Si dès l'apparition de la pandémie du Covid-19 qui a envahi la planète au début de cette nouvelle année, les chefs d'Etat du monde entier avaient unanimement mis en garde leurs concitoyens sur la gravité de cette crise sanitaire et sur l'impérieuse nécessité de s'unir pour en venir à bout, le président brésilien Jair Bolsonaro a été le seul à n'y voir qu'un «coup de froid», une «grippette» tout au plus, dira-t-il… Dédaignant le confinement voulu par le Ministre de la Santé qui, à ses yeux, ne va pas empêcher des morts puisque «des morts, il y en aura ; c'est la vie !», le président Bolsonaro a choisi d'accorder la priorité à la première économie d'Amérique latine car «l'effet [social] collatéral des mesures de lutte contre le virus ne peut pas être pire que la maladie»; des propos «irresponsables, insensés» et relevant d'un «faux dilemme» lira-t-on dans les colonnes du quotidien «O Estado de Sao Paulo» qui, à l'instar de plusieurs ministres, soutient le titulaire du portefeuille de la Santé, Luiz Henrique Mandetta. Ainsi, au lieu de « profiter » de l'occasion qui lui a été offerte par cette crise sanitaire mondiale pour préconiser «l'union sacrée» et mettre l'ensemble des brésiliens derrière lui, voilà que l'ancien député d'un parti de second rang, arrivé accidentellement à la tête du pays, s'est mis à dos une bonne frange de la population de la neuvième économie mondiale en critiquant les mesures de confinement prises par les Etats fédérés en application des recommandations faites par le ministère brésilien de la Santé suite aux directives de l'O.M.S. Isolé donc même dans son propre camp, Jair Bolsonaro, l'incontrôlable locataire du palais du Planalto, est parvenu ce jeudi soir, malgré l'opposition des généraux, à limoger le ministre de la Santé dont la popularité a commencé à lui faire de l'ombre. Représentés par neuf ministres au sein du gouvernement ceux-ci exercent, dans les faits, une certaine «tutelle» sur le chef de l'Etat à telle enseigne que, comme l'avait écrit l'éditorialiste Rosangela Bittar, il y a toujours eu «un consensus pour laisser Bolsonaro parler tout seul pendant que le Parlement, le Sénat, les ministères et les organismes de contrôle travaillent». Or, si pour le site spécialisé «DefesaNet», le général de réserve Walter Souza Braga Netto, chef du cabinet de la présidence et, à ce titre, principal ministre du gouvernement serait une sorte de «président opérationnel» qui peut, le cas échéant, aller à l'encontre des directives présidentielles force est de reconnaître que cette fois-ci c'est Bolsonaro qui a remporté la partie ; une courte victoire s'il en est mais une victoire quand même… Soucieux d'assouplir la quarantaine afin de permettre à la machine économique de continuer à tourner, le président Bolsonaro et son fils Flavio ont lancé, par ailleurs, sur les réseaux sociaux, le slogan «L'économie d'abord, les soins de santé après !» afin de pousser les gouverneurs à rouvrir les entreprises, les écoles et les commerces; une position qui convient à ses partisans, issus dans leur grande majorité de cette classe moyenne blanche qui peut faire appel à des cliniques privées en cas de maladie. Mais, en tout état de cause, tout cela n'a point été suffisant car l'on observe encore beaucoup de résistance. De nombreux gouverneurs, maires, députés du Congrès national et du Sénat ainsi que des membres de diverses organisations de la société civile font de la résistance et organisent une véritable campagne de désobéissance civile pour discréditer le président. Même l'armée qui l'avait aidé à accéder au pouvoir et qui le soutenait à bras-le-corps est en train de le laisser tomber. Enfin, pour Hélio Schwartsman, l'éditorialiste du quotidien au plus grand tirage, le «Folha de Sao Paulo», Jair Bolsonaro dont la gestion de la crise sanitaire est tellement défaillante qu'elle a provoqué une véritable levée de boucliers même dans son propre camp, serait «l'un des seuls dirigeants à ne pas avoir vu sa popularité progresser ». Combien de vies innocentes va coûter l'entêtement du président brésilien ? Attendons pour voir…