En procédant dimanche à la refonte de son exécutif, le président zimbabwéen s'est entouré de ses plus proches collaborateurs et partisans d'une réforme agraire qu'il mène d'une main de fer. Les membres du nouveau gouvernement zimbabwéen formé dimanche par Robert Mugabe sont en fait dans une large majorité des anciens ministres reconduits et, pour le reste, des partisans de l'actuelle réforme agraire menée de façon controversée par le pouvoir. Seuls le ministre des finances, une des figures politiques les plus modérées du pays, et le ministre de la santé, le seul blanc du précédent gouvernement dissout vendredi, ont été remerciés. Les deux postes clés, celui du ministère de l'agriculture et de la redistribution des terres, et celui de l'information, ont quant à eux été confiés à Joseph Made et Jonathan Moyo. Le premier est connu pour son plan de redistribution des fermes confisquées aux fermiers blancs, et le deuxième pour ses récentes lois restrictives dans le domaine de la presse. Soumis à de fortes pressions internationales qui l'ont largement isolé ces derniers mois, le président Mugabe avait pourtant renvoyé son gouvernement vendredi avec l'intention d'apaiser les critiques. Son ancien exécutif avait essuyé plusieurs sanctions occidentales, notamment en matière de violations des droits de l'Homme, de la liberté de la presse et de fraudes électorales lors du scrutin présidentiel de mars. A cela s'était ajoutée une grave crise économique renforcée par l'application brutale de la réforme agraire lancée en 2000. Samedi, la police faisait encore état de l'arrestation de 277 fermiers blancs depuis l'expiration, le 8 août, de l'ultimatum leur imposant de quitter leurs terres sans condition. Selon l'opposant Morgan Tsvangirai, cette refonte du gouvernement n'est donc qu'un leurre pour donner « du crédit à un président illégitime ». Le leader comme son parti, le Mouvement pour le Changement démocratique (MDC), avaient en effet rejeté les résultats de l'élection présidentielle de mars qui avait reconduit Robert Mugabe au pouvoir dans un climat de violences politiques. Les ONG avaient alors dénoncé le meurtre de 59 personnes, la pratique de la torture sur des milliers d'autres, sans compter les viols et intimidations opérés par les partisans du pouvoir. Ces rapports accablants avaient placé le Zimbabwe, autrefois considéré comme le « grenier » de l'Afrique australe, dans la ligne de mire des chancelleries occidentales. A leur tête, l'ex-puissance coloniale du pays, la Grande-Bretagne, a œuvré pour exclure le pays du Commonwealth. Dimanche, le chef de la diplomatie britannique Jack Straw a encore attaqué avec virulence Robert Mugabe. Dans une tribune publiée par le magazine Britain's Observer, il a déclaré que « le Zimbabwe était un Etat paria qui s'est fait lui-même, et non une victime coloniale ». « Robert Mugabe mène son pays à la ruine. Le déclin des richesses du Zimbabwe a été rapide et dévastateur », a ajouté le diplomate, pour qui M. Mugabe « conduit son peuple à la famine au nom de la réforme agraire ». Selon Jack Straw, M. Mugabe n'a été reconduit au pouvoir que grâce à « une élection frauduleuse, marquée par des meurtres et des manœuvres d'intimidation ». « Son utilisation, depuis l'élection, de la violence d'Etat prouve sa détermination à conserver le pouvoir à n'importe quel coût ». Ce qui n'empêche pas le dirigeant zimbabwéen d'espérer profiter de sa participation au Sommet de la Terre à Johannesburg (Afrique du Sud), pour tenter de rompre l'isolement dont il fait l'objet.