A la lecture de ce texte « Années volées » de Anissa Bellefqih, on sent que l'histoire s'agence comme une avalanche de faits sans répit, où la dimension du document et du témoignage vécu de la narratrice semble l'emporter sur la littérature et donc le romanesque proprement dit. Le récit est organisé sous forme de journal daté à partir de 2004 jusqu'à 2010. Une seule voix d'un bout à l'autre, celle de la narratrice Yassmina, une femme qui vient de perdre son mari entrepreneur et qui tient son journal. Avec sa fille médecin, elle est surprise d'apprendre que la grande banque BCG Banque de Crédit et de Gestion a l'intention de les déposséder de leurs biens d'héritières, plusieurs terrains et jusqu'à l'appartement où la veuve vit, sous prétexte de payer les dettes des crédits impayés contractés par le mari défunt pour son entreprise. Sans tenir compte du fait qu'il s'agit d'une SARL, ni qu'il y a une assurance. Tout au long des chapitres, on a droit aussi bien à l'histoire de souffrances intolérables subies qu'à celle des victoires remportées sur l'ignorance du droit et des réglementations bancaires. La victime des machinations des banquiers qui usent de faux et dissimulations, est tenue d'apprendre les rudiments du droit pour démasquer les agissements malveillants de ses ennemis et aussi, à chaque fois, de changer d'avocats. Autrement dit, l'enseignement qu'on peut tirer du récit c'est, non seulement les manquements graves de la banque, mais aussi qu'il fallait du courage et de l'endurance de l'investigation pour voir le bout du tunnel. On peut se demander jusqu'à quel point la description de la prédation dont est victime, selon son récit, Yassmina, femme esseulée par un système sans merci où justice et institution financière sont liguées en une nébuleuse de complicités d'intérêts, peut-elle servir d'exemple convaincant pour dénoncer l'injustice et la corruption dont pourraient être victimes les plus faibles et pour donner à ceux-ci l'espoir de s'en sortir. Anissa Bellefqih a enseigné la littérature française et la sémiotique de l'image à l'Université Hassan II-Casablanca. Elle est auteur chez L'Harmattan de « Yasmina et le talisman », « Je ne verrai pas l'automne flamboyant... » et « La Lecture des aventures d'Arsène Lupin : du jeu au « je ». S.A « Années volées », roman de Anissa Bellefqih éditions L'Harmattan