Les trois grands chantiers annoncés dans le dernier Discours du trône, viennent d'être exposés avec plus de détails par le Ministre de l'Economie, des Finances et de la réforme de l'administration lors d'une rencontre avec la presse le 4 aout dernier. On en sait un peu plus sur le contenu du Plan de relance notamment au niveau de son montage financier ainsi que sur les différentes étapes de la réalisation de la couverture sociale universelle et de la réforme des établissements et entreprises publics. L'architecture d'ensemble de ces trois chantiers, qui vont marquer le «Maroc d'après», est tracée, il convient désormais d'aller dans les détails et de passer à leur opérationnalisation effective. Pour le plan de relance, c'est pratiquement déjà fait. En quoi consiste ce plan de relance ambitieux d'un montant de 120 MM DH ? Qui fera quoi? D'après l'exposé présenté par Mr Benchaaboun, le secteur bancaire est appelé à débloquer la somme de 75 MM DH sous forme de crédit à l'entreprise, y compris l'entreprise publique, avec une garantie de la CCG (transformée en «Société Nationale de Garantie et du Financement de l'Entreprise») de 5 MM DH qui seront transférés à partir du Fonds Covid-19. Les 45 MM DH restants seront apportés par l'Etat et affectés au Fonds d'investissement stratégique à créer sous forme d'un CAS (Compte d'Affectation Spéciale): 15 MM vont être versés à partir de la loi de finances rectificative 2020 et 30 MM seront mobilisés par le Trésor sur le marché national et international. Ce qui signifie que le Trésor va s'endetter de 30 Milliards aggravant ainsi l'endettement public de 3 points additionnels. Le Fonds d'investissement stratégique aura une double mission : financer directement des projets d'investissement en faisant appel au partenariat public privé (PPP); renforcer en capitaux des entreprises aux fins de leur développement. Ce qui signifie que l'Etat peut, par le biais dudit Fonds, prendre des participations et détenir des actifs dans certaines entreprises en difficulté. Cette formule, qui est de plus en plus utilisée de nos jours, est de loin préférable à l'octroi des prêts. Elle a l'avantage d'enrichir l'Etat au lieu de l'appauvrir. Dans la foulée, ces mesures ont été traduites dans le cadre d'un «Pacte pour le relance économique et l'emploi», lequel a fait l'objet d'une signature le 6 aout dernier, par les trois parties prenantes: le Ministre des Finances, le Président de la CGEM et le Président du GPBM. En vertu de ce Pacte, chacune des parties s'est engagée à respecter ce qui relève de son ressort. Ainsi, L'Etat s'engage à mobiliser la somme de 120 MM DH pour accompagner la relance économique, en déclinant, chemin faisant, l'affectation de ce montant selon le schéma déjà arrêté. Il est question de prendre le relais du mécanisme «Damane Oxygène» en le faisant éclater en «Relance TPE» dédié aux entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 10 MDH et «Damane Relance» destiné aux entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 10 M DH. Par ailleurs, le programme «intelaka» qui intéresse la très petite entreprise, les jeunes entreprises innovantes et l'auto-entreprenariat lancé avant la pandémie se voit de nouveau réactivé. Enfin, l'accent est mis sur la stimulation de la demande en donnant la priorité à la «préférence nationale» tout en respectant, ce faisant, les engagements du Maroc vis-à-vis de l'OMC et de ses partenaires avec lesquels il est lié par des ALE. Pour sa part, la CGEM a pris une série d'engagements consistant notamment à : renforcer les règles sanitaires, préserver au moins 80% des emplois, faire bénéficier tous les travailleurs de la couverture sociale, respecter les dispositions législatives et réglementaires en matière fiscale, sociale et environnementale, valoriser le produit local... Pour ce qui est du GPBM, il s'engage à distribuer de manière fluide les outils d'intervention de l'Etat et contribuer activement à la relance du programme «intelaka». S'il est prématuré de porter une première appréciation d'ensemble sur ce plan qui est effectivement ambitieux, eu égard aux moyens modestes du Maroc, il y a lieu souligner dès à présent la nécessité d'une mobilisation nationale associant l'ensemble des forces vives du pays et en premier lieu les partenaires sociaux. On relèvera, cependant, que le Chef du Gouvernement est quasiment absent si l'on exclut la réunion de concertation qu'il a eue dernièrement avec un groupe d'Economistes et d'experts Marocains en vue, semble-t-il, de recueillir leurs propositions. Mais, nous avons mille raisons de croire que c'était juste pour donner l'impression d'être là. D'ailleurs, on aimerait bien savoir l'usage que le Chef du Gouvernement a fait des propositions qui lui ont été adressées par différentes organisations politiques, syndicales et associatives au sujet de la relance, il y a plus de deux mois ! Aussi, jusqu'à présent, l'impression qui se dégage à la lecture du «Pacte pour la relance et l'emploi», et du «contrat-programme 2020-2022 relatif au secteur touristique n'est pas entièrement rassurante. On constate que les réflexes du passé et les méthodes surannées prennent le dessus sur les méthodes innovantes en phase avec les exigences du moment, réduisant à néant toute velléité réformatrice. Heureusement qu'il y a ce vaste projet de la généralisation de la couverture sociale universelle qui nous donne raison d'espérer! La crise que nous traversons, faut-il le rappeler, est profonde et risque de perdurer surtout avec l'aggravation de la situation sanitaire dont personne ne peut entrevoir l'issue. Sans sous-estimer le travail colossal accompli avec détermination et dépassement de soi par certains départements ministériels, nous pensons, en toute sincérité, que tout le monde n'est pas au même niveau de mobilisation et nous sommes bien en deçà de notre potentiel. C'est bien dommage...