«Les partis doivent reconquérir le champ politique et la confiance des citoyens» Propos recueillis par : F.Z. Alaoui, K. Darfaf, M. Tafsi, N. Amrani Sans langue de bois et sans fard, Mohamed Nabil Benadallah livre dans cet entretien accordé à Al Bayane et à Lactu24.com, sa lecture de la situation politique et son analyse des défis actuels et à venir auxquels notre pays est confronté. En homme politique proactif et homme de terrain, Nabil Benabdallah continue de croire dur comme fer en la possibilité d'une reconquête de l'espace politique par les acteurs censés le remplir pour le dynamiser et redonner confiance aux citoyens. Il croit surtout que la gauche doit agir avec plus de punch et de vigueur, en rangs soudés, pour confirmer son statut de force alternative crédible et efficace devant la montée inquiétante des voix nihilistes, des populismes de tous bords et surtout du capital. Son franc-parler n'a pas épargné sa propre force politique et ses camarades qu'il appelle à une mobilisation tous azimuts dans les quartiers, les usines et les universités auprès des jeunes, des professionnels, des femmes et des ouvriers… brefs, auprès de toutes les forces vives et actives capables d'apporter un souffle nouveau au processus de l'édification démocratique. Le programme d'action du parti, baptisé « Enracinement et fusions », entériné à l'unanimité par la dernière session du Comité central du Parti, est une feuille de route claire et précise sur les moyens d'action que toutes les militantes et militants au sein de toutes les structures doivent adopter et dynamiser pour assurer au parti une forte présence au sein des instances élues aux niveaux local, régionale et nationale. « Je ne cesse de dire que la reconquête du champ et de nouveaux espaces est la mission aujourd'hui des forces politiques pour s'imposer comme forces principales du changement. C'est valable aussi pour le PPS qu'il soit au sein de la majorité, puisque le plan Attajador, «enracinement», dans sa première version a été conçu et adopté avant notre retrait du gouvernement, ou dans l'opposition, avec le plan «Enracinement et fusion» qui vient d'être mis en œuvre, alors qu'on est aujourd'hui dans l'opposition. Dans les deux cas, notre parti doit être dans la société, dans le mouvement social. Il doit rester un acteur principal du mouvement social. Les militants du parti doivent être présents dans les luttes et les combats de la société et, avec d'autres forces, nous puissions contribuer à l'émergence d'un mouvement social et citoyen qui puisse à son tour être un acteur majeur dans la mise en œuvre de la Constitution de 2011». Al Bayane: Après 20 ans de participation à l'action gouvernementale, comment comptez-vous gérer le retour à l'opposition? Mohamed Nabil Benabdallah: en principe, un parti politique, qui agit dans la légalité, a pour finalité de gouverner, de contribuer à la gestion de la chose publique en s'ingéniant à mettre en œuvre des solutions pragmatiques et efficaces. Pour l'histoire, après avoir passé plus de 50 ans dans l'opposition, nous avons décidé en 1998 de répondre favorablement à l'appel du feu SM le Roi Hassan II pour constituer ce qui a été désigné à l'époque par le gouvernement d'alternance consensuelle. Depuis, nous avons pris part aux différents gouvernements qui se sont succédé. Il faut souligner que l'apport des ministres du PPS y a été indéniable et ce à tous les étages, aussi bien au niveau des départements de l'Education que de ceux de la Santé, l'agriculture et la recherche scientifique, le développement Social, la Famille, ou encore la Communication, l'Emploi, l'Habitat la Culture et l'Eau… A tous les niveaux, les réalisations des ministres du PPS ne sont pas à démonter, sauf pour ceux qui soufrent d'amnésie ou tout bonnement exprime une attitude négative à l'égard de ce qui se passe dans le pays. En termes plus clairs, 'action des ministres du PPS qui a marqué les différents gouvernements. Et nous sommes fiers de le dire haut et fort d'autant que nos ministres étaient des personnes honnêtes, pleinement dévouées et ont marqué de leur empreinte l'action de l'Exécutif. Quelles sont les vraies raisons de votre retrait du gouvernement El Otmani? Alors que nous souhaitions que l'élan des réformes puisse répondre aux attentes sociales de plus en plus pressantes, c'est le contraire, malheureusement depuis l'avènement du gouvernement El Othmani, qui s'est produit. Ceci étant, un climat de rejet, voire d'inquiétude s'est installé presque chez toutes les catégories sociales y compris dans le milieu des affaires. Une telle situation a eu des effets pesants et extrêmement néfastes sur l'investissement. Autrement dit, les gens ne se sentent plus en confiance ç cause du vide politique qui devient inquiétant. C'est pour cela que nous avons appelé à un souffle démocratique nouveau. En dépit de cela, nos appels n'ont pas trouvé d‘échos favorables. Heureusement, il a fallu le discours du trône du 30 juillet 2019 pour qu'il y ait cet appel à un remaniement ministériel. Ce remaniement devait normalement interagir avec la vision royale en vue de redresser la situation économique et lui donner plus de punch et œuvrer pareillement pour une meilleure répartition de la richesse. Cependant, comme vous l'avez remarqué, au moment où l'on s'attendait à un gouvernement devant être composé de compétences nouvelles afin d'y remédier, permettez-moi de vous le dire, ce fut un échec. Qui plus est, il faut dire que ce gouvernement est déjà tombé dans les oubliettes. Personne n'en parle, si ce n'est que pour évoquer les divergences et les guerres intestines entre ses différentes composantes. Donc, nous n'avons plus rien à y faire et c'est la raison pour laquelle nous avons décidé de partir. S'agit-il d'une décision bien réfléchie? Je dois mettre l'accent sur le fait que le PPS avec sa volonté de réforme, son attachement à la démocratisation de notre pays a épuisé tout ce qu'il pouvait faire pour que le processus de la démocratisation et de la réforme puisse se poursuivre et soit mis sur de bons rails. Aujourd'hui, nous estimons que le train a déraillé. Nous avons choisi les rangs de l'opposition et nous l'assumons pleinement. La raison nous oblige de réagir immédiatement afin de répondre au vide politique qui donne lieu à un certain nombre d'expressions spontanées et non encadrées. Des expressions qui traduisent un mal-être et expriment un ras-le-bol à l'égard de l'inaction du gouvernement et qu'on les trouve que ce soit dans les tribunes des stades, les réseaux sociaux, entre autres… Pallier à une telle situation, requiert la mise en place d'une démarche compréhensive ayant pour objectif la « reconstruction du politique ». D'abord, il faut comprendre une chose, il n'y aura pas de développement possible, sans un champ politique fort, autonome, démocratique, qui puisse remplir les espaces vides. Je pense que notre message est entendu et j'espère que les autres forces politiques sauront faire preuve d'audace pour aller dans ce sens. Vous avez appelé, à maintes reprises, à la consécration d'un champ où les partis soient maîtres de leurs décisions. Peut-on en conclure que les partis politiques ne sont autonomes? Dans l'ensemble, notre champ politique assumait pleinement ses missions dans la première décade de ce siècle. Les choses allaient globalement de manière intéressante et dans les différents gouvernements qui se sont succédé. Ce constat s'applique parfaitement sur l'opposition. Cependant, il faut affirmer que le fait de vouloir intervenir dans le champ politique et imposer une force a été une catastrophe et a donné des résultats extrêmement négatifs. Je pense qu'aujourd'hui, il y a une prise de conscience à ce niveau et que face au vide qui existe, il y a une volonté de reconstruire. A partir du moment où cette volonté de reconstruire existe, c'est à nous les forces politiques d'agir. Nous devons aller résolument vers l'ouverture de nos rangs à des compétences nouvelles et interagir avec les nouvelles forces sociétales. Pour ce faire, nous sommes appelés à revoir notre modus operandi. Et ce n'est pas tout… En tant que partis politiques, nous sommes tenus à gagner notre autonomie et notre indépendance décisionnelle. Le PPS par rapport à d'autres partis se trouve déjà dans cette logique. Il a pris des coups, mais je crois qu'il y a une sorte de retour aux positions exprimées par notre parti et tant mieux. Cela peut traduire une reconnaissance à l'égard de nos positions et témoigne également de la véracité de nos positions. Qu'à cela ne tienne ! Ce qui importe pour nous, c'est comment faire en sorte pour que notre pays puisse, dans le cadre de la stabilité et du respect institutions établies, puisse franchir un nouveau pas vers une démocratisation réelle et la mise en œuvre des dispositions de la Constitution 2011 qui est mise de côté. Quelle est alors la principale entrée pour la réforme? Outre les forces politiques qui doivent assumer leurs rôles pour reconquérir des nouveaux espaces, les médias doivent nous apporter leur soutien. Il ne faut pas omettre que les médias, de manière générale, ont adopté un discours nihiliste et antipolitique qui est absolument dévastateur. Malheureusement, cela doit cesser… Nous sommes tous invités à reconstruire la confiance, c'est ce que nous avons dit lors de notre dernier Comité central. Il y a une crise de confiance dans notre pays et il faut recréer cette confiance pour mobiliser les citoyens et aller vers le meilleur. Autre point non moins important, c'est que nous discutons aujourd'hui d'un nouveau modèle de développement ; Au PPS, nous considérons que la porte d'entrée de tout nouveau modèle de développement est politique. La question qui s'impose alors, lorsque nous avons un nouveau modèle de développement qui veillera à la mise en œuvre de ces orientations ? ce sont les politiques. Qui va voter les lois au Parlement ? Evidement ce sont les politiques. Alors qu'on ne cherche pas à mettre de côté les politiques. Cela ne servira à rien et n'induira, par conséquent, que vers plus de désarroi et de vide. Notre devoir consiste à nous mettre, nous tous, la main à la patte et se défaire des attitudes négatives mettant toute la responsabilité sur le dos de l'Etat. Il y a peut-être des choses qui doivent venir d'en haut mais il y a des espaces à reconquérir par les partis politiques. Notre mission, en tant qu'acteurs politiques, nous oblige, dans le respect des institutions et des lois, à élargir les espaces des libertés, de la démocratie et œuvrer pour la consécration de la Constitution. Le but escompté est celui de mettre un terme à cette crise de confiance et de réaliser des progrès à différents niveaux et pour que notre peuple puisse bien vivre dans ce pays. On a l'impression aujourd'hui que le scénario du PAM se répète avec un autre parti qui se présente comma le favoris, ou plutôt «l'heureux élu» des élections de 2021? Ca ne marchera pas. Répéter les mêmes approches donnera inéluctablement les mêmes résultats. Le RNI se présente aujourd'hui comme une alternative, c'est son droit et nous le respectons. Nous considérons que ce parti à une histoire, un parcours. Les fondateurs de ce parti avaient d'excellents rapports avec notre parti, du temps de feu Ali Yata et la direction du PPS de l'époque. Nous avons continué d'avoir de bonnes relations notamment dans les gouvernements de Abderrahmane El Youssoufi, Driss Jettou, Abbes EL Fassi et relativement au sein du gouvernement dirigé par Abdelilah Benkirane. De notre côté, nous n'avons pas d'à priori négatif à l'égard du RNI, loin de là. Mais, qu'il nos soit permis de dire que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Aujourd'hui, rien ne peut être imposé à notre peuple. Tout doit venir par une action politique, profonde, responsable, militante, autrement dit par le consentement des différentes composantes de notre société. Si les choses se font ainsi, je ne peux que souhaiter bon vent au RNI. Si les choses se passent autrement, le projet ne réussira pas, comme le projet PAM n'a pas réussi. C'est mon avis et je l'exprime avec beaucoup d'amitié et de pondération. Aujourd'hui, nous ne comprenons pas que certaines composantes de l'actuel gouvernement qui se projettent déjà dans l'après 2021, font des annonces sur ce qu'elles pourront faire. J'ai eu l'occasion de leur dire «si vous êtes capables de faires quelques choses pour le pays, faites-le maintenant et sans attendre 2021 ?». Ceci à un moment où le besoin urgent de changement dans le pays. Ils oublient que de larges franges de la population vivent dans des conditions déplorables, des jeunes qui perdent espoir et l'expriment dans des termes graves et qui peuvent constituer un danger pour notre société. Nous sommes devant une crise de confiance. Pour toutes ces raisons, s'il y a quelqu'un qui a la capacité de faire mieux, qui peut apporter des réponses à tous ces problèmes, qu'il le fasse immédiatement et les gens le lui reconnaitront. On n'a pas besoin d'attendre 2021 pour agir. A travers leur attitude, nous pouvons en déduire que ces partis sont au gouvernement avec le dessin d'entraver l'action et le travail du parti majoritaire, c'est-à-dire le PJD. Ceci relève de la politique politicienne qui n'ira pas plus loin et on ne peut pas écarter la surprise, pour ces gens là du moins, de voir la même formation politique reconquérir la première place en 2021. Ceci confirme notre conviction quant à l'absence d'une action politique en profondeur. Cette mobilisation nécessaire pour conquérir le cœur des Marocains, d'aller dans les quartiers populaires, dans les universités, de rencontre avec les jeunes, avec les couches moyennes ou encore chez les professions. C'est sur le terrain que se fait un combat politique. Pour nous, notre parti le PPS, nous avons le courage et l'humilité de dire qu'on est encore loin d'être au niveau pour faire le nécessaire. Nous avons l'ambition d'occuper une place meilleure. Nous avons un projet politique qui peut représenter une alternative en terme politique. Mais nous reconnaissons que sur le plan organisationnel et de notre action de masse nous manquons de jus, de profondeur et nous allons remédier à cette carence. EN revanche, ceux qui ont la prétention de se poser en alternative, ils doivent d'abord conquérir le cœur des Marocains et c'est le plus difficile à faire. Ces dernières semaines ont connu la tenue de deux réunions de la Jeunesse Socialiste et la Jeunesse Istiqlalienne. Seraient-elles les prémices d'une alliance entre les deux partis? Pour que je sois clair, outre les réunions entre les organisations de jeunesse des deux partis, ce que vous ne savez pas, c'est que ces rencontres ont été précédées par deux réunions entre le Secrétaire général du PPS et son homologue du Parti de l'Istiqlal, il y a quelques mois. Nous nous sommes convenus à agir ensemble et ce de manière pondérée et profonde et sans effets d'annonces. Nous travaillons ensemble pour mettre en place les moyens d'action et voir dans quelles mesures nous pouvons agir ensemble mais aussi à élargir notre action à d'autres forces politiques. D'une manière ou d'une autre, nous considérons que le projet de réforme, de démocratisation et le rétablissement de la confiance, est un projet qui concerne plusieurs forces et qui doit nécessairement privilégier des politiques d'alliances qui soient créatives. Des alliances qui regroupent des forces qui jouissent encore de crédibilité auprès des citoyens, car il faut le dire d'autres forces ont perdu cette crédibilité. Le Parti de l'Istiqlal et le PPS font partie de ceux qui arrivent aujourd'hui à sortir leurs épingles du jeu. Nous souhaitons pouvoir éventuellement travailler avec d'autres forces lorsque les conditions s'y prêtent. Certainement, cela se fera progressivement. Ainsi, nous allons essayer de réfléchir ensemble sur le comment de notre action et les champs que nous pourrons privilégier pour développer une action commune. Dans votre projet d'alliances postélectorales, qu'en est-il des partis de gauche? Au sein du PPS, notre main a été toujours tendue vers les partis de gauche et restera toujours tendue. Il ne faut pas oublier que nous étions les premiers dans le pays à appeler à l'union de la gauche. Nous l'avons fait dans les années soixante alors que même avant cela nous avions privilégié l'appel à un front patriotique dans notre pays car il y avait à ce moment là principalement deux partis, à savoir l'Istiqlal et le parti communiste. Mais à partir de la scission qui s'est produite au sein du parti de l'Istiqlal fin 1959 et début 1960, il y avait l'émergence de l'Union nationale des forces populaires (UNFP). Ali Yata, à l'époque, au nom de la Direction du Parti, a adressé une lettre aux dirigeants de l'UNFP, dans laquelle il demande la construction d'un front de gauche. Malheureusement, il n'y a pas eu de réponse, comme ce fut le cas d'ailleurs pour beaucoup de nos lettres, qui ont été envoyées par la suite à la Direction de l'Union socialiste des forces populaires (USFP). Je dois insister sur le fait que nous sommes partisans de cette union de gauche. Je dois également souligner qu'il y a un certain nombre de courants de gauche, notamment au sein de la Fédération de la gauche démocratique (FDG), avec qui nous souhaitions pouvoir agir ensemble. Agir ensemble, c'est se focaliser sur le présent dans le dessein de s'orienter vers l'avenir. Il ne s'agit point de ressasser le passé de manière inutile ni de demander des autocritiques de ce qui a été fait et ce qui n'a pas été fait. J'espère que cela sera compris et que nous pourrions, à partir du moment actuel, réfléchir ensemble à développer des initiatives communes. Maintenant, au sein même de ces courants, il y a des divergences qui commencent à s'exprimer sur le projet de fusion et la création d'une seule structure. Nous ne voulons pas rajouter à cela. D'abord, nous respectons l'autonomie de décision de ces formations politiques en quête de fusion et nous nous absentons à interférer, d'une quelconque manière dans leurs décisions internes, si ce n'est positivement. Donc, notre main restera ouverte et sommes tout à fait disposés à étudier toutes les formes d'actions communes qui peuvent être les nôtres. Lorsqu'on parle de mouvement social, c'est quelque chose qui doit intégrer toutes les initiatives. Un mouvement social doit s'atteler au renforcement du front du progrès, de la démocratie, la lutte pour la justice sociale et de la dignité et le combat pour la défense des les libertés collectives et individuelles. Le PPS entend assumer pleinement son rôle à l'intérieur de ce mouvement. Après les élections 2021, peut-on revoir un rapprochement PPS-PJD? Il est impossible de prédire ce qui va se passer en 2021. En fait, si nous devons privilégier une alliance elle se fera principalement avec les formations qui sont dans l'opposition et à leur têtes le parti de l'Istiqlal comme je viens de le vous dire. D'ailleurs, le PPS a été toujours partisan des alliances postélectorales. Il est aberrant de se présenter devant les électeurs et de ne pas annoncer avec qui nous pouvions être demain dans un gouvernement. Nous avons toujours privilégié que cela se passe ainsi. Or, la question qui s'impose, est ce les résultats des élections 2021 vont permettre de dégager une majorité pour constituer le gouvernement avec un seul camp ou il faudra passer outre les clivages… Je ne suis point en mesure de répondre à une telle question. Toutefois, si le PJD inscrit son action dans une démarche qui est plus proche de celle de 2011, 2012, 2013, une démarche différente de ce que voyons maintenant, il n'y a aucune raison de ne pas collaborer ensemble. Le plus important, c'est de faire preuve d'une volonté de réforme, une volonté de changement assortie d'une détermination de prendre en charge les difficultés du pays et à prendre des décisions, quitte à en assumer le prix s'il le faut. Peut-on envisager une alliance avec le PAM? Le PAM est en train de connaitre une mutation en interne. Nous n'avons pas à intervenir dans les affaires du PAM. Nous attendons de voir quelles sont les émergences nouvelles qu'il y aura dans ce parti et en fonction de cela. Eh bien, s'il s'avère que ce parti opte pour une orientation de progrès, de démocratie et d'autonomie en matière de l'action politique et de non-ingérence et de respect des autres forces politiques… car ce parti a commis une délicatesse à l'égard des autres forces politiques et notamment à l'égard du PPS et nous n'oublions pas ces choses là. Mais, si aujourd'hui la page est tournée et que progressivement le PAM devient un parti comme les autres et que réellement il développe un attachement au progrès et aux valeurs de démocratie et qu'il le prouve. Et bien dans ce cas de figure, nous pouvons envisager une action commune. Il faut savoir ne pas rester figé en termes politiques. Mais le fait de le souligner aujourd'hui ou l'affirmer de manière péremptoire reste pour l'instant prématuré. Trois questions express L'inscription sur les listes électorales ? Le politique et particulièrement la gauche sont en crise dans le monde entier, excepté dans certains pays. Il faut donc revoir les formes d'action et aller vers plus de proximité. Il faut trouver comment mettre en avant des compétences nouvelles et des moyens de communication nouveaux en politique. A cet égard, le Maroc ne fait exception à ce cadre, particulière. D'ailleurs, il n'y a aucune raison pour que le Maroc puisse faire exception d'autant plus que nous vivons dans un environnement régional perturbé que ce soit en Algérie, en Syrie, en Egypte, au Soudan et à moindre mesure la Tunisie sans oublier les pays du Sahel, concrètement le Maroc ne doit pas se considérer comme étant un ilot intouchable de stabilité. Le vide politique dont souffre le Maroc est inquiétant. En l'état, nous risquons de connaitre un taux d'abstention record en 2021. Nous attendons les résultats de la campagne d'inscription sur les listes électorales pour avoir une idée sur la situation à ce niveau… La réforme du mode de scrutin est-elle d'actualité? Certains croient, à tort, qu'une réforme du mode de scrutin peut être la clé de voute pour sortir de la situation actuelle. Non, c'est une erreur. Revenir à l'ancien mode de scrutin ou rester dans «la proportionnelle» est complémentaire. Il faut d'abord soigner et trouver des remèdes aux maux profonds pour redonner de la crédibilité au champ politique et regagner la confiance des Marocains. Ensuite, et seulement après, qu'on pourra se pencher sur la réforme du code électoral. D'ailleurs, nous avons appelé de nos vœux que cette question soit étudiée et mise en discussion dès à présent. Nous sommes en 2020 et les élections auront lieu dans une année. Il faut donc commencer les discussions sur ce code électoral pour avoir une idée sur les réformes et les amendements qui seront introduits. Notre conviction est de renforcer la proportionnalité et à l'échelle nationale. C'est à dire une liste nationale parfaitement paritaire qui porte sur la moitié des sièges du parlement. D'aucuns reprochent à la Commission Spéciale sur le modèle de développement d'être plus technocratique que politique? Je profite de cette occasion pour souhaiter plein succès à cette commission, même s'il n'y a pas cette fibre politique. Elle compte dans ses rangs des compétences, des gens qui viennent du Maroc et des Marocains du monde, et surtout elle compte des spécialistes dans plusieurs domaines. Il faut qu'ils aient un devoir de réserve, qu'ils écoutent beaucoup et évitent de rentrer dans des polémiques stériles avec qui que ce soit. Ceci dit, et comme je l'ai dit tout à l'heure, la porte d'entrée de cette commission est politique et sa porte de sortie est politique. Car à la fin, ce sont des politiques qui vont mettre en œuvre toute vision politique économique et sociale, ou n'importe quel projet de développement. J'ai eu l'occasion de discuter avec le président de la CSMD, M. Chakib Benmoussa, qui m'a assuré qu'un débat public avec la classe politique sera ouvert pendant six mois. Le PPS a d'ailleurs présenté une proposition dans ce sens au Cabinet Royal, et d'autres forces politiques ont fait de même. Il y aura un débat régional, sectoriel, national avec tous ceux qui veulent apporter leur contribution, partis, syndicats ou organisations de la société civile. La question est de savoir de ce qu'on va faire des conclusions de cette commission ? Il faut savoir que cette commission ne pourra sortir qu'un projet à titre indicatif. Attention, il ne faut pas imaginer que le projet de cette commission sera considéré comme un texte saint qui devra constituer une référence pour tout le monde. Non, les divergences continueront. Certaines forces pourront se situer plus à gauche ou plus à droite. Le PPS par exemple va continuer à développer son projet et s'il y a des idées intéressantes à prendre dans le projet de cette commission, nous les adopterons.