«Ce verdict ridicule montre la peur de Hun Sen qui veut m'éliminer de la scène politique cambodgienne parce qu'il sait que si les élections étaient libres et démocratiques, son régime dictatorial ne ferait pas long feu». C'est ce qu'a déclaré, sur son compte Facebook, Sam Rainsy, après que le tribunal de Phnom Penh, qu'il accuse de collusion avec le pouvoir, l'ait condamné, par contumace ce lundi, à vingt-cinq années d'emprisonnement. Ancien dirigeant du Parti du Sauvetage National du Cambodge (PSNC), dissous en 2018, quelques mois à peine avant les élections du mois de Juillet de la même année à la suite d'accusations selon lesquelles ses dirigeants auraient voulu renverser le pouvoir du Premier ministre alors qu'il était devenue la principale formation politique d'opposition au Parti du Peuple Cambodgien (PPC) du Premier ministre Hun Sen, Sam Rainsy s'était exilé en France pour éviter d'être emprisonné pour diverses autres condamnations qui, selon lui, seraient motivées par des raisons politiques. A cette peine d'emprisonnement, s'est ajoutée la privation du droit de vote aussi bien en tant qu'électeur qu'en tant que candidat mais également la « déchéance de nationalité » dès lors que Sam Rainsy avait la double-nationalité cambodgienne et française. Huit autres anciens dirigeants du PSNC ont, également, été condamnés, ce 1er mars 2021, à des peines allant de 20 à 22 années d'emprisonnement pour atteintes aux « institutions du royaume du Cambodge et à l'intégrité du territoire national ». Parmi ceux-ci, la vice-présidente du parti, Mu Sochua, une américano-cambodgienne, qui a écopé de 22 ans de prison. Pour rappel, en remportant 55 sièges aux élections législatives de 2013, soit à peine 13 de moins que le PPC du Premier ministre qui domine la vie politique cambodgienne depuis 1979, le PSNC avait fait vaciller le pouvoir de Hun Sen. Au cours de ce procès de masse qui a été dénoncé par un grand nombre d'organisations de défense des droits humains car « politiquement motivé », ce sont 150 opposants au régime, majoritairement liés au PSNC, qui ont été jugés alors même qu'un grand nombre d'entre eux sont poursuivis pour le seul fait d'avoir partagé, sur les réseaux sociaux, des messages appelant au retour de Sam Rainsy au Cambodge. Il y a lieu de signaler, également, qu'outre Sam Rainsy, plusieurs autres figures politiques ont fui le pays par crainte d'être arrêtés. C'est le cas, notamment, de Kem Sokha, l'autre co-fondateur du PSNC, qui est visé par une procédure pour « trahison » après avoir été accusé d'avoir voulu renverser le gouvernement mais dont le procès est sans cesse reporté depuis mars 2020. Interrogé par RFI, après la condamnation dont il a fait l'objet ce lundi, Sam Rainsy, qui estime que la décision prise par le tribunal de Phnom Penh « est un aveu de faiblesse de Hun Sen », a tenu à préciser : « Je suis habitué. J'ai accumulé des condamnations qui se montent à des dizaines d'années, presque cent ans de prison. On m'accuse de sédition, de vouloir renverser le gouvernement, de menaces à l'ordre public et à la sécurité du pays (...) juste pour m'écarter de la scène politique au Cambodge et pour que je ne puisse pas me présenter aux prochaines élections parce que mon parti, mes collègues et moi-même nous représentons un danger pour le régime de M. Hun Sen. » Au vu de tout cela, est-il permis de croire que Sam Rainsy retournera, un jour, au Cambodge comme le réclament ses partisans et comme le souhaitent de nombreuses organisations de défense des droits humains à travers le monde alors que le Premier ministre cambodgien a déclaré, haut et fort, qu'il considèrerait son retour au pays comme étant une « tentative de coup d'Etat » ? Très peu probable tant que Hun Sen est au pouvoir, sauf imprévu, mais attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI