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Abdelaziz Adnane : «L'assurance maladie obligatoire est à la croisée des chemins»
Publié dans Albayane le 15 - 07 - 2010

Dans ce round-up, le Directeur de la CNOPS fait le bilan de 5 ans d'assurance maladie obligatoire dans le secteur public. Amélioration de la qualité de service, équilibre budgétaire, modernisation de la gestion, etc. sont évoqués par M. Abdelaziz ADNANE qui veut repositionner la CNOPS en tant qu'acheteur averti des médicaments, des actes de biologie et des tarifs de référence pour pérenniser une AMO qui présente déjà des signes d'essoufflement.
Al Bayane : L'assurance maladie obligatoire aura 5 ans le 18 août prochain, quel bilan la CNOPS tire de cette expérience ?
M. Adnane : L'impact de l'assurance maladie obligatoire dans le secteur public peut être apprécié sur 6 axes. Le premier axe est le flux financier du régime qui a connu une accélération très importante. En 2009, nous avons recouvré 3.4 milliards de DH, contre 1.4 milliard de DH avant l'AMO et sur les 5 dernières années, nous avons franchi le cap de 11 milliards de DH de paiements aux assurés et aux producteurs de soins. En affinant, les cliniques privées et les biologistes ont multiplié leur chiffre d'affaires par 3 ou 4 fois grâce à l'AMO, contrairement au secteur public qui ne capte que 10% de nos paiements directs.
Le deuxième axe est la qualité de service. La CNOPS rembourse les honoraires des médecins privés et généralistes sur la base de la tarification nationale de référence. En plus clair, l'assuré de 2004 était remboursé à 20 DH sa visite chez un médecin spécialiste, soit généralement 10% de la valeur réelle des frais engagés qui sont généralement de 200 DH. Depuis janvier dernier, le remboursement est de 120DH, soit 80% des frais. Autre élément significatif. Pour tout acte de biologie, l'assuré avant 2007 devait se déplacer à Rabat et à Casablanca pour bénéficier de la prise en charge. Actuellement, l'assuré à un éventail de choix entre 200 biologistes chez qui il peut demander la prise en charge de tout acte dépassant un seuil déterminé.
Le troisième axe est la proximité. La CNOPS dispose actuellement de 6 délégations et elle a obtenu une autorisation de son Conseil d'administration pour ouvrir 7 autres, dont des représentations à Ouarzazate, Beni Mellal, Nador, El Jadida et d'autres villes. A l'appui, la CNOPS a mis en ligne 9 services qui permettent aux assurés de suivre l'évolution des remboursements, de mettre à jour leur situation administrative, de s'enquérir des médicaments remboursables et des médecins conventionnés. Le site connaît un engouement sans précédent pouvant atteindre 800 000 visites dans un mois et c'est à juste titre que la CNOPS a été primée du Trophée Emtiaz d'encouragement en 2008 pour la qualité, la proximité et la transparence de ses services électroniques.
Le quatrième axe concerne les délais. Quatre mutuelles sont à moins d'un mois et les quatre autres sont au dessous du délai légal. Ceux qui s'en souviennent, les délais dépassaient une année chez la plupart des mutuelles. C'est une priorité pour nous que d'aligner toutes les mutuelles sur un remboursement à 21 jours et nous avons mobilisé toutes nos ressources dans le cadre de la gestion axée sur les résultats, la nouvelle approche stratégique participative avec les mutuelles adoptée par la CNOPS.
Le dernier axe est le repositionnement de la CNOPS en tant qu'acheteur averti. A cet égard, nous avons œuvré pour la baisse des prix des médicaments qui consomment 43% de nos ressources. Nous avons ciblé en priorité les médicaments coûteux car la population déclarée porteuse d'ALD a atteint 63 000 personnes qui consomment environ un milliard de DH annuellement. Nous avons également déclenché une réflexion sur le prix et la cotation des actes de biologie qui sont exorbitants, sans parler des tarifs conventionnels que nous voulons indexer sur la maîtrise médicalisée des dépenses de soins de santé et particulièrement sur le générique.
Le régime se porte-t-il donc bien ?
Pas forcément. Selon une étude actuarielle interne, la CNOPS risque de connaître le déficit technique en 2013. Nous serons obligés de recourir à nos réserves techniques pour assurer la pérennité jusqu'à 2019. On serait tenté de croire que le compte est bon. Il en est autrement car la population des retraités pèse très lourd et a atteint 25% de l'ensemble des assurés. De même, les propositions tarifaires d'une partie des producteurs de soins grèveront le déficit dans les comptes de la CNOPS à partir de 2010, ceci sans aborder le plafonnement des cotisations à 400 DH et l'impact du départ volontaire qui coûterait globalement à la CNOPS, selon une étude actuarielle externe, près de 2 milliards de DH. Nous sommes donc face à des enjeux de taille qui interpellent l'avenir de l'AMO. Faut –il continuer sur le trend actuel quand les cotisations des 5 premiers mois de 2010 ont juste suffi à couvrir les paiements effectués en soins ambulatoires et prise en charge directe ? Ne faut-il pas équilibrer les dépenses entre secteurs public et privé dans les paiements de la CNOPS ? Ne faut-il pas trouver d'autres sources de financements, comme la révision des cotisations et leur déplafonnement car la première étude actuarielle de 2004 avait tablé sur un taux de 6% déplafonné et révisable annuellement à hauteur de 0.2% ? Ne faut-il pas être prudent quand aux demandes de certaines mutuelles internes, structurellement déficitaires, de basculer vers l'AMO au risque d'en plomber l'équilibre financier ? Ne faut-il pas adopter des mécanismes de maîtrise médicalisée des dépenses, mieux gérer le risque de fraudes, encadrer l'évolution des tarifs, revoir les prix des intrants comme la biologie, la radiologie ? Ne faut-il pas cesser les renouvellements des AMM jusqu'à l'alignement des génériques sur les princeps ?
Nous sommes donc face à des questionnements qui interpellent l'avenir de l'AMO. Bien sûr, nous assistons avec intérêt au débat sur les marges des pharmaciens pour les médicaments coûteux et les pistes pour développer le générique et nous saluons les efforts engagés par le ministère de la Santé qui a pris à bras le corps la questions des médicaments pour en trouver des solutions en faveur des citoyens, toujours est-il qu'après 5 ans, l'AMO est à la croisée des chemins et il faut mettre en place une commission interministérielle pour l'avenir de la couverture médicale de base
La CNOPS continue à gérer une pharmacie et cela ne semble pas plaire à beaucoup ?
Effectivement, la CNOPS gère une pharmacie qui, depuis le 18 août 2008, devait être fermée. Ceux qui voient dans cette fermeture un simple acte de gestion doivent revenir à un raisonnement meilleur. Les prix des médicaments connaissent des fluctuations très importantes, en tout cas supérieures aux prix d'acquisition de la CNOPS. Si nous avions fermé cette pharmacie qui a coûté 423 millions de DH en achats de médicaments coûteux, nous devrions subir une majoration de 2 à 3 fois les prix en vigueur au niveau de notre pharmacie. De plus, il faut savoir que les spécialités dans cette pharmacie ne sont disponibles dans aucune des officines et exigent le respect de la chaîne du froid,
C'est pour cela que nous avons, d'une part, instauré le principe du tiers payant contre le générique, c'est-à-dire que nous achetons seulement le médicament générique. De même, nous avons démarré un cycle de contacts avec les gros prescripteurs pour les amener à opter pour le générique car il est anormal que dans le contexte de la crise que secoue le monde entier, nous nous permettons le luxe du princeps et de confiner le générique à 25% de taux de pénétration. Certes, nous allons fermer cette pharmacie à partir de la fin de l'année, mais nous devrions être sûrs que l'environnement est propice pour le faire.
L'heure des grands choix en AMO a sonné, il me semble. Soit nous allons continuer dans un trend dépensier incontrôlé où la solidarité des 2.7 millions assurés de la CNOPS serait incapable de financer le rythme et le poids du système, d'où l'implosion programmé de la couverture médicale de base, soit nous allons, tous ensemble, travailler, dans la sérénité et la responsabilité, sur les leviers qui nous permettront d'améliorer davantage la qualité de service, sauvegarder la pérennité du régime et rémunérer, d'une manière juste et efficiente, l'ensemble des acteurs.
Avez-vous le sentiment que la CNOPS a changé en ces 5 ans ?
J'en ai la conviction. D'abord, un bureau international a évalué notre Plan d'action stratégique 2006-2009 et il a conclu que le taux de réalisation de nos projets est très élevé. En 2010, nous avons adopté la démarche de la gestion axée sur les résultats qui est une forme évoluée de la planification qui mobilise les moyens aux services des résultats. Nos objectifs sont de qualité. Il s'agit d'améliorer l'accueil, les délais de prise en charge, de remboursement des assurés, de paiements des prestataires, de remise des cartes d'immatriculation, de contrôle interne, etc. Nous avons pris un engagement ferme auprès de notre Conseil d'administration pour réaliser ces objectifs à l'aune desquels notre bilan de gestion sera mesuré.
Parallèlement, la CNOPS a lancé des projets stratégiques tels l'étude actuarielle de l'AMO dans le secteur public, le Plan d'action stratégique 2010-2014, le schéma directeur, ainsi que des projets de modernisation de la gestion interne : ressources humaines, approvisionnements, etc. Bien sûr, c'est le climat d'appui CNOPS et mutuelles qui favorise ce nouvel état d'esprit et si nous nous pouvons qu'être satisfaits des réalisations tout au long des 5 dernières années, comme l'ont attesté tous les acteurs de la couverture médicale de base, soyons vigilants à ne pas mettre en péril l'édifice et abordons toutes les pistes qui permettent à nos assurés et à tous les citoyens un meilleur et équitable accès aux soins de santé dans les secteurs public et privé.
Vos ressources humaines ont-ils senti le changement ?
Nos ressources humaines ont montré l'exemple de l'adhésion au régime d'AMO. Avec l'entrée en vigueur, nous devions immatriculer, en un laps de temps réduit, plus de 250 000 nouveaux assurés. On devait également développer notre système d'information, nos process et procédures de gestion et réorganiser la Caisse. Nos ressources humaines se sont acquittées de leur mission avec abnégation et responsabilité malgré les conditions très difficiles du travail. De ce fait, nous sommes déterminés à trouver un nouveau siège et surtout à mettre en place un nouveau statut plus rémunérateur pour l'ensemble des employés. De même, nous entendons développer nos œuvres sociales et la formation continue. L'année 2010 sera charnière pour le social à la CNOPS et nous espérons faire aboutir tous les projets RH en récompense à ce personnel qui porte en lui la culture de la mutualité et les défis de réussir la couverture médicale de base.
Le panier de soins
La CNOPS assure les risques maladie à des taux très élevés :
= 70% du prix public au Maroc (PPM) des médicaments remboursables. Les mutuelles ajoutent 16% (soit un total remboursement de 86%) dans le cadre de la couverture complémentaire
= 80% de la tarification nationale de référence (TNR) pour les soins ambulatoires comme les consultations, analyses biologiques et radiologiques, etc.
= 90% de la TNR pour les hospitalisations dans le secteur privé. L'assuré paye 10% qui est mentionné dans l'accord de prise en charge délivré par la CNOPS
= 100% de la TNR pour les hospitalisations dans le secteur public
= 100% du PPM pour les médicaments liés à des affections de longue durée. L'assuré doit auparavant se déclarer porteur d'une ALD pour bénéficier de cette exonération.
La plupart des risques lourds (dialyse, chimiothérapie, cardiologie, hospitalisation, médicaments coûteux, etc.) sont pris en charge directement par la CNOPS dans le cadre de ce qu'il est communément appelé le tiers payant. Les soins de ville ou ambulatoires (vaccins, médicaments, dispositifs médicaux, radiologie, etc.) sont pris en charge par l'assuré et remboursés ultérieurement via la mutuelle de l'assuré.
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Licences obligatoires : A creuser !
Le système de licence obligatoire autorise l'utilisation temporaire d'un brevet sans l'accord de son détenteur et permet la fabrication de la formule générique d'un médicament. L'Accord sur les ADPIC n'énumère pas expressément les raisons qui peuvent justifier des licences obligatoires. Quant à la Déclaration de Doha sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique, elle confirme que les pays sont libres de déterminer les motifs pour lesquels des licences obligatoires sont accordées. Le Brésil et l'Afrique du Sud ont tenté l'expérience des licences obligatoires, mais c'est la Thaïlande qui a le plus suscité le débat au niveau mondial en 2006 et 2007 en utilisant cet outil juridique pour deux antirétroviraux même si l'un des laboratoires a proposé de réduire le prix d'un antirétroviral de 7500 à 500 dollars dans 24 pays africains. A méditer !
Le trend haussier
Les paiements effectués par la CNOPS soit directement aux producteurs de soins (Tiers payant), soit en remboursement ambulatoires des frais engagés des assurés (SA)


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