Nabil EL BOUSAADI Mais à quoi correspondrait donc le défilé militaire sans précédent, organisé ce mardi à Brasilia qui, tout en étant le premier depuis le retour du pays à la démocratie en 1985, a surtout montré des camions et des blindés bien vieillissants ? Par cette démonstration de force intervenue après que la Cour Suprême et le Tribunal Supérieur Electoral (TSE) aient ouvert des enquêtes contre le chef de l'Etat pour ses attaques répétées contre le système électoral, Jaïr Bolsonaro entendrait-il intimider la population en ce moment-même où le Parlement a été appelé à se prononcer sur la réforme du vote électronique que le chef de l'Etat appelle de tous ses vœux ? De plus en plus discrédité pour sa très mauvaise gestion de la pandémie du Covid-19, Jaïr Bolsonaro entend bien se représenter aux présidentielles de 2022 mais craint fort une cinglante défaite face à son ennemi-juré, l'ancien président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva ; ce qui l'a contraint, ces dernières semaines, à multiplier les allégations de fraude électorale avec l'actuel système de vote électronique. Considérant, en effet, que le vote électronique est la voie ouverte à toutes sortes de fraudes, le président Bolsonaro voudrait donc que l'électeur puisse « imprimer son vote » avant de quitter l'isoloir ». Or, s'il n'y a là rien d'anormal, les détracteurs du chef de l'Etat estiment que, par cette réforme, le président Bolsonaro chercherait non pas à « perfectionner » le système électoral en vigueur mais plutôt à éroder la confiance que revêt l'urne électronique chez un grand nombre d'électeurs brésiliens et marcher, ainsi, sur les pas de son mentor, l'ancien président américain Donald Trump. Mais en craignant une réédition, à Brasilia, des évènements qu'avait connu le Capitole, les parlementaires de neufs formations politiques brésiliennes, de diverses obédiences, ont jugé, dans un communiqué conjoint, comme étant « inacceptable que les forces armées permettent que leur image soit utilisée pour suggérer l'usage de la force en soutien à une proposition anti-démocratique défendue par le président de la République » qui considère que « sans élections propres, il n'y aura pas d'élections » du tout. Si donc cette démonstration militaire avait, officiellement, pour objectif de remettre, au chef de l'Etat, une invitation pour assister à l'exercice militaire qui, depuis 1988, a lieu chaque année à Formosa dans l'Etat de Goias, il n'en fut rien cette fois-ci car, depuis le retour de la démocratie au Brésil, en 1985, c'est bien la première fois qu'un défilé de blindés et d'autres engins militaires a lieu devant le siège des trois pouvoirs ; à savoir, le palais présidentiel du Planalto, la Cour Suprême brésilienne et le Congrès national. Force est de reconnaître, enfin, qu'en ce moment où la côte de popularité du président Bolsonaro est en chute libre, cette démonstration de force permet à ce dernier, d'une part « d'intimider la Cour Suprême et le Parlement » mais aussi de rappeler que l'armée est toujours de son côté même lorsqu'il formule ses demandes les plus controversées ; à savoir, le retour au vote papier. Suffira-t-il au vieux capitaine de l'armée de grincer des dents et d'exposer ses engins militaires pour empêcher le retour aux affaires de l'Etat du vieux syndicaliste Lula da Silva ? Difficile d'y adhérer mais attendons pour voir...