Nabil El Bousaadi C'est à croire que, pour la Tatmadaw, cette junte birmane de sinistre mémoire qui n'arrête pas de faire parler d'elle ces derniers temps, tous les moyens sont bons pour faire taire toutes les voix discordantes et notamment celles des journalistes qui ont de plus en plus de mal à exercer leur métier puisque, d'après «Reporter sans frontières», 26 d'entre eux ont été arrêtés, 10 sont encore en détention et qu'un grand nombre, dont deux employés de l'agence chinoise Xinhua, sont la cible permanente de tirs de balles en caoutchouc. Dans une vidéo diffusée par le journaliste Kaung Myat Naing du média indépendant «Democratic Voice of Burma» sur son compte Facebook , peu après le couvre-feu de 20 heures du 1er mars dernier, et rapidement devenue virale sur les réseaux sociaux, en ce moment où la junte birmane s'acharne à réprimer violemment tous les manifestants anti-coup d'Etat, on voit la police encercler la maison de l'intéressé et tirer en sa direction sans que l'on puisse, toutefois, déterminer s'il s'agit de balles réelles ou de balles en caoutchouc et on entend ce dernier crier «Aidez-moi, s'il vous plaît, j'ai été blessé à la tête (...) Si vous me tirez dessus comme çà, comment-voulez-vous que je descende?». Un communiqué publié, quelques heures plus tard, sur le compte «Twitter» dudit journal, rapportera que la police a procédé à l'arrestation de Kaung Myat Naing et qu'elle a emmené celui-ci vers une destination inconnue. Et si, par ailleurs, d'après les chiffres communiqués par l'ONU, au moins 54 personnes seraient mortes – dont 4 mineurs, d'après l'ONG «Save the children» – que plusieurs dizaines auraient été blessées et que plus de 1700 ont été arrêtées depuis le coup d'Etat du 1er Février dernier, le recours, par la Tatmadaw, à cette folie meurtrière est là pour confirmer que cette dernière reste fermement déterminée à éteindre, à n'importe quel prix, le vent de fronde qui souffle sur le pays sans craindre d'être tenue pour responsable de ses actes. D'ailleurs, durant la seule journée de dimanche, 1.300 personnes ont été interpelées selon MRTV qui a, également, signalé que plus de 500 prisonniers ont été relâchés ce jour-là sans préciser, toutefois, s'il s'agit de détenus de droit commun emprisonnés avant le putsch du 1er Février ou de prisonniers politiques interpelés après le Coup d'Etat. En outre, malgré l'important déploiement des forces de l'ordre, une foule très importante a participé, jeudi, à Mandalay dans le centre du pays, aux obsèques de Kyal Sin, cette jeune femme de 19 ans qui, après avoir été mortellement touchée la veille par un tir des forces de police, est devenue un symbole en Birmanie et une icône du mouvement de révolte anti-Coup d'Etat à telle enseigne que l'organe officiel du régime, le «Global New Light of Myanmar», a annoncé qu'une enquête aurait été ouverte pour déterminer les causes exactes de sa mort et qu'une photo circulant sur les réseaux sociaux, prise quelques instants avant sa mort, montre la jeune femme souriant et portant un t-shirt blanc sur lequel est écrit «Tout ira bien !». Elle avait tort, malheureusement, car tout a mal tourné pour elle et qu'elle en est arrivée jusqu'à perdre la vie. Tout cela a fait que ce jeudi, les Etats-Unis ont annoncé de nouvelles sanctions contre la Birmanie. Ainsi, le ministère américain du Commerce a signalé, dans un communiqué, avoir imposé de «nouvelles restrictions aux exportations» vers le pays et avoir inscrit, sur sa liste noire, les ministères birmans de la Défense et de l'Intérieur du fait de leur implication dans le coup d'Etat du 1er Février dernier ainsi que «deux entités commerciales détenues et gérées par le ministère de la Défense». Mais si ces mesures sont venues s'ajouter aux sanctions financières déjà imposées par Washington aux chefs de la junte militaire responsable du Coup d'Etat ayant évincé Aung San Suu Kyi et son gouvernement, Pékin et Moscou, alliés traditionnels de l'armée birmane considèrent, de leur côté, que le putsch du 1er Février est «une affaire intérieure» dans laquelle l'ancienne dirigeante est visée par quatre chefs d'inculpation dont, principalement, l'«incitation à des troubles publics». En donnant ainsi plus d'assurance à la junte birmane, le soutien qui lui est apporté par ces deux poids lourds que sont la Chine et de la Russie ne risque-t-il pas d'ajouter de l'huile sur le feu, de faire perdurer la crise et d'annihiler tous les espoirs de démocratisation du pays ? Attendons pour voir...