Union ou désunion ? Il semble que rien ne va plus à l'Union des écrivains du Maroc (UEM). Pour certains, il ne reste de cette association culturelle que le nom «Union». Ce qui est arrivé dernièrement à Tanger lors de la cérémonie d'ouverture du 19e congrès de ladite association interpelle à plus d'un titre. Reporté à plusieurs reprises, le congrès de l'Union avait été organisé les 22 et 23 juin derniers sous le thème «Vers un nouvel horizon organisationnel et culturel». En dépit de la tenue de la cérémonie d'ouverture, les travaux dudit congrès ont finalement été suspendus. En cause, des différends entre les membres du bureau exécutif et un certain nombre d'écrivains. Dans un communiqué, le bureau exécutif de l'Union justifie la suspension des travaux par la «logique de la sagesse», pour garantir la pérennité de l'organisation. Il annonce en outre qu'un congrès exceptionnel sera organisé dans six mois, à partir de septembre prochain. Une commission de 15 congressistes sera constituée à cet effet. Elle se chargera, notamment de veiller à la préparation du congrès dans les meilleures conditions afin de dépasser toutes les entraves freinant le congrès et passer enfin aux choses sérieuses. Créée en 1960, l'UEM, baptisée au départ Union des écrivains du Maghreb arabe (UEMA), a connu ces dernières années des hauts et des bas. «L'Union des écrivains du Maroc est une institution qui a été détournée… volée sous le prétexte qu'il fallait que le président soit élu dans la salle», explique Hassan Najmi, ancien président de l'Union des écrivains du Maroc dans une déclaration à Al Bayane. «Nous sommes un groupe de membres de l'Union des écrivains du Maroc. Nous avons essayé d'attirer l'attention du bureau exécutif actuel sur sa non légitimité au niveau juridique, après son élection il y a trois ans déjà», ajoute Najmi. «Malgré cela, ils continuent de travailler depuis plus de trois ans… ce qui n'est pas conforme à la juridiction, l'éthique et la morale». Selon les dires de Najmi, l'UEM en tant qu'institution a perdu de sa légitimité. D'ailleurs, il estime également que l'appel à ce congrès n'a pas de fondements légitimes et juridiques. «Ce doit être un congrès exceptionnel et non pas un congrès normal où les lois seront révisées et de nouvelles structures instaurées. Il ne faut pas numéroter ce congrès», souligne-t-il. Najmi déclare toutefois que les membres opposés au bureau exécutif actuel accompagneront le comité de préparation du congrès durant les 6 mois prochains. Contacté à plusieurs reprises par Al Bayane, Abderrahim El Allam, secrétaire général adjoint de l'UEM, est resté injoignable. Le poète Mohammed Bennis se dit quant à lui désespéré de la situation de cette association. «J'ai quitté l'union en 1981. J'étais membre du bureau, donc je savais ce qui se passait. Je l'ai critiquée dans toute ma vie. Et je ne suis pas surpris de ce qui se passe aujourd'hui», nous confie-t-il. Pour lui, «l'Union est une association qui n'a rien à voir avec la culture». «L'UEM ne représente pas les écrivains et la culture. Je ne sais pas pourquoi on continue à donner de l'intérêt à quelque chose qui n'existe pas. La culture dans notre pays souffre sur le plan institutionnel et associatif. Malheureusement, on n'a pas trouvé jusqu'à présent une vision moderne et ouverte qui répondra aux attentes de la société et des citoyens», explique-t-il. L'écrivain et éditeur Rachid Khaless estime que l'Union des Ecrivains du Maroc est une instance moribonde. Elle ne joue pas, selon lui, le rôle qui lui a été confié, notamment la promotion de la culture, des écrivains et penseurs du Maroc. «Elle est en déphasage par rapport au pouls de la société et du monde alors qu'elle doit être une sorte de sismographe qui en évalue l'élan et qui s'y inscrit pleinement. Pire encore, elle ne se pose pas en force de proposition. Pourtant, l'UEM est reconnue d'utilité publique», explique-t-il. D'après lui, l'Union doit avoir pour mission principale de mettre la question culturelle au centre d'un débat national. Or, l'Union ne semble pas avoir cet horizon. Elle n'est pas un modèle en matière de démocratie interne», poursuit-il. En attendant le prochain congrès, les hommes de lettres ont convié à écouter la voix de la sagesse.