L'investissement ne doit pas avoir pour seul moteur la rentabilité financière, mais doit également prendre en compte la rentabilité écologique, a affirmé le Haut Commissaire aux Eaux et Forêts et à la Lutte Contre la Désertification, Abdeladim Lhafi. Dans un entretien à la MAP à l'occasion de la Journée mondiale de la lutte contre la désertification et la sécheresse (17 juin), célébrée cette année sous le thème «la terre a de la valeur, investissez-y», M. Lhafi a indiqué que «l'investissement ne doit pas se baser uniquement sur une rentabilité financière mais également sur une rentabilité économique qui profite à l'ensemble de la collectivité nationale, et derrière celle-ci, il y a la rentabilité écologique qui prend en compte les besoins des générations futures». Ce n'est que dans cette logique d'investissement et dans le cadre de modèles de développement qui tiennent compte de la durabilité des ressources, que la sensibilisation et la prise de conscience des citoyens en général, et des consommateurs en particulier, peut diriger les modalités de production vers des procédés moins dommageables à notre planète, a relevé M. Lhafi. Dans le cadre des grands objectifs de la stratégie de l'ONU 2030 pour le Développement durable (ODD) et de son objectif 15 en particulier, la planète entend arriver à l'horizon 2030 à la neutralité de la dégradation des sols, à travers le traitement, chaque année, de 12 millions d'hectares de terre au niveau mondial, a-t-il noté. Les principaux pays affectés par les changements climatiques sont en Afrique, qui est «l'un des continents les plus touchés par ce phénomène sans pour autant en avoir la responsabilité historique», a estimé M. Lhafi, qui est également président de l'Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS), soulignant que l'adaptation à ces changements est importante et la lutte contre la désertification en est un élément central. Partant du constat que la dégradation des terres, en privant les pays et les populations d'un certain nombre de ressources et en les confrontant à des fléaux tels que la désertification, attente à la sécurité et à la stabilité des Etats, en induisant «une fragilité qui nourrit tous les extrémismes», le Royaume, a fait savoir M. Lhafi a proposé une feuille de route au sommet des chefs d'Etat africains à la COP 22 à Marrakech, avec notamment l'initiative des «Trois S» stabilité, sécurité, soutenabilité. Le Maroc avait également proposé auparavant, lors de la COP 12 de la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) à Ankara (Turquie), d'héberger l'Unité de coordination régionale (UCR) pour l'Afrique, a-t-il ajouté. L'offre du Royaume a été accueillie favorablement et il abrite depuis fin 2017 l'UCR pour l'Afrique, a-t-il indiqué, précisant que le Maroc œuvre avec la CNULCD pour coordonner les efforts et pour aider les pays à capter une partie des financements, notamment à travers les 100 milliards de dollars par an prévus, dès 2020, dans le cadre de l'accord de Paris et dont 50% seront réservés à l'adaptation et donc à la désertification. Sur le plan national, M. Lhafi a signalé que du fait des changements climatiques, il faut s'attendre à une réduction des précipitations accompagnée d'une concentration des chutes de pluie qui seront plus violentes et plus fréquentes, conduisant inéluctablement au phénomène de l'érosion qui amplifie la désertification. L'érosion est une perte en sol productif d'une part, mais également un phénomène qui participe à l'envasement des barrages, puisque le ruissellement de l'eau avec violence amènera une quantité importante de terre et de particules solides aux barrages, causant ainsi un amenuisement de leur capacité de retenu et une réduction de l'eau disponible pour les usages divers, a-t-il expliqué. Conscient de la gravité de ce phénomène, le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts et à la Lutte Contre la Désertification (HCEFLCD) a traité plus 800.000 hectares à l'amont des barrages, réduisant de 35% leur envasement. Ce traitement, précise le Haut-Commissaire, se fait à travers des végétalisations, ainsi que par la construction de seuils qui permettent d'atténuer la violence des ruissellements tout en favorisant l'infiltration de l'eau qui va nourrir les nappes phréatiques. Concernant les stratégies mises en place par le Maroc pour lutter contre la désertification, M. Lhafi a affirmé que «le Royaume, qui fait partie des premiers signataires de la CNULCD, s'est doté en 2001 d'un Plan d'action national de lutte contre la désertification (PANLCD)». Ce PANLCD s'adresse au phénomène de la désertification dans le sens le plus large du terme, il ne se limite donc pas uniquement à l'ensablement, mais couvre l'ensemble des dégradations et des déséquilibres qui touchent les écosystèmes, a précisé M. Lhafi, soulignant que d'importants résultats ont été enregistrés, en particulier au niveau de la lutte contre l'érosion, de l'économie de l'eau, de la protection des bassins-versants et de la biodiversité. «La connaissance de la dynamique des écosystèmes étant extrêmement complexe, a-t-il poursuivi, nous avons capitalisé sur une dizaine d'années d'exercice, pour réaliser, en 2011, une version actualisée du PANLCD basée sur une méthodologie absolument rigoureuse et des techniques scientifique ayant abouti au découpage du Royaume en huit écorégions». Ces écorégions sont des espaces répondant à des situations homogènes, permettant ainsi d'avoir des indicateurs fiables à la fois pour construire les politiques publiques, les apprécier en cours d'exercice et évaluer leur pertinence et leur efficacité à la fin de chaque exercice, a-t-il précisé. La Journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse a été instaurée en décembre 1994 par l'Assemblée générale des Nations Unies. Elle a pour objectif de sensibiliser l'opinion publique internationale à la situation en la matière ainsi qu'aux mesures prioritaires prises aux niveaux mondial et national pour inverser la désertification et la dégradation des terres ainsi qu'élaborer des solutions plus efficaces face à la sécheresse.