auteur d'œuvres sur le thème de la région Par Mohamed Agoujil Depuis une vingtaine d'années, on assiste au sud-est, à un foisonnement de publications à dimension créative, poésie et récit en particulier, en arabe, en tamazight ou en français. Nous sommes en réalité loin des conditions auxquelles les précurseurs ont dû faire face pour se faire éditer et distribuer. Moha Souag et Mohamed Chakir, pour ne citer que ces deux, nous en auraient dit long mais ce n'est pas là notre propos. En effet, grâce aux réseaux de communication et aux moyens modernes d'impression, on assiste aujourd'hui à la publication, et souvent à compte d'auteur, d'écrits qui de part leurs thèmes, leur dimension spatio-temporelle et l'origine de leurs auteurs se réclament de l'imaginaire collectif du sud-est. Est-ce là le signe de la naissance d'une littérature dite du sud-est marocain, tout en sachant que, à part les œuvres imaginatives, des recherches en anthropologie, sociologie, économie et autres abondent et leurs auteurs sont natifs de cette terre. Si c'est le cas, quelles sont les caractéristiques de cette littérature? Quelle est sa place dans le vaste champ littéraire national? Quels sont ses thèmes de prédilection ? Toute une série de questions auxquelles devraient répondre une recherche sérieuse, descriptive et analytique soutenue. C'est dans ce cadre que se situe l'initiative de l'AMEF, section provinciale d'Errachidia, qui nous a habitués à ce genre d'arrêts sur images: image de nous mêmes à travers l'une des œuvres de nos écrivains d'expression française. Cette initiative et d'autres, qu'entreprennent la FPE, l'AMEF, la section des écrivains marocains d'Errachidia ou la société civile culturelle apporteront certainement des éléments de réponse aux questions posées, ci-haut, et animeront, par voix de conséquence notre vie culturelle d'ici-bas dépendante encore de ce qui se situe au centre. My Laarbi Raji, natif de Goulmima et auteur d'au moins cinq livres dont certains puisent leurs thèmes de la région. Il s'agira, en effet, du 3ème livre publié en seconde édition en 2018 sous l'intitulé « Nostalgie des bancs de l'école » et qui se présente comme étant la suite du » Le Maroc de mon enfance » et se veut donc, comme l'affirme l'auteur en avant propos, je cite » un récit témoignage sur le parcours d'un enfant du pays que la providence a conduit à l'école. » Il s'agit de la période 1951/ 1965; une période d'agitation politique et sociale dans le contexte de la lutte anti-coloniale d'abord, et des aléas d'une indépendance encore balbutiante La typoligisation du texte En première page de couverture, rien n'est dit sur le type du texte. On ne sait si c'est un roman, un essai ou autre, si ce n'est par le mot « nostalgie » qui renvoie à un passé raconté, envers lequel le narrateur éprouve de la nostalgie. De plus, en avant propos, l'auteur parle non de roman mais de récit et de narration; ce qui écarte le caractère imaginatif des faits et des acteurs et confère ainsi aux événements la véracité nécessaire à servir d'illustrations et d'arguments même, pour témoigner et justifier une réalité ou en condamner une autre. A ce propos, la réédition du livre en 2018, au moment où la question de l'enseignement au Maroc est posée avec acuité, n'est pas un acte gratuit, mais elle se veut, à notre avis, une réflexion qui fouille dans le passé espérant y trouver quelques solutions aux problèmes d'une école incapable de remplir sa fonction éducative. L'école d'aujourd'hui, semble dire le texte en filigrane, a perdu son aura pédagogique, a échoué dans sa mission éducative et culturelle. Elle est devenue un super marché où tout échange s'exprime en quantité, en chiffre d'affaire, la qualité n'y est qu'une promesse publicitaire. Où réside le problème? Quelle en serait la solution? Telles sont les grandes questions que nous a inspiré notre lecture. Sans chercher à y répondre, nous souhaitons les partager avec vous par cette modeste contribution qui se veut méditation sur une œuvre plutôt que lecture de spécialiste. Par ailleurs, à aucun moment, ni dans l'avant propos, ni dans la première page de couverture on ne rencontre le concept » autobiographie » bien qu'on ne puisse pas ôter cette dimension à l'œuvre. Des indices textuels tels que l'utilisation du » je « , l'ordre chronologique des événements, plongent le lecteur dans la vie de l'enfant/narrateur en prise avec les défis à relever pour se réaliser et s'affirmer, sans aliénation aucune, dans une société marocaine moderne naissante. Celui-ci y est présenté non comme entité sociale mais plutôt comme entité pédagogique, objet et produit d'une éducation, d'un processus déclenché par l'école moderne. Cette focalisation sur le parcours éducatif et instructif de l'enfant est, à notre avis, tributaire d'un regard qui se veut analytique et qui met le récit au service de l'explicitation, de l'exposition et par là même du témoignage et de l'argumentation. Derrière le récit, il y a donc un raisonnement qui se tisse pour justifier ce sentiment de nostalgie des bancs de l'école. Le récit est ainsi inféodé à la description et à l'illustration. De même, les lieux et les portraits sont évoqués du point de vue du rôle pédagogique et culturel que le milieu et les personnages jouent dans la formation du jeune homme. Que ce soit pour l'école primaire, le collège Sijilmassa, le lycée Tarik ibn Zayad ou Toumliline, la description n'est pas la mise en place d'un décor qui balise les actions, et les authentifie en leur conférant une dimension spatiale et temporelle mais pour mettre en évidence le rôle de ces établissements, par leur structure, par leur emplacement et par leur esthétique dans la formation des jeunes enfants prédestinés, par hasard, à devenir autres que des intellectuels, et hauts cadres, que Si Raji, lui même, est devenu par la suite. Ainsi Toumliline est présentée comme étant un centre culturel et multiculturel, qui recevaient des étudiants de différentes cultures et régions du monde avant qu'il ne ferme, une quinzaine d'année après, et devienne décombres d'une ouverture qui s'est vite refermée au profit d'un repli identitaire dont on paie le prix encore aujourd'hui. L'école ou le collège sont donc décrits non en tant qu'espace où des actions se succèdent et s'enchevêtrent pour tisser la toile d'un récit fictif, mais en tant qu'atmosphère relationnelle, culturelle et humaine où la méthode pédagogique est empreinte de rigueur, d'ordre et de respect. Il en est de même pour le portrait du corps enseignant et administratif qui est une évocation pour appuyer la présence d'une personnalité pédagogique forte, de la civilité des comportements, de la profondeur des savoirs et de l'efficacité des pratiques d'enseignement. Il s'agit en fait, non de mettre en évidence la psychologie des personnages en fonction des situations du récit et son impact sur le déroulement des évènements mais surtout de valoriser des attitudes professionnelles et des compétences pédagogiques et culturelles mises au service de l'éducation. Exp mr Rahal, le proviseur du lycée, par 130, 3 ème paragraphe : » Blond, cheveux,……..en pareil lieu « . En résumé de cette première partie, le récit et la description sont ici motivés par une intention explicative et même argumentative pour appuyer un discours où la comparaison entre l'école d'hier et celle d'aujourd'hui inspire au narrateur une certaine nostalgie. Et comme dans toute nostalgie il y a une dose de regrets on est en droit de se poser la question: Que regrette-t-on de l'école traditionnelle et qui puisse aider l'école actuelle à recouvrer sa fonction éducative et culturelle ? La structure textuelle de l'œuvre En tant que témoignage, la structure textuelle de l'œuvre est bâtie sur le même objectif d'illustration et d'exposition. En effet, L'avant propos correspond a l'introduction, le témoignage ( j'en désigne le corps du récit proprement dit) développe et commente et enfin, l'épilogue qui résume et ouvre le récit sur d'autres posent sémiotiquement déjà, les balises d'un texte explicatif et illustratif d'un regard qui se veut objectif, d'un raisonnement qui exploite le récit et la description au profit de l'analyse pour justifier la nostalgie du narrateur à l'ancienne école, mais surtout, et en filigrane, pour stigmatiser le marasme dans lequel se noie l'école d'aujourd'hui, à l'époque du numérique et de la civilisation de l'image. L'on peut donc se poser la question. qu'est ce qui fait la réussite de la première malgré le manque de moyens et l'échec de la seconde malgré la pléthore théorique et matérielle? A quoi assiste-t-on dans chacun des trois piliers sur lesquels repose » Nostalgie des bancs de l'école » de l'œuvre? En avant propos, l'auteur situe le présent ouvrage par rapport à son précédent » le Maroc de mon enfance « , tout en en soulignant les disproportions. L'auteur semble y préparer le lecteur à se concentrer sur le parcours scolaire de l'enfant, sur l'évolution de sa formation à l'école comme au collège ou au lycée. Il écarte du récit la vie de l'enfant en société ou en famille étant donné qu'elle a déjà fait l'objet du premier ouvrage. Le récit et la description deviennent les ingrédients d'une réflexion sur la pédagogie, ou disant sur la stratégie d'enseignement et d'éducation qui a conduit un jeune issu d'un milieu démuni à changer de destin et à s'ouvrir sur différentes langues et cultures grâce à l'école moderne (je cite) » qui m'ouvrit ses portes, et m'égaya d'une aubaine inespérée qui me permettra de faire mes premiers pas vers l'avenir. Comment ne pas sentir de la nostalgie de l'école du village? « . L'avant propos se présente donc, comme l'introduction à un livre qui développe une thèse, celle de faire valoir ce qui faisait la force de l'ancienne école. En effet, à voir l'output de l'école marocaine de nos jours, à voir l'intérêt accordé à la formation de nos enseignants, à voir aussi la ge L'avant propos se présente donc, comme l'introduction à un livre qui développe une thèse, celle de faire valoir ce qui faisait la force de l'ancienne école. En effet, à voir l'output de l'école marocaine de nos jours, à voir l'intérêt accordé à la formation de nos enseignants, à voir aussi la gestion et l'organisation pédagogique de nos établissements, ainsi que le contenu de nos programmes et les fondement de la pratique des classes….. A voir tout cela, il y a beaucoup à envier à l'école d'antan: elle éduquait et celle de nos jours enseigne. Et toute la différence est la!!! Le témoignage ou le récit proprement dit Le contenu du récit comme le présente la table des matières, se divise en 4 chapitres référant chacun à un niveau scolaire. Chaque chapitre est subdivisé en sous titres, tous de facture explicative et descriptive se rapportant soit à un événement, à un personnage ou à un lieu. Certains de ces titres promettent de relater un état des lieux ou évolue l'enfant. c'est le cas du portrait des établissements scolaires (l'école du village, collège Sijilmassa et le lycée Tarik Ibn Zayad), du monastère de Toumliline, ou même de la bibliothèque Bouhsira à Ksar es souk tous décrits du point de vue de leur impact éducatif, et culturel sur le jeune enfant pour qui l'école était une chance à ne pas rater. Certains autres titres évoquent les enseignants et les administrateurs, tous armés d'un savoir académique et pédagogique qui les disposait à faire de l'école un espace d'apprentissage de la vie, d'ouverture d'esprit et d'échange culturel intense. Leurs portraits mettent plutôt en évidence leurs qualités morales et intellectuelles que leurs spécificités physiques. Motivés, encouragés, orientés et soutenus moralement surtout, les bambins de la localité ne cessent de faire preuve d'esprit d'initiative, d'intelligence et de défi. L'école moderne a ouvert devant eux des horizons prometteurs qu'ils n'hésitaient pas à intégrer. La logique narrative est ici dépendante, non d'un schéma narratif comme dans le roman fictif, mais de la nécessité d'analyse et d'exposition. Il y est question de témoigner de tout ce qui participe à favoriser l'épanouissement de la personnalité et l'ouverture d'esprit de l'enfant, personnage principal et épicentre de l'action pédagogique. Par là, on met en valeur l'impact de la structure et l'architecture des lieux, ainsi que leur organisation et les programmes de formation et d'éducation qui y sont dispensés. Il en est de même pour le savoir faire et le savoir être imposant des enseignants, celui aussi de la civilité de leur comportement et celui enfin de leur savoir encyclopédique riche susceptible de remplir la tâche pédagogique avec art et savoir. C'est à cette atmosphère pédagogique qui cultive le plaisir d'apprendre, et le désir de réussir que My Laarbi Raji éprouve de la nostalgie aujourd'hui. Et c'est justement ce qui manque à l'école actuelle pour qui la formation des enseignants n'est pas un souci. Il s'agit en somme de montrer jusqu'à quel point la formation à l école, dite de nos jours traditionnelle, était centrée sur l'enfant, globale, profonde parce qu' elle est dispensée dans une atmosphère pédagogico_culturelle attrayante et motivante et par des cadres mus par l'amour du métier et par le besoin d'une réussite pédagogique, avant tout. L'épilogue: il est défini comme une conclusion après avoir tout dit. C'est l'ouverture du sujet sur un autre. En effet, le narrateur a dû changer son fusil d'épaule, pour s'assurer une vie où il ne dépend que des compétences que l'école lui avait procurées. Conclusion Le témoignage de My laarbi Raji se présente donc comme un regard jeté sur l'école actuelle mais à travers l'histoire de celle qui l'a précédée. C'est la mise en valeur des atouts de l'école traditionnelle qui a fondé sa pratique pédagogique sur des objectifs tenant en compte la dimension intellectuelle, culturelle et civilisationelle de la formation. C'est aussi la critique indirecte des tares de l'école d'aujourd'hui réduite à une échoppe au coin de la rue. C'est, en définitif, un appel à rehabiliter une certaine pédagogie où l'enfant est considéré comme tel non comme client, où le savoir n'est pas une marchandise et où la relation pédagogique n'est pas empreinte de clientélisme. La relation pédagogique doit être donc au centre des réflexions sur une stratégie de réforme quelconque, tout simplement parce que c'est, enfin de compte, de cette relation que dépend l'échec ou la réussite en matière d'éducation surtout, et non seulement d'enseignement. Les quatre murs de la salle de classe n'ont pas besoin d'être peints mais, plutôt, décorés.