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Réformes politiques et sociales : «Le combat doit se poursuivre»
Publié dans Albayane le 15 - 09 - 2011

Dans un entretien accordé à une édition spéciale «Al Bayane, spécial fête de l'Huma», éditée à l'occasion de la fête de l'Huma qui aura lieu ce week-end à Paris, le secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS), Mohamed Nabil Benabdellah souligne la nécessité d'unir les forces progressistes et le bloc de la «Koutla» pour pouvoir continuer le combat des réformes et répondre aux attentes du peuple.
Al Bayane : L'année 2011 aura marqué une certaine «accélération» de l'histoire, avec les soulèvements populaires dans le monde arabe. Quelle lecture faites-vous de ces événements et de l'évolution politique au Proche Orient et au Maghreb ?
Mohamed Nabil Benabdellah : La lecture que nous faisons au Parti du progrès et du socialisme (PPS) de ce qu'on a appelé le printemps arabe est un décryptage qui s'inscrit dans cette formidable quête de démocratie au pourtour méditerranéen, chacun selon sa période et chaque pays selon ses conditions. Nous avons eu une première vague de démocratisation dans les années soixante-dix notamment avec l'Espagne, la chute du système de franco ; le Portugal et l'effondrement du régime des militaires ; et la fin du régime des généraux en Grèce.
Et par la suite dans les années quatre-vingt-dix, nous avons eu cette effervescence que les pays de l'Europe de l'est, l'ancien bloc socialiste, ont connu.
Et nous avons eu également les répercussions de cela sur un certain nombre de pays notamment en Afrique. Fâcheusement les pays arabes sont longtemps restés, pour leur grande majorité, à l'écart. A l'exception probablement de l'évolution démocratique au Maroc, ces pays étaient gouvernés par des régimes qui continuent à s'attacher à des types de gouvernances autoritaires marquées par une forte dépravation, émaillées par un irrespect total des droits de l'Homme, ponctuées par un fossé énorme entre les régimes en place et les peuples concernés. Il fallait que cela change un jour. Ce qui s'est déroulé en Tunisie a été une sorte de déclencheur pour d'autres pays arabes dans le sens où l'évolution tant démographique que sociologique et politique des sociétés concernées était à l'origine de l'émergence de nouvelles élites, d'une classe moyenne, de plus en plus importante, et dans le même temps de l'approfondissement, pour un certain nombre de ces pays, des problèmes socioéconomiques, outre le fait que les régimes en place en Tunisie, en Egypte, en Syrie et au Yémen et dans d'autres pays étaient caractérisés par l'approfondissement des problèmes de gouvernance de dépravation… de corruption, de domination totale des décideurs et de leurs familles sur l'économie nationale de ces pays. Dans un environnement international caractérisé de plus en plus par la libéralisation de la parole, par la possibilité de communiquer à travers notamment internet, les réseaux sociaux, les nouvelles élites étaient en mesure de s'exprimer et de dire ce qu'elles ne pouvaient pas dire de manière ouverte dans la presse ou dans les meetings publics ou autres. Ce qui s'est passé en Tunisie a fait tache d'huile et a dramatiquement touché d'autres régimes, l'Egypte, la Syrie encore aujourd'hui, la Libye, le Yémen, le Bahreïn et l'Algérie. Cela a fini également par toucher le Maroc, mais différemment.
Qu'en est-il du Maroc ? Quel effet le « printemps » arabe a-t-il eu sur la situation politique et sociale?
Pour le Maroc, les choses sont un peu différentes. Dans la mesure où contrairement à ce qui a été avancé, et véhiculé par différents milieux y compris dans notre pays, le Maroc n'est pas en soi une exception. Bien que des avancées démocratiques indéniables, grâce à la lutte des forces progressistes et démocratiques, ont pu être concrétisées dans notre pays, il ne faut pas oublier à ce propos que dans les années quatre vingt dix, de formidables avancées ont été réalisées. Et ces années se sont conclues par l'avènement d'un gouvernement d'alternance formé principalement des forces démocratiques qui étaient dans l'opposition. Et que cela a permis de cumuler ou d'accumuler un certain nombre d'acquis sur le plan politique, sur le plan des droits de l'homme, sur le plan des droits des femmes, sur le plan du redressement économique et de manière moins importante sur le plan des améliorations sociales. Mais cela ne voulait pas dire pour autant que tous les problèmes de gouvernance qui se posaient dans notre pays et qui se posent également pour le moment, corruption, inégalités, injustice sociale, déficit important dans le domaine de l'enseignement, santé et inégalités régionales, ont été réglés. Tout cela demeurait présent. En plus, certaines forces conservatrices ont tenté, au cours des dernières années, de faire dévier le train des réformes pour revenir à des mécanismes de domination du champ politique et de son orientation par le haut, en essayant de créer de nouveaux pôles, de nouvelles alliances mais de manière superficielle, de manière artificielle sans égard pour l'autonomie de décision de certaines forces politiques. Ce qui a fini par créer énormément d'animosité et a poussé des forces politiques, à leur tète notre, à tirer la sonnette d'alarme.
Et il était nécessaire de revenir à ce que nous avons appelé : un «nouveau contrat politique» et par la suite à : «une nouvelle génération de reformes». Donc, il y avait des forces politiques, bien avant le mouvement du 20 février, qui ont exprimé fortement la nécessite de redresser la barre et donner une impulsion nouvelle à l'édification démocratique dans notre pays.
Et c'est ainsi que nous avons pu préparer également le terrain à l'émergence progressive d'une sorte de retour sur la scène politique d'acteurs qui demeuraient souvent à l'écart, parce que il y avait un problème de décrédibilisation de l'action politique. Il y avait un fossé de plus en plus grand qui s'était creusé entre les forces politiques y compris des forces démocratiques et de larges pans de la société.
Et nous avons enregistré très positivement au PPS l'émergence de cette jeunesse qui, à la faveur du printemps arabe, a décidé de sortir et d'exprimer sa volonté des réformes, sa volonté de lutter contre la dépravation, contre la corruption, sa volonté pour qu'un certain nombre de problèmes soient réglés.
Le Maroc se caractérise, alors dans ce contexte, par la réaction rapide et courageuse de la monarchie. Et c'est là où il constitue une exception. L'enclenchement des réformes a commencé par une réforme constitutionnelle sérieuse, audacieuse et approfondie. C'est cela qui fait l'exception. Ce n'est pas un régime comme ceux de la Tunisie, l'Egypte, la Syrie, la Libye ou encore le Yémen. Donc, il n'y a pas eu une négation de la volonté de réformes et il n'y a pas eu une tentative d'accuser les mouvements sociaux dans la rue d'être dans une sorte de complot à l'égard du pays ou manipulés par l'extérieur. Loin de là, il faut enregistrer positivement cette audace politique manifestée par la monarchie pour aller dans le sens d'une «nouvelle génération de réformes» à savoir l'enclenchement, dans le discours historique du 9 mars, d'une réforme constitutionnelle conséquente qui a fini par voir le jour le 1er juillet 2011.
Depuis le discours royal du 9 mars 2011, le pays semble décidé d'aller de l'avant, sur la voie de l'édification démocratique. Mais, au regard de certains développements, des forces conservatrices ne semblent pas désarmer et tentent de vider les contenus avancés de la Constitution de leur substance. Où l'en est-on aujourd'hui, notamment au niveau des projets électoraux ?
Effectivement, la Constitution adoptée le 1er juillet 2011 et à laquelle nous avons fortement participé, aussi bien nous au PPS que l'ensemble des autres forces politiques, mais également de représentations de la société civile, du mouvement féminin, du mouvement des jeunes, des organisations des droits de l'homme, après une vraie concertation, est nettement plus avancée que celle de 1996. Ce n'est pas une panacée, ce n'est pas la Constitution la plus démocratique qu'elle soit.
Car rien n'est absolu dans la vie. Tout est relatif. Mais, c'est probablement ce qu'on pourrait avoir de mieux par rapport aux conditions globales traversées par notre pays. Aujourd'hui, cette Constitution est là, ses contenus sont extrêmement avancés, qu'il s'agisse du volet des droits de l'homme, qu'il s'agisse de séparation des pouvoirs et des prérogatives des différents pouvoirs, législatif, exécutif, judiciaire, ou qu'il s'agisse également de son contenu social très avancé. Et enfin des mécanismes de meilleure gouvernance ont été prévus par cette Constitution.
Mais cela ne veut pas dire que le combat est terminé. Même si nous étions en train de discuter du contenu de cette Constitution, nous avons, au PPS, clairement signifié que la réforme constitutionnelle n'avait de sens que si elle était accompagnée de cette nouvelle «génération de reformes» et de ce «nouveau contrat politique» dont le pays a besoin. Sur le plan politique, il fallait nécessairement aller vers des institutions plus crédibles, des institutions élues, un Parlement qui puisse favoriser l'émergence d'élites nouvelles, écarter les corrompus de la scène politique et dans le même temps promouvoir les compétences les plus honnêtes qui se trouvent aussi bien dans les partis politiques en particulier de gauche que dans la société de manière générale.
Il faut au-delà de cela, si bien au Parlement d'ailleurs que dans les conseils locaux, provinciaux, régionaux, qu'il faut mener ce qu'on peut appeler le grand combat à savoir celui des réformes économiques et sociales qui permettent concrètement d'améliorer le quotidien des Marocains et des Marocaines. Et en cela et bien, nous, partis de Gauche, savons qu'il y a des partisans de réformes et qu'il y a des forces conservatrices qui veulent défendre leurs intérêts et veulent continuer de vivre dans une économie de rente, de profiter de leur situation par des abus de pouvoir, pour avoir des privilèges, pour faire en sorte que la situation ne change pas. Il y a aussi des forces rétrogrades qui sont opposées à la nécessité d'une société moderniste, ou règne l'égalité homme/femme et où il y aurait une interprétation positive ou progressiste de l'Islam. Donc, il est normal que le combat continue. Et le combat continuera aujourd'hui comme il se poursuivra demain.
La première phase étant le processus électoral que nous sommes en train de préparer. Dans ce processus, il y a une vision que nous avons déclinée au PPS à savoir la mise en place des institutions crédibles et qui ont de nouvelles prérogatives.
Pour cela, il fallait un nouveau mode électoral et une autre approche politique. Malheureusement, après de longues concertations avec les huit grands partis politiques et le ministère de l'Intérieur, on est arrivé à une approche que nous pensons, de notre part, qu'elle n'est pas au niveau de la situation.
Mais, en même temps, cela ne nous empêchera pas de continuer le combat, de faire ces élections, d'essayer d'avoir un score meilleur pour pouvoir concrétiser les objectifs et le projet de société prôné par le PPS.
Dans cet univers, quelles sont les attentes et les objectifs du PPS pour les élections législatives du 25 novembre prochain ?
Si nous voulons arriver à des objectifs et bien nous pensons d'abord que les forces du progrès et celles du changement doivent s'unir pour contrecarrer les visées conservatrices et rétrogrades et être en harmonie avec ce qui était exprimé dans la rue depuis le 20 février. Ainsi, nous puissions donner confiance à ces masses de jeunes et moins jeunes qui se sont exprimées clairement pour le changement.
Et cela passe par la réactivation de ce que nous appelons au Maroc la «Koutla» à savoir le bloc démocratique, composé principalement par le parti de l'Istiqlal, (PI), l'Union socialiste des forces populaires (USFP) et le PPS.
Cela passe également par les efforts que nous sommes en train de mener pour unir les forces de Gauche énormément morcelées. Il est inconcevable qu'il ait une dizaine de partis de Gauche au Maroc, car il ne peut pas y avoir dix projets de Gauche différents. Je peux comprendre qu'il y ait un projet de Gauche rationnelle, responsable, modéré, et un autre radical.
Mais pas plus que cela. Donc, il y a une nécessité d'unir nos efforts. Nous nous y attelons fortement au PPS. Pas uniquement lors des élections, bien que le PPS puisse occuper une place nettement plus importante.
Nous avons obtenu lors d des dernières élections de 2007 un score de 6% et bien nous espérons que l'action politique extrêmement vigoureuse que nous avons menée ces dernières années, le fait d'épouser les revendications politiques et sociales qui se sont exprimées dans la société, devrait faire en sorte que le parti enregistre une avancée importante au niveau de son score.
Et nous espérons, en même temps, que les autres forces politiques de Gauche et démocratique, en particulier le bloc de la Koutla, puissent constituer l'épine dorsale de toute expérience gouvernementale future. Notre conviction et qu'il y a lieu de souligner que ce bloc démocratique puisse jouer un rôle majeur dans l'expérience à venir, c'est-à-dire dans le premier gouvernement qui aura, comme la constitution le stipule, l'intégralité du pouvoir exécutif entre les mains. C'est une tâche énorme, c'est également un défi important à relever. Nous pensons honnêtement que face à d'autres alliances qui se sont créées récemment, notamment des partis de droite, nous sommes interpellés pour que nous donnions un souffle nouveau à l'alliance des forces démocratiques.
Croyez-vous que l'objectif d' «élections sans précédent» serait-il atteint ?
Vous savez, nous sommes un parti de convictions, un parti de principes. Nous nous fixons des objectifs et nous nous mettons les moyens en place pour mener le combat. Et nous sommes en train de mener le combat.
Au moment où je réponds à vos questions, je viens de sortir d'une université d'été de la jeunesse socialiste du PPS.
Nous sommes en train de mobiliser toutes nos forces pour que notre objectif soit atteint, celui de consolider l'orientation démocratique. D'agir pour que le processus de reformes soit réactivé, de pouvoir, au lendemain des élections, que les grandes questions, soulevées par les citoyens et les citoyennes, puissent trouver des réponses.
Nous sommes convaincus que le PPS doit être très fort et plus présent sur la scène politique. Il doit être plus représenté au sein des institutions. Nous avons mené le combat pour que nous soyons l'un des partis qui enregistre des avancées remarquables dans le domaine électoral.
Que dire du Parti aujourd'hui, sur le plan organisationnel et sur le chapitre des alliances politiques (ne serait-ce que sur le contrôle de la transparence électorale), en liaison avec la bataille des Législatives ?
Le PPS va mieux aujourd'hui. Il avance. Il s'active. C'est un parti qui a beaucoup de visibilité sur le champ national.
C'est un parti, je vous le répète, qui a été très présent sur la scène politique, notamment depuis que avons constaté ce déraillement, cette sortie de la voie des reformes. Depuis 2008, en particulier, nous avons attiré l'attention sur la nécessité de ce nouveau «contrat politique», sur la nécessité de cette «nouvelle génération de reformes». Nous avons mené des campagnes, nous avons sillonné, le pays. Nous avons également été extrêmement présents sur le champ de la proposition politique. Nous avons été confortés en cela lorsque le mouvement du 20 février s'est exprimé.
Et les propositions contenues dans la Constitution recoupent totalement avec ce que nous avons proposé dans notre mémorandum. Nous avons mené une campagne politique très forte pour expliquer la teneur de cette Constitution aux citoyens. Nous avons parcouru toutes les provinces du pays.
Après l'adoption de la Constitution, nous avons continué d'agir. Et nous sommes très confiants. Et nous pensons que nous aurions eu besoin de plus de temps mieux capitaliser, améliorer encore plus nos structures organisationnelles, donner un coup de fouet encore plus important à nos structures parallèles, à la jeunesse, à notre secteur féminin, à nos secteurs socioprofessionnels, mais il faut mener le combat plutôt que prévu.
Vous savez, les élections, qui étaient prévues en 2012, auront lieu en novembre 2011. Presqu'une année avant le rendez-vous initial. Le programme prévoyait de mener le combat électoral dans un an, mais nous allons maintenant le mener plus tôt que prévu. Je pense que nous ferons avec les capacités organisationnelles qui sont les nôtres aujourd'hui. Mais le parti continuera d'agir pour une restructuration en profondeur pour mieux épouser les revendications qui s'expriment dans la société, pour ouvrir encore plus nos portes… Nous venons d'organiser une opération «portes ouvertes» et nous avons enregistré des milliers d'adhésions.
Et donc, nous allons continuer tout ce travail, tout de suite après les élections pour conforter encore plus nos structures, pour entreprendre l'une des plus grandes réformes, c'est se mettre au diapason du découpage administratif dans la mesure où comme vous le savez l'une des grandes réformes de la Constitution adoptée c'est une régionalisation avancée avec pratiquement des gouvernements régionaux qui auront de très larges prérogatives. Cela demande à ce que nous soyons également adaptés du point de vue organisationnel à cette nouvelle situation. Nous avons encore des chantiers importants à mener. Mais dans tous les cas de figure, je peux vous dire que le PPS est un parti qui avance sur la bonne voie, à l'écoute de la société marocaine et progresse fortement.


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