Ce dimanche, 8,3 millions de cambodgiens ayant «choisi la voie de la démocratie», selon le premier ministre Hun Sen, aux commandes du pays depuis 33 ans, ont été appelés aux urnes au titre de nouvelles élections législatives. Et même si les résultats définitifs ne seront officialisés que le 15 Août prochain, le soir même et au lendemain d'élections entièrement contrôlées par le régime, le Parti du Peuple Cambodgien (PPC), au pouvoir, a annoncé, par la voix de son porte-parole SokEysan, avoir remporté les 125 sièges du Parlement. Le porte-parole du PPC a justifié ce raz-de-marée par le fait que le peuple cambodgien aurait donné, à l'homme fort du pays, «un soutien écrasant (et) une nouvelle chance de poursuivre sa mission historique». Or, la réalité est tout autre car la principale force d'opposition au régime – à savoir, le Cambodge National Rescue Party (CNRP) qui avait remporté plus de 44% des voix aux législatives de 2013 – a été dissoute en novembre dernier et son fondateur forcé à l'exil pour éviter la prison. Aussi, la consultation de ce dimanche avait plutôt l'air d'un plébiscite. Déplorant «la mort de la démocratie» et l'avènement d'un «jour sombre» dans l'histoire du Cambodge, Sam Rainsy, le fondateur du CNRP, qui avait appelé au boycott du scrutin. a déclaré que « pour la première fois depuis les élections organisées par l'ONU en 1993, le Cambodge n'a plus de gouvernement légitime reconnu comme tel par la communauté internationale». Rainsy a exhorté le gouvernement de Hun Sen «à reconnaître les droits civils fondamentaux du peuple cambodgien, à rétablir les libertés d'expression (et) à libérer Kem Sokha», le chef du CNRP, emprisonné depuis onze mois après avoir été accusé d'avoir tenté, avec l'aide de Washington, de renverser le gouvernement. Ainsi, à l'exception de Pékin, fidèle allié du régime de Phnom Penh ayant investi plus de 4,5 milliards d'euros au Cambodge ces cinq dernières années et qui, par la voix du porte-parole de son ministère des Affaires étrangères, a adressé ses «sincères félicitations » et émis le souhait de voir le peuple-frère cambodgien «accomplir de grandes réalisations dans son développement», la communauté internationale est d'un autre avis. Aussi, le ministère canadien des Affaires étrangères a-t-il déclaré, dans un communiqué, que «de très nombreux observateurs ont constaté que la campagne électorale a été assombrie par l'intimidation des électeurs et la manipulation des urnes». Washington qui, avec Bruxelles, avait refusé d'apporter son soutien à l'organisation de ce scrutin, a déclaré, dans un communiqué, que ces élections ne sont «ni libres ni équitables». Pour la Maison Blanche, celles-ci sont plutôt le revers le plus cinglant au système démocratique défini par la constitution cambodgienne». Raison pour laquelle, le gouvernement américain prévoit de réfléchir à «un accroissement significatif» des restrictions de visas à l'encontre de certains responsables cambodgiens» alors que plusieurs observateurs seraient tentés par l'application de sanctions commerciales et financières à l'encontre du Cambodge qui, par le passé, avait bénéficié «d'immenses programmes d'aides au développement» en guise de soutien à sa marche vers l'économie de marché. Enfin, pour Federica Mogherini, la cheffe de la diplomatie européenne, cette élection «n'est pas représentative de la volonté démocratique de l'électorat cambodgien et ses résultats manquent de crédibilité». Que va donc faire la communauté internationale, se demande, de son côté, Phil Robertson, le Directeur-Adjoint de Human Rights Watch pour l'Asie ? Attendons pour voir...