Au lendemain de l'indépendance, notre pays pouvait se targuer de se faire doter d'une belle armada de patriotes dévoués qui constituait, à l'époque, ce que l'on appelle toujours le mouvement national. Tout auréolé du triomphe légendaire sur le joug colonial, le royaume devait bien s'appuyer sur cette complicité décennale entre la monarchie et la résistance, en parfaite symbiose. La médiation envers le peuple était fluidifiée par des passerelles de fidélité, sans conteste ni bavure. Au fil du temps, cette collusion allait subir une collision, en cours de chemin, truffée de méfiance mutuelle. L'état d'exception qui s'en suivait, au début des années 70, allait désagréger la pérennité de cette connivence en fracture saccadée. Certes, le Maroc avait prématurément, prôné le pluralisme dans son système politique et préconisé les tout premiers fondements de la démocratie, encore en état embryonnaire. Mais, chemin faisant, il s'est avéré que ces choix reposaient sur d'autres appuis qui s'opposaient, de fond en comble, aux valeurs de l'éthique et de la loyauté. Le processus démocratique que la nation s'était irréversiblement fixé pour son long parcours de construction, allait se faire asséner de coups durs, en termes de fondation de l'échafaudage politique et institutionnel. Par mesure de «sécurité» et souci de «maîtrise», on se lançait alors dans une large entreprise de balkanisation morbide de la vie politique marocaine, en oppressant les partis traditionnels, assujettissant de nouvelles créatures et, en conséquence, bafouant la volonté de tout un peuple. Quoique muni de textes de haute qualité institutionnelle, le Maroc se fait sienne une approche beaucoup plus axée sur l'apparence que l'évidence, en matière de gouvernance politique. C'est ainsi que se prolifère une cohorte de notabilités de l'opportunisme et de la dépravation, au sein de la classe partisane, à travers des «formations» montées de toutes pièces par les rouages de l'Administration, en 1977, 1983, 1984, 2008…, sans légitimité historique ni renvoi sociétal. Pour faire perdurer ces fantasmes dans le champ politique national, durant plus de quatre décennies, on a dû faire appel au «génie» marocain du «montage» électoral et de la «cartographie» politique. Aujourd'hui, par ce traitement bouffon auquel fut soumis le paysage politique marocain, pendant des décades, on se voit sanctionner par des déboires chroniques et créditer de lésions assassines, menant droit à la dérive. Dans une nation émergente comme la nôtre qui se veut détentrice de la démocratie authentique, on ne saurait absolument se passer de la santé de son pilier majeur qu'est une vie politique forte, autonome et agissante. Le cas d'échec de la préfabrication des ramassis partisans, hybrides et asservis, en est, en fait, une désillusion cinglante dont le dernier en date n'est autre que l'engin de labour, en plein essoufflement.