadan, le mois du jeûne musulman — offrant une lueur d'espoir dans une guerre qui a causé l'une des crises humanitaires les plus graves au monde. Le ministre yéménite des Affaires étrangères, Ahmed ben Moubarak, a accusé les Houthis de « violations » du cessez-le-feu. « La trêve a été largement accueillie, mais elle est menacée par des violations commises par les Houthis, avec notamment des déploiements miliaires, des mobilisations de troupes et de véhicules, des tirs d'artillerie et des attaques de drones », a-t-il tweeté en anglais sans plus de détails. Les rebelles n'ont pas directement réagi aux allégations mais leurs médias ont rapporté des « violations » de la trêve de la part des troupes progouvernementales dimanche et lundi. L'émissaire spécial des Etats-Unis pour le Yémen, Tim Lenderking, a indiqué lundi à Bloomberg TV que chacune des parties en conflit s'était engagée et avait fait preuve de souplesse en faveur de la trêve, même sans avoir obtenu « entièrement ce qu'elle voulait ». « Je pense qu'il s'agit là d'un moment charnière pour le Yémen, et il accorde aux Yéménites un répit après sept ans de guerre », a-t-il ajouté. En vertu de cette nouvelle trêve, qui peut être renouvelée « avec le consentement » des belligérants, toutes les offensives militaires aériennes, terrestres et maritimes doivent cesser, dans ce conflit qui a fait des centaines de milliers de morts, selon l'ONU, et poussé ce pays pauvre de la péninsule arabique au bord de la famine. En outre, elle permet l'entrée de 18 pétroliers dans les ports de la région stratégique de Hodeida (ouest) et l'accès de deux vols commerciaux à l'aéroport de la capitale Sanaa. La coalition contrôle l'espace aérien et maritime du Yémen et seuls les vols de l'ONU sont autorisés à atterrir à Sanaa, un « blocus » dénoncé par les Houthis. Sanaa et les ports de Hodeida sont aux mains des Houthis. Les ports sont essentiels pour l'acheminement de l'aide humanitaire. L'annonce de trêve est intervenue alors que des discussions sur le Yémen se tenaient en Arabie saoudite, en l'absence des rebelles, qui ont dit refuser de participer à des pourparlers en territoire « ennemi ». Le président yéménite, Abd Rabbo Mansour Hadi, a appelé les Houthis à revenir à la table des négociations. « Revenez en tant que groupe politique, au sein de la république, dans l'unité et la démocratie, et faites la paix pour notre peuple », a-t-il dit dans des propos prononcés lors d'un iftar (repas du soir pendant le jeûne du ramadan) réunissant des responsables yéménites dans la capitale saoudienne Ryad. Mais au sein de la population, certains se montrent sceptiques, de précédents cessez-le-feu n'ayant pas tenu. « Si cette trêve tient, et qu'il y a de la bonne volonté de la part de tout le monde, je pense que les choses iront mieux et que la sécurité sera de retour dans le pays », estime Houssam Fathi, un habitant de la capitale Sanaa, âgé de 24 ans. Une précédente trêve à l'échelle nationale en 2016 a fait long feu. Une autre annoncée en 2018 pour faire cesser les hostilités autour du port de Hodeida a également été largement ignorée. A Hodeida, Abdelaziz dit lutter pour gagner sa vie en tant que livreur en raison de l'inflation. « J'achète du carburant au marché noir à des prix très élevés », raconte cet homme de 45 ans pour lequel « cette trêve semble impossible. »