Le Maroc et la France, Rabat et Paris, le palais royal et l'Elysée, les gouvernements des deux pays, leurs partis politiques, leurs institutions, leur patronat, leur société civile et leur peuple, entretiennent des relations séculaires et exceptionnelles. C'est un fait historique et hautement politique. Ces relations, maintenues et entretenues, en dépit des changements des gouvernements et des locataires de l'Elysée, sont, toutefois, jalonnées de crises qui remettent sur le devant de la scène médiatique des deux pays cette histoire commune. Le volet judiciaire, objet d'une brûlante actualité aujourd'hui, intervient dans ce contexte. Et il intervient également après la crise de février 2014 lorsque Rabat avait décidé de suspendre sa coopération judiciaire avec la France, en réaction à une décision de la justice française de convoquer un haut responsable marocain qui se trouvait alors sur le sol de l'Hexagone. A cette époque, comme fût le cas des crises précédentes, la raison l'avait emporté et les relations entre les deux partenaires ont été rétablies et mieux consolidées. Aujourd'hui, ce fichier judiciaire resurgit sur l'axe Rabat-Paris par la décision d'une juge de l'Hexagone de convoquer des journalistes marocains, travaillant pour des médias marocains, pour une affaire qui concerne un ressortissant marocain. Cet acte, qualifié par de nombreux observateurs d'une ingérence dans les affaires intérieures du Maroc, une affaire qui touche à la question de la souveraineté nationale marocaine, sera-t-il géré avec la même sagesse et la même raison, prévalant l'intérêt commun des deux pays et de leur peuple? C'est la question qui reste soulevée, en attendant le dénouement de cette affaire. Les réactions des deux parties laissent entendre que le dossier sera clos. En effet, après la réaction du ministre marocain de la justice, Mohamed Aujjar, de convoquer le magistrat de liaison français avec le Maroc pour explications, un haut responsable au ministère français de la justice a reçu, mardi à Paris, le magistrat de liaison marocain avec la France. A Rabat, on a demandé des explications et des éclaircissements à propos de cette affaire et à Paris on aurait présenté des excuses quant à l'envoi par la juge d'instruction, Aïda Traoré, vice-présidente chargée de l'instruction au Tribunal de grande instance de Paris (TGI), d'une série de convocations à l'adresse de médias marocains. Car, ces convocations directes de citoyens marocains par la justice française vont à l'encontre de l'accord de coopération judiciaire conclu par les deux pays. Cet accord stipule qu'une convocation de ce genre doit se faire à travers le cycle diplomatique et via le ministère marocain de la Justice. Ces convocations, rappelle-t-on, adressées par la juge d'instruction française aux journalistes marocains, au motif «d'envisager leur mise en examen», se fondent sur des plaintes déposées par un ressortissant marocain installé en France. C'est dire que l'accord conclu entre les deux parties n'a pas été respecté. Ce que la diplomatie, la communication et le bons sens tenteront de rétablir. Cette machine est déjà lancée. En effet, les entretiens entre les responsables judiciaires des deux pays à Rabat et à Paris devraient être suivis, mercredi, par une rencontre dans la capitale française entre la Garde des Sceaux et ministre française de la Justice, Nicole Belloubet, et son homologue marocain, Mohammed Aujjar. Ce processus de communication autour de cette crise laisse entendre que la raison finira par l'emporter. Il en va de l'intérêt commun des deux pays ayant des liens politiques, économiques, culturels et humains anciens et solides ainsi qu'une coopération sécuritaire fructueuse alors que le monde est engagé dans une lutte contre le terrorisme, le jihadisme, le trafic en tout genre et l'immigration clandestine. Paris restera un partenaire privilégié du Maroc où sont installés presque 80.000 Français tandis que près de 1.5 millions de Marocains résident en France.