Le «Citizen Amendment Bill» (CAB) approuvé la semaine dernière par le Parlement indien et facilitant l'octroi de la citoyenneté indienne à toutes personnes issues des minorités qui fuiraient la répression en Afghanistan, au Bangladesh et au Pakistan à condition qu'elles ne soient pas de confession musulmane a été très mal accueilli non seulement par la communauté musulmane du pays, forte de 200 millions d'âmes, mais aussi par l'ensemble des organisations de défense des droits de l'homme. Considérant que le texte incriminé va à l'encontre des dispositions de la Constitution, un parti musulman a immédiatement déposé un recours devant la Cour Suprême indienne lui demandant de s'exprimer sur sa constitutionnalité. Ce projet de loi jugé, par le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l'Homme, comme étant «fondamentalement discriminatoire» et dont l'abrogation a été demandée par Amnesty International s'inscrit dans la volonté du pouvoir nationaliste hindou de marginaliser la minorité musulmane dans un pays qui compte 1,3 milliard d'habitants. Raison pour laquelle, dés son adoption, mercredi dernier, par la Chambre basse du Parlement indien, ce texte a suscité une très violente désapprobation de la part des étudiants de Jamia Millia Islamia à New Delhi, une des plus prestigieuses universités du pays qui compte de nombreux étudiants de confession musulmane. Ayant été accusés d'avoir incendié quatre autobus et deux véhicules de police, ces derniers furent violemment pris à partie par les forces de l'ordre qui firent usage de grenades lacrymogènes et qui les dispersèrent à coups de bâtons à telle enseigne que, selon la presse indienne, une centaine d'étudiants et une dizaine de policiers auraient été blessés durant ces affrontements alors que d'autres sources évoquent même la mort de six étudiants. «La police n'ayant fait aucune différence entre les manifestants et les étudiants assis à l'intérieur de la bibliothèque, de nombreux étudiants et employés de l'Université ont été blessés» a déclaré Najma Akhtar, la Directrice de l'Etablissement à l'ANI (Asian News International), une agence de presse spécialisée dans les nouvelles concernant le sous-continent indien et dont le siège se trouve à New-Delhi. Concentrées, au début, dans le nord-est du pays, les manifestations ont fait tâche d'huile et se sont étendues dimanche soir à plusieurs régions du pays si bien qu'à Guwatahi, dans l'Etat d'Assam où la population s'est soulevée par crainte d'un afflux massif de réfugiés hindous du Bangladesh voisin, la police locale aurait tiré à balles réelles sur les protestataires, blessant 21 personnes parmi lesquelles deux périrent des suites de leurs blessures. Dépassé par les évènements car ayant sous-estimé les conséquences de sa réforme de la loi sur la nationalité et accusant le Parti du Congrès (opposition) d'être responsable des troubles que connait le pays, le Premier ministre nationaliste Narendra Modi a tenu, dans un communiqué, à assurer «au nord-est, à l'Assam et aux autres Etats (…) que leur culture, leurs traditions et leur langue continueront à recevoir respect et soutien». Est-ce assez pour éteindre l'incendie qui risque d'embraser l'ensemble de l'Inde? Très peu probable lorsqu'il s'agit d'une flagrante atteinte aux droits élémentaires d'une minorité qui n'est pas aussi minoritaire qu'il y parait de prime abord dès lors qu'avec ses 200 millions d'âmes, elle constitue près d'un cinquième de la population totale du pays; alors attendons pour voir…