«C'est avec la plus grande tristesse que j'annonce le décès du père fondateur du Zimbabwe et de son ancien président, le commandant Robert Mugabe», a déclaré ce vendredi, sur son compte Twitter, le président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa pour annoncer le décès à l'âge de 95 ans de celui qui dirigea le pays, d'une main de fer, de 1980 à 2017 non sans oublier de rappeler, toutefois, la «contribution (du défunt) à l'Histoire» de la nation zimbabwéenne. Icône de la libération et «panafricaniste qui a dédié sa vie à l'autonomisation de son peuple», Robert Mugabe, l'un des derniers «pères des indépendances africaines», se serait donc éteint loin de sa terre natale, à Singapour où il était régulièrement soigné. Mais qui était donc ce personnage qui, après avoir été longtemps adulé, est devenu un héros maudit et un despote ayant ruiné, de ses propres mains, le pays qu'il avait lui-même émancipé de la tutelle coloniale ? Robert Gabriel Mugabe est né le 21 Février 1924 à Salisbury, capitale de la Rhodésie du Sud, colonie de la couronne britannique. Il avait été élevé par sa mère, dans une mission catholique, après que son père ait déserté le foyer alors qu'il avait à peine dix ans. Brillant jeune homme, Robert fréquentera les meilleures universités d'Afrique australe et s'imprègnera très vite des idéaux panafricains de l'époque alors que cette partie du continent noir était gangrénée par la ségrégation raciale. En poursuivant des études d'Anglais et d'Histoire à l'Université de Fort Hare, en Afrique du Sud, il y rencontrera cette éminente figure du nationalisme qu'était Julius Nyerere qui deviendra, par la suite, président de la Tanzanie. A l'issue de ce parcours universitaire, Robert Mugabe ira enseigner au Ghana, première colonie africaine à accéder à l'indépendance en 1957 avant de retourner sur sa terre natale en 1960. Fortement imprégné de l'idéologie marxiste, il fondera en 1963, l'Union Nationale Africaine du Zimbabwe (ZANU) qui, non contente de critiquer le régime blanc de Ian Smith, réclamera l'indépendance de la Rhodésie; ce qui lui avait valu d'être jeté en prison en 1964 et d'y rester onze ans. Particulièrement déterminé, l'homme ne perdra pas son temps puisqu'en étudiant, à distance, il obtiendra de nombreux diplômes dont un Master en Droit de l'Université de Londres si bien qu'à l'annonce de sa mort et en évoquant son destin paradoxal, l'hebdomadaire sud-africain «Mail and Guardian» dira de lui qu'il fut «l'un des présidents les plus diplômés du continent et, peut-être même, du monde !». A sa libération, Robert Mugabe s'installera au Mozambique d'où, en prenant la tête de la branche militaire de la ZANU, il mènera une véritable guérilla qui ne prit fin qu'avec les accords de Lancaster House de 1980 qui aboutirent à l'indépendance du pays et à la tenue d'élections législatives que son parti remportera haut la main lui permettant ainsi d'en devenir Premier Ministre. Devenu, par la force des choses, «héros de la libération», l'ancien chef de la guérilla Robert Mugabe, loin de se montrer revanchard dira : «Vous étiez mes ennemis hier, vous êtes maintenant mes amis». Il tendra alors la main à Ian Smith qui sera autorisé à rester dans le nouveau pays qui venait alors de naître aux lieu et place de l'ancienne Rhodésie et qui prit pour nom Zimbabwe et offrira même des postes ministériels clés à des Blancs. Robert Mugabe que l'Afrique avait célébré d'une seule voix et à la gloire duquel Bob Marley avait dédié une chanson, incarnait alors une nouvelle page d'Histoire pleine d'espoirs au moment où, dans l'Afrique du Sud voisine, régnait encore l'apartheid et que Nelson Mandela était toujours incarcéré au bagne de Robben Island. Le nouveau leader zimbabwéen initiera alors toute une série de réformes «progressistes» qui visaient toutes l'accélération du développement de ce jeune pays; à savoir, la construction d'infrastructures, d'hôpitaux, d'écoles, de centres de santé ou encore de nouveaux logements pour la majorité noire tant et si bien qu'en dix années le pays a fait un prodigieux bond en avant sur la voie du progrès et de l'émancipation. Mais cette éclaircie ne fut que de courte durée car les fraudes électorales et, surtout, la «violente» réforme agraire viendront y mettre un terme. En effet, en lâchant la population noire contre les fermiers blancs qui détenaient encore l'essentiel des terres du pays, Robert Mugabe a commis l'irréparable car c'est au prix de violences ayant contraint les «fermiers blancs» à quitter le pays et à faire la «une» des médias étrangers, que des centaines de milliers de noirs sont devenus propriétaires. Ainsi, après avoir incarné la réussite d'une Afrique indépendante, l'autoritarisme du président du Zimbabwe et l'effondrement de l'économie du pays obligeront le «libérateur de la nation» à accepter malgré lui son éviction et son «assignation à résidence» par sa propre armée. L'Histoire retiendra-t-elle de Robert Gabriel Mugabe le pacifisme du père fondateur du Zimbabwé qui, au début de son «règne», avait tendu la main à ses anciens ennemis ou alors la violence de celui qui aura envoyé ses concitoyens noirs à l'assaut des fermes détenues par les blancs ? Attendons pour voir…