«Soutenabilité du budget et équilibre de nos comptes extérieurs, un impératif» «Le ratio d'endettement maintenu autour de 47% «Peut être faudrait-il envisager un impôt de solidarité» «Demande globale : gare à ne pas gripper la machine» Al Bayane : a la suite de la déclaration du ministre des finances devant la commission des finances au parlement ; pensez-vous que nous somme d'ores et déjà dans une perspective de politique d'austérité qui dit pas son nom ? Qu'en pensez-vous et quelle serait à votre avis sa marge de manœuvre dans ce sens ? Mohamed Soual : la déclaration du ministre de l'économie et des finances entre dans le cadre du contrôle démocratique de l'exécutif par le parlement. Elle éclaire sur les conditions de préparation du budget 2011, sans plus. Tout commentaire sur le futur projet de loi des finances doit attendre les hypothèses économiques et politiques à partir desquelles est élaboré précisément ce projet. Les deux instruments clé de la politique économique et sociale de l'exécutif sont la politique budgétaire et la politique monétaire. Et c'est sur pièce que l'on peut apporter le commentaire avisé. Néanmoins l'on peut d'ores et déjà dire que la loi des finances 2011 sera élaborée dans un contexte international encore incertain et pesant des incertitudes sur le volume de la demande extérieure adressée à notre pays. Suite à la crise d'endettement des pays de la zone euro, nos principaux partenaires commerciaux se sont lancés dans des politiques de rigueur qui ne manqueraient pas d'impacter négativement nos capacités productives et notamment celles orientées vers l'exportation réduisant par là même nos capacités financières pour couvrir les importations. Sachant, par ailleurs, que sur les 4 premiers mois de 2010 la balance commerciale a connu une dégradation de près de 15%. La crise financière internationale qui touche encore de plein fouet la sphère de l'économie réelle réduit également l'afflux des IDE. Même si l'on table sur un taux de croissance en 2010 de près de 4 % (+5,9 % pour le PIB non agricole et -7,5% pour le PIB agricole d'après les prévisions du HCP), les dépenses ordinaires seront pénalisées par les charges au titre de la compensation suite à la hausse des produits énergétiques. Alors qu'après avoir connu une progression fulgurante et continue de 2003 à 2008, les recettes fiscales accusent une régression en 2009 et enregistrent une baisse de 4,3 % à fin avril par rapport à leur niveau à fin Avril 2009 avec des baisses qui ont atteint près de 25,5% pour ce qui concerne les impôts directs (IS et IR). Le déficit budgétaire risque de dépasser la barre symbolique des 3 %. Il est vrai par ailleurs que le ratio d'endettement maintenu autour de 47 % permet encore des marges à condition de les utiliser prioritairement pour les investissements productifs et les dépenses d'avenir notamment l'éducation et la formation. Il est évident que le Maroc est de plus en plus amené à gérer ses ressources dans une logique de rationalisation. A-t-on déjà pris une option sur une gestion restrictive de la demande globale ? Mais il faut veiller à rationaliser en tout temps ! L'Etat comme tout agent économique ou quelque responsable que ce soit doit gérer en bon père de famille les deniers publics. Si vous entendez par demande globale la consommation, gare à ne pas gripper la machine qui depuis au moins 5 ou 6 ans tire la croissance vers le haut. Le soutien à la demande est essentiel. La baisse de 4 points de l'IR en deux ans a agi positivement car si les recettes liés aux impôts directs baissent, celles provenant des impôts indirects augmentent tirées à la fois par la consommation et par l'investissement. Des analystes de la place estiment que l'exercice 2011 sera marqué par des difficultés au niveau de la mobilisation des ressources budgétaires. Pensez-vous que c'est plutôt pessimiste comme appréciation ou bien cela reflète une réalité de plus en plus tangible ? Il faudrait que le paiement de l'impôt dans notre pays devienne un acte de citoyenneté. Tous les assujettis aux impôts doivent s'acquitter de leurs obligations fiscales ! L'administration doit y veiller avec équité et fermeté. Peut être, faudrait-il envisager comme le suggère l'équipe de recherche dirigée par le professeur Noureddine El Aoufi qui a travaillé sur la réforme de la caisse de la compensation, un impôt de solidarité pour soutenir ce système sous forme d'aides directes à ceux qui en ont le plus besoin. L'état doit également rogner sur toutes les dépenses superflues ou somptuaires. Le climat des affaires doit être assaini, l'activité soutenue et l'attractivité vis-à-vis de l'investissement, public comme privé, national comme étranger, érigée comme levier du développement. Aujourd'hui, deux préoccupations doivent tendre l'action des pouvoirs publics, la soutenabilité du budget et l'équilibre de nos comptes extérieurs. Le pays politiquement comme socialement ne peut souffrir un autre plan d'ajustement structurel. Ce sont les masses populaires qui en paieraient le prix fort alors que le partage des fruits de la croissance demeure globalement injuste ! Quels devraient être selon vous, les priorités de la politique économique qui pourrai permettre au Maroc de sauvegarder ses équilibres fondamentaux et maintenir un niveau de croissance de l'investissement soutenable. La priorité des priorités est la cohésion sociale, la solidarité entre les classes sociales, les générations et les territoires. L'investissement dans l'éducation et la formation, la santé pour tous, le développement du monde rural, l'emploi qui frappe durement les jeunes et les femmes notamment en milieu urbain doivent être la trame de la politique économique et sociale. C'est la condition première de tout équilibre et toutes les dépenses y afférentes assurent le soutien à la croissance. Bien sûr, les équilibres macro-économiques sont fondamentaux (déficit budgétaire soutenable, inflation et endettement public maîtrisés, comptes extérieurs à l'équilibre,..). Pour les conforter, la justice sociale, l'anticipation et la focalisation sur les réformes structurelles et stratégiques sont essentielles pour la compétitivité et l'attractivité de la maison Maroc, conditions essentielles pour sauvegarder les équilibres, maintenir un haut niveau de croissance et d'investissement soutenable comme vous le dites.