Arrêtée en Juin 2019 en compagnie de Roland Marchal, chercheur français spécialiste de l'Afrique orientale au Centre de Recherches Internationales (CERI) de Sciences-Po Paris, venu lui rendre visite à Téhéran et libéré en mars dernier au terme d'un échange avec un ingénieur iranien détenu en France et menacé d'extradition vers les Etats-Unis, l'anthropologue franco-iranienne, spécialiste du chiisme, Fariba Adelkhah, 61 ans, a été condamnée, par la 15ème chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, à cinq années d'emprisonnement pour «collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale» et à une année pour «propagande contre le système» politique iranien. C'est ce qu'a annoncé, ce samedi, son avocat Maître Said Dehghan qui, le 19 avril dernier avait formulé le souhait de la voir bénéficier d'une relaxe dans la mesure où l'accusation de « propagande contre le système politique» dont elle a été inculpée se réfère à l'avis de la chercheuse sur le port du voile en Iran qui reste, avant tout, la remarque d'une universitaire et non point un jugement de valeur. Ce dernier a tenu à préciser, par ailleurs que si l'intéressée ne devra purger que la peine la plus longue des deux, celles-ci pourront, néanmoins, faire l'objet d'un appel. Ne reconnaissant pas la double-nationalité de la chercheuse qui a toujours clamé son innocence et qui a été très affaiblie par la grève de la faim de 49 jours qu'elle avait entamé le 24 décembre dernier en même temps que sa codétenue Kylie Moore-Gilbert, une universitaire australienne, l'Iran, resté sourd aux requêtes de Paris, a finalement condamné Fariba Adelkhah au terme d'une procédure judiciaire « opaque » assimilée par, son comité de soutien, au « procès de Kafka ». L'anthropologue franco-iranienne dont les travaux font référence depuis plus de trente ans, s'est intéressée aux mutations de la société iranienne sous le régime des mollahs. Or, dans la république islamique d'Iran, cet exercice est très périlleux dès lors que les questions se rapportant aux femmes, aux classes défavorisées ou aux trafics transfrontaliers restent des thèmes très sensibles que le pouvoir n'aime pas voir «fouillés de trop près». D'ailleurs, Fariba Adelkhah était dans le viseur des services secrets iraniens depuis 2009 lorsque, pour dénoncer l'arrestation de Clotilde Reiss, une jeune lectrice de l'université française d'Ispahan accusée d'avoir participé à des manifestations contre le régime, elle avait écrit, dans une lettre ouverte, que «malgré l'opinion générale du moment, le chercheur n'est pas un agent des services de renseignements, pas plus qu'un James Bond ou un trafiquant. Le résultat de ses travaux diffère de celui des services secrets et il travaille à visage découvert. Il met ses résultats à la disposition de tous». La jeune lectrice fut alors renvoyée en France après avoir passé dix mois dans les geôles iraniennes et payé une amende de 230.000 euros. Enfin, au vu de ce qui précède, s'il n'est pas dit qu'en appel, la double-nationalité de Fariba Adelkhah va jouer en sa faveur et pousser les autorités de Téhéran à répondre favorablement aux requêtes de Paris en réduisant considérablement sa peine ; attendons pour voir…