Il a dit : Qu'ont-ils besoin de détruire ? Et de détruire encore ? Qu'ont-ils besoin d'oublier mon visage, mes gestes et ma voix? Qu'ont-ils besoin de croire en mon absence quand je suis pourtant là devant eux? Qu'ont-ils besoin d'oblitérer mes blessures et de jeter mes larmes aux chiens ? Qu'ont-ils besoin d'oublier que je suis un homme comme eux ? Ils m'ont tout pris et continuent de croire que la brutalité est leur meilleure alliée Je suis un vieil homme et j'ai fait le serment de bâtir Et de bâtir encore Quand je n'aurai plus de forces J'ai fait le serment De bâtir Sur le visage des absents Sur leur front Avec leurs larmes Sur un champ de ruines Je m'assois toujours Sur cette pierre Quand je suis las de marcher Et tout à l'entour résonne de voix éteintes et de larmes Je m'assois sur cette pierre Où les doigts du souvenir réinventent pour moi une maison chaque soir Je me souviens D'une porte qui claque D'un pas léger dans mon cœur D'un rayon de lune dans les branches d'un arbre Nous sommes partis Pour rejoindre les errants Sur une longue route Sous un ciel sombre J'ignorais que tout œuvrait dans l'âme obstinée d'un enfant Pour que cet instant perdure et ne meure pas Il a ajouté: Aucun Dieu n'a bâti le monde à la gloire des plus forts Combien de héros sont tombés de leurs stèles ? Et combien de larmes faut-il verser encore Pour que la raison retrouve la raison ? Les vaincus d'aujourd'hui peuvent être les vainqueurs de demain Le cynisme du temps est sans égal L'ordre des jours n'est pas un cycle clos Puis il a dit : Ou la lumière apporte la joie Au cœur qui la regarde et se laisse guider par elle Ou elle n'est pas Mais il n'y a personne pour entendre un vieil homme, un errant qui porte un ciel paisible et fraternel sur ses épaules sur une route tortueuse, longue et désespérée.