Présidentielles en Equateur : Ce dimanche, en pleine nuit et après une séance marathon qui avait débuté la veille au matin, le Conseil national électoral équatorien a annoncé qu'à l'issue du premier tour de l'élection présidentielle du 7 février dernier, ce sont le socialiste Andrés Arauz, 36 ans, poulain de l'ancien président Rafael Correa et le conservateur Guillermo Lasso, 65 ans, qui a fait carrière dans les affaires et la banque et qui incarne « l'anticorréisme de droite » qui s'affronteront le 11 Avril prochain, lors du deuxième tour de ce scrutin après avoir recueilli respectivement 32,72 % et 19,74% des suffrages exprimés. Le vainqueur succèdera, alors, le 24 mai prochain, au président sortant, Lenin Moreno, ancien allié du président Correa (2007-2017), un personnage charismatique, énergique et « dictatorial », selon ses ennemis, qui vit en exil en Belgique après avoir été condamné à huit années d'emprisonnement pour financement illicite de partis politiques mais qui continue, néanmoins, de dominer la scène politique équatorienne. Mais en obtenant 19,39% des voix, leur poursuivant immédiat, le leader écologiste de gauche Yaku Pérez, un avocat issu des « mouvements des citoyens indigènes » et représentant le parti « Pachakutik », a dénoncé une manipulation des résultats au profit du candidat de droite alors que ses partisans étaient persuadés qu'il allait créer la surprise. Il s'en est donc fallu de peu puisqu'il ne lui manquait (officiellement) que quelques 32.000 voix : « Au troisième jour [après le scrutin], nous étions à la deuxième place et, au quatrième, ils nous mettent à la troisième place. C'est de la fraude ! » Si le candidat autochtone a haussé le ton c'est aussi parce que c'est bien la première fois que, dans une élection présidentielle équatorienne, le candidat indigène est allé aussi loin alors même que 40% des équatoriens auraient des origines indigènes et que d'après le recensement de 2018, la population indigène ne dépasse pas 7% des 17,4 millions d'habitants que compte le pays. Fort de son droit, le leader indigène Yaku Pérez avait demandé au Conseil national électoral de procéder à un nouveau décompte des voix. Mais bien que le CNE se soit engagé, par écrit, à vérifier 45% des bulletins, il s'est rétracté ce mercredi. Raison pour laquelle même s'il a encore la possibilité de contester ces résultats devant les tribunaux, Yaku Pérez a choisi de s'y prendre autrement en entamant, le jour-même et avec plusieurs de ses partisans, une « marche pour la démocratie » depuis la ville de Loja, dans le sud du pays près de la frontière avec le Pérou afin de rallier Quito, la capitale, ce mardi. Le leader autochtone a promis « des fleuves de personnes » pour dénoncer la fraude qui a entaché le scrutin et rappeler que le vote des autochtones « ne se vole pas ». Au cours de cette importante marche, le candidat des indigènes compte, également, reprendre le thème principal de sa campagne qui avait trait au droit à l'eau car celui-ci doit être défendu avec force face à l'appétit vorace du secteur privé. Enfin, si en plus du président, le 7 février dernier les 13,1 millions d'équatoriens étaient également appelés à désigner les 137 députés de leur parlement monocaméral, force est de reconnaître qu'aucun parti n'y a remporté la majorité et qu'à ce titre ce sont les « corréistes» qui, avec une cinquantaine de sièges, demeureront la principale force politique d'un pays durement frappé, d'un côté, par la crise sanitaire du nouveau coronavirus et, de l'autre, par l'instabilité des cours du pétrole. Si nous ajoutons à cela cette « éviction » malheureuse du candidat autochtone que ni lui ni ses partisans n'entendent laisser passer, de quoi demain sera-t-il fait dans ce petit Etat andin qu'est l'Equateur ? Attendons pour voir.... Nabil EL BOUSAADI