Karim Ben Amar Le journalisme et le monde de l'Art au Maroc sont en deuil. Jamal Boushaba nous a quitté ce mardi 20 avril des suites d'un cancer. Journaliste culture (le plus grand), critique d'art et curateur, Jamal était doté d'une culture générale hors du commun. A l'opposé de l'éclectisme (dont il m'a souvent accusé), il maitrisait les courants littéraires français, du Moyen-Âge (les Mystères), en passant par l'Humanisme, Les Lumières mais aussi l'Absurde et le Surréalisme. Jamal était un homme raffiné, amateur de tout ce qui est beau, esthétique et plaisant. je me souviens d'une soirée (2006) où il préparait en compagnie de mon père l'émission culturelle (comme en fait plus malheureusement) Arts et Lettres. Sur fond de Salim El Hallali, il m'incitait à écouter la mélodie où mieux encore, les paroles. Le sens du chef-d'œuvre. C'est aussi ça Jamal, une grande sensibilité. D'après lui «les goûts et les couleurs se discutent» à condition d'avoir du bagou sans pour autant noyer le poisson (c'est pour vous dire la difficulté de l'exercice). Alors adolescent, il plaçait toujours la barre très haute lors de nos échanges, non pas pour m'intimider, mais plutôt pour m'obliger à me surpasser, à dépasser mon niveau de lycéen. Il avait l'art de la transmission, le sens du partage de son savoir, de sa culture. D'ailleurs, lors de vernissages, il me consacrait toujours un petit quart-d'heure pour me briefer sur le travail de l'artiste, son école, etc. Après mon Bac, j'ai quitté mon pays pour la France. Lors de mes fréquents voyage au Maroc durant cette période, on se voyait assez souvent. On parlait Histoire et histoire de l'Art, que j'étudiais. Lorsque nous n'étions pas d'accord sur l'origine du mouvement du Der Blaue Reiter (avant-garde expressionniste)par exemple, il me traitait de tête à claque. Idem si j'osais médire sur Marcel Proust, son auteur favori. Pour le provoquer, mon frère Hicham et moi lui reprochions d'être certes proustien mais contrairement à Maitre Marcel, amateur de phrases longues. Son style était plutôt «télégramme». Nos boutades le faisaient rire. Près de 13 ans après, l'on s'est retrouvé dans une même rédaction. La main sur le cœur, il ne rechignait jamais à filer à une consœur ou confrère un sujet intéressant où un bon créneau. Toujours de bons conseils, il prenait sur son temps pour orienter un camarde. Bien que cette expérience n'ait duré que quelques mois, je savais d'ores et déjà que je tenais-là un souvenir pour la postérité : j'ai partagé la rédaction avec Jamal Boushaba, rien que ça. Proust disait : «Mort à jamais ? Qui peut le dire ?» Une chose est sûre, tu resteras à jamais dans mon cœur! Adieu Tonton! Adieu illustre confrère.