Lundi dernier, les députés de la Chambre basse du Parlement indien ont adopté, par 311 voix contre 80, un projet d'amendement constitutionnel relatif à l'attribution de la citoyenneté. Particularité de ce texte qui a été introduit par Amit Shah, le ministre de l'Intérieur mais qui, pour sa promulgation, nécessite encore l'approbation de la chambre haute, il vise à permettre la naturalisation de toutes les minorités religieuses originaires d'Afghanistan, du Pakistan et du Bangladesh qui résident en Inde depuis longtemps à l'exception des musulmans qui en demeurant ainsi des «sans papiers» seront passibles d'être arrêtés à tout moment. Ce projet d'amendement sur la citoyenneté stipule que les hindous, les sikhs, les bouddhistes, les parsis et les chrétiens qui fuiraient les persécutions en Afghanistan, au Bangladesh et au Pakistan – trois pays à majorité musulmane peuvent se voir attribuer la citoyenneté indienne. Il n'en fallait pas plus pour déclencher l'ire des députés de l'opposition qui jugent inacceptable une telle réforme. Aussi, se sont-ils soulevés, comme un seul homme, pour dénoncer son inconstitutionnalité dès lors qu'en considérant que «les musulmans ne sont pas les bienvenus», cet amendement constitue une grave atteinte aux idées défendues en 1947 par les pères fondateurs de l'Inde qui voulaient que le pays repose sur l'égalité des religions et qu'il soit « ouvert à tous pour coexister pacifiquement». «L'Inde devient-elle un Etat hindou ? (…) Quel message êtes-vous en train d'envoyer aux musulmans?» a demandé un député de l'opposition au ministre de l'Intérieur, vêtu pour l'occasion d'une veste safran, couleur du puissant Parti du peuple indien (BJP) du Premier ministre Narendra Modi. En réponse Amit Shah a déclaré que le texte soumis au vote n'est pas discriminatoire puisqu'il ne veut en aucun cas marginaliser la communauté musulmane dès lors que «les musulmans pourront continuer de vivre dans ce pays avec dignité» mais qu'il a seulement pour but de protéger les migrants issus des autres minorités. Enfin, pour le Premier ministre, «ce texte correspond à la tradition séculaire indienne d'assimilation et de respect des valeurs humanitaires». Or les faits, qui s'inscrivent au cœur des projets phares du Premier ministre nationaliste Narendra Modi et sa volonté manifeste, selon les organisations musulmanes et les défenseurs des droits de l'homme, de marginaliser, par cet amendement, la minorité musulmane du pays forte de 200 millions de personnes, contredisent clairement les propos des deux hommes. Ainsi, non seulement les crimes islamophobes dans le pays se sont multipliés depuis 2014, mais il y a lieu de signaler, également, que pour tenter de réduire le legs musulman en atténuant la contribution des musulmans à l'histoire du pays, les autorités se sont mises à revisiter l'histoire dans les manuels scolaires et à rebaptiser de noms hindous les villes dont l'appellation possède une consonance musulmane. D'ailleurs, le recensement effectué en Août dernier en Assam, dans le nord-ouest de l'Inde, au moment-même où le Premier ministre avait révoqué l'autonomie constitutionnelle du Cachemire seule région à majorité musulmane a révélé que deux millions de musulmans pourraient perdre leur nationalité indienne. Jusqu'où ira donc ce rejet de la minorité musulmane en Inde ? Cette communauté, forte de 200 millions d'âmes, va-t-elle accepter de courber l'échine si elle est appelée à vivre un calvaire similaire à celui vécu par les Rohingyas en Birmanie et par les Ouïgours en Chine ? Rien ne permet de le croire alors attendons pour voir…